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avoit fait batir,puifque ce Prince s'étoit declaré fon perfecu- ORDRE DE teur; se détermina à passer en Italie où il fonda l'Abbaïe de S. COLOM Bobio au Mont-Apennin. Mais à peine y eut-il fixé fa demeure, que Clothaire qui s'étoit rendu maître de toute la France, après la mort de Thierri, qui arriva peu de tems après) aïant fçu fa retraite, envoïa chercher faint Euftafe, qui gouvernoit le Monaftere de Luxeüil, & le pria d'aller trouver faint Colomban, & de mener avec lui ceux qu'il voudroit de fa nobleffe pour être les cautions de fa bonne volonté, afin d'inviter ce faint homme à le venir trouver. Euftafe s'acquita fidellement de fa commiffion. Saint Colomban le reçut avec une grande joie & le chargea de l'excufer auprès du Roi fur l'impoffibilité où il étoit de retourner en France & de lui dire qu'il lui demandoit feulement la protection pour le Monaftere de Luxeüil. Il donna une Lettre à faint Euftafe pour ce Prince, qui l'aïant reçue avec bien de la fatisfaction ( quoiqu'elle fut pleine d'avis pour le corriger) accorda fa protection au Monaftere de Luxeüil, l'enrichit de grands revenus & en étendit les limites autant que faint Euftafe le fouhaita. Pour ce qui regarde S. Colomban,aïant demeuré un peu plus d'un an à Bobio, il y mourut le 22. Octobre 615. au grand regret de tous fes Difciples qu'il avoit formés avec un zele incroïable à la vertu & à la perfection. Ce fut de ce Monaftere de Bobio qu'il écrivit l'an 913. au Pape Boniface IV. au fujet des trois Chapitres c'est ainsi qu'on appelloit les écrits de Theodore de Mopfuefte, de Theodoret,contre ceux de faint Cyrille, & la Lettre d'Ibas à Maris Perfan, que le cinquiéme Concile General avoit condamnés, comme favorables à l'Heréfie de Neftorius) → mais faint Colomban étoit mal inftruit du fait & prévenu par les Schifmatiques, puifqu'il fuppofoit que le Pape Vigile étoit mort Herétique, & qu'il s'étonnoit que l'on recitât fon nom avec ceux des Evêques Catholiques.

Saint Colomban aïant été obligé de quitter Luxeuil, y avoit laiffé faint Attale pour y faire la fonction de Prieurs mais aïant appris que quelques feculiers s'étoient emparés d'une partie de fonMonaftere (comme fi fa difgrace eût été un titre qui autorisât leur ufurpation, il y envoïa S. Eu ftafe pour gouverner cette Communauté. Ce Saint retira des mains des ufurpateurs les biens qui appartenoient au Mona

Tome V.

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ORDRE DE ftere, & prit un grand foin d'y maintenir la Discipline éta S COLOM blie par faint Colomban. Il eut un grand nombre de Difciples entre lefquels étoit faint Romaric, qui fonda l'Abbaïe de Remiremont: il y en eut même plufieurs qui furent Evêques. Mais la paix de fon Monaftere fut troublée par Agreftin dont nous avons déja parlé : car cet homme inquiet & turbulent (qui aiant été Secretaire de Thierri, s'étoit fait Moine par une chaleur de devotion qui ne dura guerre) aïant embraffé le parti de ceux d'Aquilée, qui étoient alors dans le Schifme, qu'avoient excités les défenfeurs des trois Chapitres, n'oublia rien pour pervertir les Difciples de ce Saint. Il écrivit à ce fujet à Attale Abbé de Bobio & fucceffeur de faint Colomban, l'accufant d'erreur de ce que reftant dans la Communion de l'Eglife Romaine, il condamnoit les trois Chapitres. Il retourna enfuite à Luxeüil, où il tâcha d'attirer faint Euftafe dans fon erreur. Mais comme ce faint Abbé étoit trop éclairé pour donner dans fes fentimens ; & qu'au contraire bien loin d'y entrer, il l'avoit chaffé de fon Monaftere comme un perturbateur & un féditieux,il entreprit de faire condamner la Regle de faint Colomban: il attira pour ce fujet dans fon parti Abellin Evêque de Geneve, fon parent: ils allerent tous les deux trouver le Roi Clothaire, pour l'attirer auffi de leur côté ; mais ce Prince avoit toûjours eu trop d'eftime pour faint Colomban, pour condamner fa doctrine: il leur remontra au contraire l'injure qu'ils faifoient à la memoire de ce grand Saint: & comme ses remontrances furent inutiles, il renvoïa cette affaire au jugement des Evêques, ne doutant point que lors qu'ils feroient affemblés dans un Concile, faint Eustase ne défendît bien la caufe de faint Colomban.

