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CHANOINES
DE S. CHRO-
DEGAND.

CHA PIIRE VIII.
Des Chanoines vivant en commun,establis par S.Chrodegand

Evefque de Metz, avec la vie de ce faint Fondateur.
Q

UOIQUE le Diacre Amularius dise , que saint Chro

degand est le premier qui a donné commencement à la vie commune des Clercs, & qui ait dressé pour eux uine Regle, on ne peut pas néanmoins oster à faint Augustin la gloire de l'avoir devancé ; mais il y a bien de l'apparence que le Clergé de France avoit abandonné ces saintes pratiques, & estoit tombé dans un grand relâchement , lorsque faint Chrodegand monta sur le Siege Episcopal de Merz l'an 742.& la vie commune qu'il fit observer au Clergé de son Diocese , pour lequel il dressa une Regle particuliere , lui a fait donner le titre de Fondateur & de Restaurateur de la vie commune parmi les Clercs ; puisque cerre Regle ne fut pas seulement observée

par

les Clercs de la Cathedrale, & les autres de son Diocese ; mais qu'elle servit de mɔdelle à la reforme de plufieurs Eglises de France, d'Allemagne & d'Italie, & qu'elle est à peu près la mesme qui fur dressée par le Diacre Amalarius par les ordres de l'Empereur Louis le Debɔnnaire , lorsqu'il voulut reformer tout le Clergé dans le Concile d'Aix la Cha-pelle l'an 815.

Ce Saint sortoit d'une des premieres Noblesses d'Austrasie. Il nâquit dans le païs d'Hasbaingou Haspengaw sur la Meuse;. d'un pere nommé Sigram & d'une mere nommée Landrade, que plusieurs croïent avoir esté fille de Charles Martel, & four du Roi Pepin. On l'envora d'abord au Monastere de faint Tron, pour y estre élevé dans la pieté & y apprendre les fciences humaines. Lorsqu'il fut en âge d'estre produit à la Cour, on le fit connoistre à Charles Martel Maire du Palais de nos Rois , qui le retint près de lui , & conçut pour la vertur? & fa science une fi grande estime & une fi grande affection, qu'il le fit son Referendaire &íon Chancelier , & se servit de Lui comme d'un excellent Ministre d'Etat. Il fit paroistre dans ce poste tant de sagesse & d'équité, que le Siege Episcopal de Merz estant venu à vaquer vers l'an 742. par la mort de Sigebald , peu de jours après la mort de Charles Martel,

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DEGAND.

corps

CHANOINE; il fut demandé par le Clergé & le peuple de la ville pour estre DES CHRO leur Evesque.

Pepin qui ne le cherissoit pas moins que son pere avoit fait, eur de la peine à accorder leur demande ; ne voulant pas le priver d'un Ministre si éclairé ; mais à la fin il y consentit, à condition

que Chrodegand seroit toûjours Ministre d'Etat. Cette double élection n'apporta aucun changement dans le cæur de nostre Saint. Il ne perdit rien de son humilité, & loin de moderer ses mortifications & ses austerités, il les aug. menta , & sa charité fut sans bornes.

Pepin aïant esté sacré Roi de France à Soissons par saint Boniface de Mayence, il deputa aussi-toft Chrodegand vers le Pape Estienne Ill. pour le prier de venir en France, & se délivrer ainsi de la vexation des Lombards. Nostre Saint exe. cura la commission, & conduisit lui-mesme le Pape, le garentissant des dangers dont il estoit menacé. Il obtint de ce Poncife les des trois Martyrs saint Gorgon, saint Nabor & saint Nazaire , qu'il mit en trois Monafteres ; saint Nabor à saint Hilaire aujourd'hui faint Avol, au Diocese de Metz ; faint Nazaire à Loresheim fondé près de Vormes, dont le premier Abbé fut Gondelan frere de faint Chrodegand,& il mit les Reliques de faint Gorgon dans le Monastere de Gorze.

Il fut encore envoïé en Ambassade près d'Astuphe Roi des Lombards

pour

le porter à restituer les villes & le païs qu'il avoit pris au saint Siege. Ce fut au retour de ces negociations qu'il s'appliqua avec beaucoup de soin à rétablir la discipline de fon Eglise dans sa pureté. Il rassembla tout le Clergé de son Eglise en un Corps , & le fit vivre en commun dans un Cloistre semblable à ceux des Monasteres , & afin

que

fes Prestres estant debarassés des affaires feculieres & des choses de la terre, s'appliquassent uniquement au service de Dieu, il pourvut à tout ce qui estoit necessaire pour leur subfistance. Cependant il eut besoin du credit qu'il avoit à la Cour, pour vaincre la contradiction qu'il eut à souffrir de la part des Chanoines, qui s'oppoferent long-tems à cette reforme.

La Regle qu'il composa pour eux, contenoit trente chapitres , & estoit tirée des saints Canons , des ouvrages des Peres, & principalement de la Regle de S. Benoist. Il ne les engagea

pas

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NES DE
SAINT

tous

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pas à une pauvreté absoluë; mais il voulut

que celui qui en- CHANO

: treroit dans la Communauté fift une donation solemnelle de

ses biens à l'Eglise de saint Paul de Mets , permettant de CHRODES s'en reserver l'usufruit; & de disposer de ses meubles pendant sa vie ; que les Prestres auroient aussi la disposition des aumônes qui leur seroient données pour leurs Messes , pour la confession ou pour l'allistance des malades.

