RELICIEUX Religieux de ce miracle, en memoire duquel cette Abbaïe D'ORVAL. a toûjours porté dans ses armes un anneau d'or en champ d'azur. Maltide, pour s'acquitter de son vœu, donna une somme confiderable pour construire une magnifique Eglife, & affigna au Monastere de gros revenus; mais les bâtimens de l'Eglife & de ce Monaftere n'étoient pas encore achevés, lorsque ces Religieux Calabrois reçurent ordre de leur Abbé de retourner dans leur païs, après une si longue abfence. Ils obéirent aussi tot, aimant mieux quitter leurs commodités, que de perdre le merite de l'obéissance. Tout le païs fut affligé de la retraite de ces Serviteurs de Dieu, & fur tout Arnoul Comte de Chini, & fon fils Othon: celui-ci après la mort de fon pere, qui arriva presque dans le même tems, ne voulant pas laisser un lieu si saint & fi venerable en proïe à la profanation des Laïques, alla trouver l'Archevêque de Tréves, pour le prier de prendre ce Monastere sous sa protection, & d'y envoïer des personnes qu'il jugeroit à propos pour y celebrer les divins Offices. L'Archevêque incorpora le Monastere à fon Eglife, & y envoïa des Chanoines, qui mirent la derniere main aux édifices. Henri Evêque de Verdun, consacra l'Eglife, & mit les Chanoines en possession de ce Monaftere, qui n'avoit alors que le titre de Prieuré. Ils menerent d'abord une vie très sainte: mais autant qu'ils édifierent dans le commencement, autant cauferent-ils de scandale dans la suite par leur vie déreglée: ce qui les fit chasser de ce Monaftere, pour faire place aux Moines de Cîteaux. Adalberon, de la Maison des Comtes de Chini, qui étoit monté sur le Siége Episcopal de Verdun, après la mort de l'Evêque Henri, demanda des Religieux à faint Bernard, qui lui en envoïa sept, qui furent tirés de l'Abbaïe de Trois-Fontaines, au Diocése de Langres, & qui prirent possession d'Orval en 1131. Constantin en fut premier Abbé, & il y en avoit eu déja trente-huit lorsque D. Bernard de Montgaillard leur fucceda en 1605. Les Religieux de cette Abbaïe étoient bien déchus de l'Observance Réguliere, & de la vie toute angelique que ceux qui les avoient précedés avoient menée sous les premiers Abbés. C'est pourquoi il en couta beaucoup de peine & de fatigues à Dom Bernard, qui eut bien des obstacles à fur , monter pour y pouvoir rétablir la Discipline Monastique, & RELIGIEU les Observances qui y font encore aujourd'hui en pratique. D'ORVAL. M. de Ville-Forre, dans sa petite Histoire des Peres 'd'Occident, nous a donné un détail de ces Observances qu'il a tiré de la Relation qui lui a été communiquée par un Chanoine de l'Eglise de Paris, qui visita ce lieu dans le cours d'un de ses voïages. Comme la même Relation nous a été aussi communiquée, nous la rapporterons aussi fidelle ment: nous ajouterons seulement que ce sçavant Chanoine eft feu M. l'Abbé Châtelain, & que ce fut en 1682. qu'il alla à Orval, où il arriva le 11. Juin. Nous arrivâmes, dit-il, bien tard à Orval, qui est hors de France, dans le Luxembourg, & le Diocése de Tréves. C'est une Abbaïe de l'Ordre de Cîteaux, de la filiation de Clairvaux, située dans la forêt d'Ardenne, qui est l'ancienne Hercinia. Ony vit comme à la Trape, hors qu'on y mange « ou plutôt qu'on y présente du poiffon quand on pêche, mais aussi on y fuit la Regle de faint Benoît plus à la lettre, & l'on n'y mange en Carême que le foir, fans dire Vêpres le ma- .. tin. Saint Bernard y a demeuré, & leur fit présent du Corps « de faint Menne Martyr & Moine d'Egypte, qu'il avoit eu « de quelque Chevalier, qui le lui avoit apporté de Constantinople, au retour d'une Croisade. L'Abbé de ce lieu est un « Gentilhomme Allemand, d'une fainteté solide, mais très « agréable. 