Des Religieufes de Port-Roial de l'Ordre de Citeaux, ABBATE de Port-Roïal proche Chevreufe au Diocéfe de Paris,de l'Ordre de Citeaux & de l'Inftitut du faint Sacrement, s'appelloit anciennement le Port du Roi ou PortRoi. L'origine de ce nom eft fort incertaine : cependant l'ancienne opinion eft que Philippe Auguste Roi de France chaffant dans les bois qui font aux environs de cette Abbaïe s'égara, & qu'aprés avoir fait plufieurs tours fans fçavoir où il étoit, il trouva une petite Chapelle dédiée à faint Laurent,à laquelle il s'arrêta,fe doutant bien que quelquesuns de fes Officiers la voïant, ne manqueroient pas de s'en approcher, dans l'efperance d'y trouver quelqu'un qui pût les tirer de l'inquiétude où il préfumoit que fon abfence les mettoit: ce qui étant arrivé comme il fe l'étoit imaginé, il donna à ce lieu le nom de Port-Roïal ou Port du Roi, comme pour fignifier que ce lieu lui avoit été auffi favorable dans fon égarement que l'eft un port à un vaiffeau qui s'y échappe du danger de la tempête & du naufrage. C'eft pourquoi en action degraces & en memoire de la peine où il s'étoit trouvé, il refolut d'y faire bâtir un Monaftere : mais Odon de Sulli neveu du Comte de Champagne, Favori du Roi & fon parent, qui étoit Evêque de Paris, aïant fçu la volonté de ce Prince, fit bâtir cette Abbaïe, aïant eu pour le feconder dans cette fainte entreprise, Maltide fille de Guillaume de Garlande Seigneur de Livri,& Epoufe de Mathieu de Montmorenci, premier Seigneur de Marli, ce qui arriva Tan 1204. & l'on y mit des Religieufes de Câteaux qui ont toûjours été foûmifes à la jurifdiction de l'Abbé Général & Chef de cet Ordre jufqu'en l'an 1627. qu'elles en furent fouftraites par Bref d'Urbain VIII. comme nous le dirons dans la fuite. Le relâchement s'étoit introduit dans ce Monastere auffibien que dans plufieurs autres, defquels les guerres civiles, qui affligerent la France fur la fin du feiziéme fiécle & le commencement du dix-feptiéme, avoient presque banni la DE SES PORT ROIAL. RELIGIEU régularité, lorfque la Mere Angelique Arnaud vingt-cinquiéme Abbeffe de ce Monaftere commença à exercer fon Office l'an 1602. aprés la mort de Jeanne de Boulchart dont elle étoit Coadjutrice dès l'âge de fept ans. Un de fes premiers foins fut d'y rétablir les Obfervances Régulieres; & quoiqu'elle n'eût encore que dix-fept ans, elle entreprit avec un courage autant heroïque, que peu ordinaire dans un âge fi tendre de faire revivre dans cette maifon le premier esprit de Cîteaux : ce qu'elle fit d'autant plus aifément, que treize Religieufes qui reftoient dans ce Monastere, entrerent dans fes fentimens & fuivirent fon exemple. Elle s'acquit une fi grande eftime que l'an 1618. l'Abbeffe de Maubuiffon aïant été déposée, & cette maifon étant beaucoup divifée, elle fut nommée pour en prendre le gouvernement, y mettre la Réforme & y réunir les efprits. Elle y réüffit fi bien, & cette maifon acquit auffi une fi haute réputation, que pendant quatre années qu'elle y demeura, elle y donna l'habit à plus de vingt-cinq filles. Toutes chofes étant pacifiées dans cette Abbaïe & les obfervances régulieres étant rétablies en 1622. elle fe difpofa pour retourner à Port-Roïal, qui avoit été gouverné en fon absence par Catherine Agnés Arnaud fa foeur, qu'elle avoit nommée à cet effet pour fa Coadjutrice. Mais les filles qu'elle avoit reçuës à Maubuiffon ne voulurent-point l'abandonner, ne pouvant fouffrir d'être féparées de leur Mere. Elles la conjurerent avec tant de larmes de les emmener avec elle, que quoi qu'elles n'euffent toutes enfemble qu'environ cinq cens livres de penfion viagere que Port-Roïal fût trés pauvre, elle fe laiffa attendrir à leurs larmes, & fe refolut d'en écrire à fa Communauté pour en avoir le confentement, lequel étant venu par la réponse que lui firent fes Religieufes, elle partit avec elles. Ainfi la Communauté de Port-Roïal qui fut encore augmentée par la réception de quelques autres filles, à qui la Mere Angelique donna l'habit à fon retour, fe trouva compofée en peu de tems de quatre-vingts Religieuses. & par les Elles étoient fort incommodées dans cette Maison fréquentes maladies, auffi-bien que par le grand nombre de Religieufes, les revenus de cette Abbaïe n'étant pas fuffifans pour les entretenir. Mais Madame Arnaud (Catherine Marion ) mere de la Mere Angelique, & qui a eu fix filles & SES DE & cinq niéces Religieufes dans cette Abbaïe, lui donna RELIGIEU une maison à Paris au fauxbourg faint Jacques, pour en faire un fecond Monaftere. La Mere Angelique avoit feu- RoïAL lement deffein d'y envoïer une partie de fes Religieufes, afin de foulager la Maifon de Port-Roïal des Champs. L'Abbé de Cîţeaux y confentit l'an 1624. mais l'Archevêque de Paris ne voulant pas qu'elles euffent deux Maisons, leur permit feulement qu'elles vinffent toutes ensemble demeurer à Paris: ce qu'elles firent l'an 1626. en vertu des Lettres Patentes que le Roi leur avoit accordées au mois de Decembre 1625. La Reine Marie de Medicis fe déclara Fondatrice de ce nouvel établissement: ce qui fut confirmé par Arrêt du Parlement du 16. Février 1629. & le Pape Urbain VIII. en confirmant auffi cette Tranflation par fon Bref du 15. Juin 1627. les exemta de la jurisdiction de l'Abbé de Cîteaux, & des Superieurs de l'Ordre, les foumettant à celle de l'Archevêque de Paris. Ce fut alors que la Mere Angelique Arnaud trouva moïen d'executer ce qu'elle avoit defiré depuis long-tems qui étoit de fe dépoüiller de fa qualité d'Abbeffe; ce que la Mere Catherine-Agnés fa foeur aïant auffi fait de celle de Coadjutrice, cette Charge fut mise en élection triennale, avec le confentement du Roi Louis XIII. qu'il leur accorda,à la priere de la Reine fa mere, par fes Lettres Patentes de l'an 1629. Ainfi les Meres Angelique & CatherineAgnés Arnaud s'étant démifes de leurs Offices devant l'Official de Paris, on élut pour premiere Abbeffe Triennale, Marie-Geneviève de faint Augustin le Tardif, qui avoit fait profeffion dans cette Maison. Dans ce tems-là il fe fit un nouvel établissement d'une Maison Religieufe, devoüée entierement au culte du faint Sacrement: de forte que le jour & la nuit il devoit y avoir toûjours quelque perfonne en prieres devant le faint Sacrement. Plufieurs perfonnes de diftinction, parmi lesquelles il y avoit quelques Evêques, conçurent ce deffein; l'un des premiers projets pour réüffir dans cette entreprife, fut que PArchevêque de Paris, Jean-François de Gondi, donneroit la Maison de Port-Roïal; l'Archevêque de Sens, Octave de Bellegarde, celle de Lis ; & l'Evêque de Langres, Sebaftien Zamet, celle de Nôtre-Dame du Tart, toutes trois de Tome V. Mmm |