Les Chanoines avoient la liberté de sortir le jour ; mais à l'entrée de la nuit ils devoient se rendre à faint Étienne , qui est la Cathedrale de Mets, pour chanter Complies, après lesquelles il n'estoit plus permis de boire, ni manger, ni parler ; mais on devoit garder le silence jusqu'après Prime. "Ils logeoient tous dans un Cloître exactement fermé & couchoient dans des Dortoirs communs où chacun avoit son lit. L'entrée du Cloître étoit interdite aux femmes , & aucun laïc n'y pouvoit entrer sans permission.

Ilsestoient obligez de se lever la nuit à deux heures pour les Nocturnes comme les Moines , suivant la Regle de saint Benoilt, & mettoient entre les Nocturnes & les Macines ou Laudes, un intervalle , pendant lequel il estoit défendu de dormir ; mais on devoit apprendre les Pseaumes par cour , lire, ou chanter. Après Prime ils se rendoient tous au Chapitre, on y lisoit un article de la Regle, des Homelies, ou quelqu'autre Livre'edifiant. L'Evêque y donnoit ses ordres , & у

faisoit les corrections, & au sortir du Chapitre, chacun alloit au travail manuel qui lui estoit prescrit.

Quant à la nourriture : depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte, on faifoit deux repas, & on pouvoit manger de la viande excepté le Vendredi seulement. De la Pentecôte à la saint Jean on faisoit encore deux repas ; mais sans manger de viande. De la saint Jean à la saint Martin deux repas & abstinence de viande le Mercredi & le Vendredi. De la saint Martin à Noël abstinence de viande,& jeûne jusqu'à None. De Noël au Carême, jeûne jusqu'à None le Lundi, le Mercredi & le Vendredi , avec abstinence de viande ces deux derniers; jours , les autres jours deux repas. S'il arrivoit une Feste en ces Feries , le Superieur pouvoit permettre la viande. En , Carême on jeûnoit jusqu'à Vespres , avec défense de manger. hors du Cloître. Il y avoit sept tables au Refectoire, la prem, miere pour l'Evêque avec les hôtes & les Etrangers , l'ArTome II.

I

Chanor, chidiacre & ceux que l'Evêque y appelloic ; la seconde pour les SAINT Prestres; la troisiéme pour les Diacres ; la quatrieme pour les CHRODE- Soûdiacres;la cinquiéme pour les autres Clercsila fixiéme pour ÇAND

les Abbés & ceux que le Superieur vouloit; & la septiéme pour les Clercs de la Ville les jours de Festes. La quantité du pain n'estoit point bornée; mais la boisson estoit reglée à trois coups pour le dîner , deux pour le souper , & trois quand il n'y avoit qu'un repas. L'on donnoit un potage & deux portions de viande à deux le matin , & le soir une seule ; & les. Chanoines faisoient la cuisine tour à tour , excepté l’Archidiacre & quelqu'autres Officiers occupés plus utilement.

A l'égard des vêtemens, l'on donnoit aux Anciens tous les ans une chappe neuve,& aux jeunes les vieilles ; les Prestres & les Diacres qui servoient continuellement,avoient deux Tuniques par an ou de la laine pour en faire , avec deux chemises. Pour la chaussure , tous les ans un cuir de Vache & quatre paires de pantoufles. On leur donnoit de l'argent pour acheter le bois ; & toute cette dépense du vestiaire & du chauffage fe prenoit sur les rentes que l'Eglise de Mets levoit dans la Ville & à la campagne ; mais les Cleres qui avoient des Benefices devoient s'habiller , & on appelloie encore alors des Benefices, la jouissance de certains fonds accordés

par

l'Evêque. Cap. Aquif Cette Regle fut reçuë dans plusieurs Eglises ; & lorsque

l'Empereur Charlemagne eut commencé de contraindre tous 72.0 73. les Chanoines à vivre en commun , il leur proposa de vivre ann. 813. felon la Regle de saint Chrodegand. Le Concile de Maïence Thomast

. leur ordonna la même chose; car lorsque ce Concile & Chardifc. Ecclef. lemagne leur prescrivent l'observance de la Regle des Clercs, pari.3. liv.

le Pere Thomassin est de sentiment que c'est de la Reglede I. chap.29.

faint Chrodegand dont ils veulent parler ; puisqu'un des Canons du Concile de Maïence renferme un chapitre entier de cette Regle.

Le relâchement des tems posterieurs a encore aboli la prarique de cette vie commune parmi les Chanoines , presque dans toutes les Cathedrales & Collegiales ; & le Chapitre même de Mets pour lequel saint Chrodegand avoit dressé principalement la Regle , l'a quittée pour le seculariser. La difference qu'il y avoit entre les Disciples de saint Augustin & ceux de saint Chrodegand , c'est que les premiers avoient re

gran. ann.

789. can.

. 9

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