66 Le Vendredi 12. Juin je suivis les Religieux dans la plû- « part de leurs cérémonies. Je n'allai pas à Matines, qu'ils « commencent à deux heures, & qu'ils accompagnent d'une demi-heure de méditation. Après qu'elles font finies, ils ne « se recouchent pas, mais vont au lieu nommé Lectrois, qui « est une salle longue à deux rangs de bancs, dont la partie « anterieure est en pupitre & en table, & la posterieure en « fiége. Il y a une allée large au milieu, & deux étroites prés « des murs: les jeunes ont un autre Lectrois séparé. Ils ont « fur chacun des Bibles commentées, & d'autres bons Livres, “ avec une petite écritoire & du papier. L'hyver ils font là « jusqu'à cinq heures & demie, auquel tems on sonne Laudes, « & l'été jusqu'à fix, que l'on sonne Prime. Après que l'on a « dit l'Oraison, si c'est jour de deux Messes, on dit la premiere, « puis ils vont lire le Martyrologe, & dire le Pretiofa au Chạ» « Ppp iij 1 RELI-,, pitre, après l'avoir sonné en branle quelque tems avec la GIEUX دو دو دو دو petite cloche du Chœur. Je les suivis, & l'un d'eux m'invita d'y entrer par figne. Je demeurai à la porte en dehors. Sous la benediction, Dies & actus, &c. on lut de la Regle de saint Benoît sur le ton des Leçons de Matines. Après la priere „ pour les Morts, ils allerent dans le Vestiaire, qui est un lieu „ quarré au bout du Cloître, plein de porte-manteaux. Là ils » quitterent leur grande coule blanche, & aïant traversé le دو دو دو دو Čloître par differens chemins, ils allerent en divers endroits du bois travailler. A huit heures un quart on fonna la fin du travail avec la grosse cloche du Chœur : ils revinrent se la>> ver au Lavoir, allerent au Vestiaire prendre leurs habits de » Chœur, & monterent au Lectrois pour se préparer à l'Office >> par la lecture. دو A huit heures trois quarts on fonne Tierce avec la petite » cloche;ils furent tous rendus au Chœur en très peu de tems, reciterent Tierce de la Vierge, & chanterent celles de la Ferie, ensuite Sub tuum, &c. c'étoit le Célébrant en aube & » en étolle, accompagné du Diacre & du Soû-Diacre, qui „ avoit commencé Tierce: il étoit allé à la Sacristie dès la دو demie au fon de la cloche qui avoit tinte. On dit la Messe >> fimple de saint Basilides; le Soû Diacre vint après l'Epître >> recevoir la benediction de l'Abbé dans sa Chaise du Chœur > le Diacre alla au même lieu faire benir l'encens, & deman der la benediction. Pendant Tierce & la Messe, pas un Re» ligieux ne me regarda. Dès qu'on eut dit Ite Miffa eft, on » s'en alla droit au Lectrois, sans quitter l'habit de Chœur. A >> dix heures trois quarts on fonna Sexte: après les avoir chan>>tées, ils allerent droit au Refectoire sans laver leurs mains. » On lut pendant le repas du Livre des Rois, au ton des Ma" tines: on vint en disant Miserere, achever graces dans le » Chœur, après lesquelles ils dirent De profundis à genoux » pour les Bienfacteurs; ce qu'ils ne font que tous les Ven>> dredis. Comme on disoit la Collecte, l'horloge fonna midi, & » ils demeurerent à genoux pendant l'Angelus. Après ils alle> rent se promener, sans se parler jusqu'à midi & demi, au" quel tems on fonna la Siofte, c'est-à-dire, la Meridiene, qu'ils * allerent passer