Le Concile se tint à Mâcon l'an 623. où plufieurs Evêques de Bourgogne fe trouverent. Les plaintes qu'Agreftin porta au Concile contre la Regle de faint Colomban, furent, que les Religieux faifoient fouvent le figne de la Croix fur leurs cuilleres, fur les pots & fur les vafes ; dont ils fe servoient pour boire ou manger; qu'en entrant & en fortant du Monaftere, ils demandoient la benediction ; qu'ils ne fe conformoient point aux autres Religieux de l'Eglife, & qu'ils avoient plufieurs fingularités dans la celebration de la Messe & dans le chant de l'Office. Mais ces Apoftats aïant été con

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fondus par les réponses de faint Euftafe, forma une autre ORDRE DE plainte contre les Moines de S. Colomban,de ce qu'ils diffe- S. COLOMroient des autres dans la tonfüre, qu'ils portoient à la maniere des Irlandois. Il eft à remarquer que les Irlandois ne fe rafoient la tête que par devant en demi-cercle, c'est-àdire, d'une oreille à l'autre, le deffus de la tête ne l'étant point. Ce qu'ils faifoient, difoient-ils, pour imiter l'Apôtre Taint Jean, au lieu que les Romains, qui prétendoient imiter l'Apôtre faint Pierre, fe rafoient tout le deffus de la tête, & laiffoient en bas des cheveux en forme de cercle, & que les Grecs fe rafoient toute la tête, fans y laiffer de cheveux, voulant être femblables par-là, à ce qu'ils difoient, à faint Jacques, frere de JESUS-CHRIST, & à l'Apôtre S. Paul; mais apparemment que ceux-ci ont changé de fentiment dans la fuite, puisqu'ils ne fe rafent plus, & laiffent croître entierement leurs cheveux.

Le Concile n'eut point d'égard à ce reproche d'Agreftin, & les Prélats qui s'étoient laiffés furprendre par fon faux zele, aïant été désabufés, ils l'obligerent de fe reconcilier avec fon Abbé, qui l'embraffa, & lui donna le baifer de paix. Mais ce témoignage d'amitié ne fit aucune impreffion fur le cœur de ce miferable, qui confervant toûjours de la haine contre le Saint, & continuant de blâmer fa conduite & fon Obfervance, recommença à troubler les Monafteres. Il alla à Remiremont, où l'on gardoit la Regle de faint Colomban; il porta faint Amé & faint Romaric à méprifer cette Regle, & à introduire une nouvelle Obfervance, , profitant de la méfintelligence qu'il y avoit entr'eux, & faint Euftafe. Il alla auffi trouver fainte Fare à Meaux, pour l'exhorter d'abandonner cette Regle: mais en aïant été méprifé, il retourna à Remiremont, où il trouva que faint Amé & faint Romeric avoient repris les Obfervances de faint Colomban. 11 y eut neanmoins plufieurs Religieux de ce Monaftere qui fe laifferent feduire par ce miferable; mais la vengeance divine fe fit fentir fur plus de cinquante de ceux qui favorifoient fon parti; deux furent déchirés par des loups enragés, qui entrerent de nuit dans le Monaftere; un autre nommé Plaurelius fe pendit; la foudre tomba fur la Maison,& en tua vingt; les autres moururent de fraïeur, ou autrement. Enfin Agreftin lui-même fut tué d'un coup

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