chacun dans leur cellule pendant une heure, " foit en dormant, soit en reposant en filence, comme il est * ordonné dans la Regle de saint Benoît : REET GIEUX A une heure & demie, selon la même Regle, on fonna " None; après les avoir chantées, ils allerent au vestiaire quit- "DORter leurs habits blancs, & ensuite malgré une grosse pluïe « VAL. qu'il faisoit, ils s'enfoncerent dans les bois pour travailler. A trois heures & demie on fonna la fin du travail, ils revinrent, ils se laverent, & allerent reprendre leurs habits de * Chœur, & fe rendirent au Lectrois. A quatre heures on fonna " Vêpres; après les avoir chantées, ils allerent pendant un " petit quart d'heure fatisfaire à leurs differens besoins. A cinq " heures on sonna le soûper. C6 Cependant j'allai voir les jardins & le Parc, la pluïe étant " un peu diminuée. Je vis dans le jardin d'un des anciens Re- " ligieux, un faint Denis de bois peint, portant sa tête & qui jette de l'eau par le haut de la gorge ; & là tous les instrumens de la Passion sont en boüis. Sur une terre qui est dans " le grand jardin est une petite Eglise d'une fort belle Archi- " tecture du tems d'Henri II. avec un Jubé & des orgues feintes. Les Religieux y viennent dire la grande Messe le " jour de la Dédicace. Un Ermite couche & travaille auprès; l'Abbé ne voulut pas me dire qui il étoit, & à mon retour à " Paris j'appris que c'étoit M. de Pont-Château, Sebaftien Joseph du Cambout frere de Madame la Duchesse d'Epernon & de feuë Madame d'Harcourt. Plus haut il y a une autre petite Chapelle de structure Gothique, près laquelle est la porte du Parc, où il y a degrandes allées tirées au cordeau & dont quelques-unes ont des contre-allées. La chaleur avoit été si grande depuis huit jours, principalement le Mercredi qu'ils devoient jeûner, que l'Abbé suivant la Regle avoit relâché le jeûne de ce jour-là. A fix heures & demie on sonna à l'Eglise, & ils quitterent les Lectrois où ils étoient, & vinrent au Chapitre, où sous la benediction, Noctem quietam &c. on lut le Martyrologe de Citeaux, & tout de suite les Conferences de Cassien du ton des Leçons de Matines jusqu'aprés les trois quarts. Tu autem &c. aïant été dit par le Président, & Domine miserere &c. par le Lecteur, ils fortirent, & je les suivis au Chœur, où ils réciterent les Pseaumes des grandes Complies, chanterent le reste, & réciterent les petites, pendant quoi l'on fonna pour les Freres Convers qui font habillés de tanné, & vinrent CC GIEUI VAL. RELI-> dans leur Chœur separé de celui des Peres, mais presque D'OR- >> aussi grand. Ils entendirent le Salve &c. qu'on chanta du " ton des Peres de l'Oratoire, & demeurerent à l'examen qui » dura un quart d'heure, aprés lequel les anciens sortant les " premiers, le Président leur donna de l'eau benite avec un >> goupillon qui est près des dégrés du Dortoir. Le Samedi 13. nous partimes après avoir vû l'Eglise de sainte Margue" rite, Paroisse des domestiques & des ouvriers d'Or.Val : " car on y travaille dans les forges de fer. دو Leur habillement est le même que celui des autres Religieux de cet Ordre, ainsi nous n'en donnons point de représentation particuliere. Angel. Manriq. Annal. Ord. Ciftert. Tom. 1. Chrisostom. Henriqués, Fafcicul. Sanct. Ord. Cift. Yepes, Chroniq. Genéral. de l'Ordre de Saint Benoît, Tom. 7. Moreri. Diction. Historique. Edit. de 1704. & 1707. & Relation manuscrite d'un voïage de M. l'Abbé Chatelain. FIN DU CINQUIEME VOLUME. TABLE |