RELIGIER. CHAPITRE X LI V. Institut du faint Sacrement. de Paris,de l'Ordre de Cîteaux & de l'Institut du saint Sacrement , s'appelloit anciennement le Port du Roi ou PortRoi. L'origine de ce nom est fort incertaine : cependant l'ancienne opinion est que Philippe Auguste Roi de France chassant dans les bois qui sont aux environs de cette Abbaïe s'égara , & qu'aprés avoir fait plusieurs tours sans sçavoir où il étoit , il trouva une petite Chapelle dédiée à saint Laurent,à laquelle il s'arrêta, së doutant bien que quelquesuns de ses Officiers la voïant, ne manqueroient pas de s'en approcher, dans l'esperance d'y trouver quelqu'un qui pût les tirer de l'inquiétude où il présumoit que son absence les mettoit : ce qui étant arrivé comme il se l'étoit imaginé, il donna à ce lieu le nom de Port-Roïal ou Port du Roi, comme pour signifier que ce lieu lui avoit été aussi favorable dans son égarement que l'est un port à un vaisseau qui s'y échappe du danger de la tempête & du naufrage. C'est pourquoi en action de graces & en memoire de la peine où il s'étoit trouvé, il relolut d'y faire bâtir un Monastere : mais Odon de Sulli neveu du Comte de Champagne , Favori du Roi & son parent, qui étoit Evêque de Paris,jaïant fçu la volonté de ce Prince, fic bâtir cette Abbaïe, aïant eu pour le seconder dans cette sainte entreprise , Malcide fille de Guillaume deGarlande Seigneur de Livri,& Epouse de Mathieu de Montmorenci, premier Seigneur de Marli, ce qui arriva l'an 1204. & l'on y mit des Religieuses de Cîreaux qui ont toûjours été foầmises à la jurisdi&tion de l'Abbé Général & Chef de cet Ordre jusqu'en l'an 1627. qu'elles en furenc foustraites par Bref d'Urbain VIII. comme nous le dirons dans la suite. Le relâcheinent s'étoit introduit dans ce Monastere aussibien que dans plusieurs autres, desquels les guerres civiles, qui affligerent la France sur la fin du seiziéme siécle & le commencement du dix-septiéme, avoient presque: banni la : SES DE PORTA RožaL. Religiev. régularité, lorsque la Mere Angelique Arnaud vingt-cin quiéme Abbesse de ce Monastere commença à exercer son Office l'an 1602. aprés la mort de Jeanne de Boulchart donc elle étoit Coadjutrice dès l'âge de sept ans. Un de ses premiers soins fut d'y rétablir les Observances Régulieres; & quoiqu'elle n'eût encore que dix-sept ans, elle entreprit avec un courage autant heroïque, que peu ordinaire dans un âge si tendre de faire revivre dans cette maifon le premier esprit de Cîteaux : ce qu'elle fit d'autant plus aisément, que treize Religieuses qui restoient dans ce Monastere, entrerent dans fes sentimens & fuivirent fon exemple. Elle s'acquit une fi grande estime que l'an 1618. l'Abbesse de Maubuisson aïant écé déposée, & cette maison étant beaucoup divisée, elle fuc nommée pour en prendre le gouvernement, y mettre la Réforme & y réünir les esprits. Elle y réüslit si bien , & cette maison acquit ausli une li haute réputation, que pendant quatre années qu'elle y demeura, elle y donna l'habit à plus de vingt-cinq filles. Toutes choses étant pacifiées dans cette Abbaïe & les observances régulieres étant rétablies en 1622. elle se disposa pour retourner à Port-Roïal, qui avoit été gouverné en fon absence par Catherine Agnés Arnaud sa tour, qu'elle avoit nommée à cet effet pour la Coadjutrice. Mais les filles qu'elle avoit reçuës à Maubuisson ne voulurent point Vabandonner , ne pouvant souffrir d'être séparées de leur Mere. Elles la conjurerent avec tant de larmes de les emmener avec elle , que quoi qu'elles n'euffent toutes ensemble qu'environ cinq cens livres de pension viagere , & que Port-Roïal fût trés pauvre, elle se laissa attendrir á leurs larmes, & se refolur d'en écrire à la Communauté pour en avoir le consentement , lequel étant venu par la réponse que lui firent ses Religieuses, elle partit avec elles. A infi la Communauté de Port-Roïal qui fut encore augmentée par la réception de quelques autres filles , à qui la Mere Angelique donna l'habit à son retour , se trouva composée en peu de teins de quatre-vingts Religieuses. Elles étoient fort incommodées dans cette Maifon par les fréquentes maladies , auiffi-bien que par legrand nombre de Religieuses , les revenus de cette Abbaïe n'étant pas fuffic fans pour les entretenir. Mais Madame Arnaud ( Catherine Marion ) mere de la Mere Angelique, & qui a eu fix filles SES & cinq niéces Religieuses dans cette Abbase , lui donna ReligiTV. une maison à Paris au fauxbourg saint Jacques, pour ens faire un second Monastere. La Mere Angelique avoit seu- Roïace lement dessein d'y envoïer une partie de ses Religieuses, afin de soulager la Maison de Port-Roïal des Champs. L'Abbé de Cîteaux y consentit l'an 1624. mais l'Archevêque de Paris ne voulant pas qu'elles eussent deux Maisons, leur permit seulement qu'elles vinsfent toutes ensemble demeurer à Paris : ce qu'elles firent l'an 1626. en vercu des Lettres Patentes que le Roi leur avoit accordées au mois de Decembre 1625. La Reine Marie de Medicis se déclara Fondatrice de ce nouvel établissement: ce qui fut confirmé par Arrêt du Parlement du 16. Février 1629. & le Pape Urbain VIII. en confirmant aussi cette Translation par fon Bref du 15. Juin 1627. les exemta de la jurisdiction de l'Abbé de Cîreaux ; & des Superieurs de l'Ordre , les soumettant à celle de l'Archevêque de Paris. Ce fut alors que la Mere Angelique Arnaud trouva moïen d'executer ce qu'elle avoit desire depuis long-tems, qui étoit de se dépoüiller de la qualité d'Abbesse; ce que la Mere Catherine-Agnés sa sær aïant aussi fait de celle de Coadjutrice, cette Charge fut mise en élection triennale , avec le consentement du Roi Ložis XIII. qu'il leur accorda , à la priere de la Reine sa mere, par ses Lettres Patentes de l'an 1629. Ainsi les Meres Angelique & CatherineAgnés Arnaud s'étant démises de leurs Offices devant l'Official de Paris , on élut pour premiere Abbesse Triennale , Marie-Geneviéve de saint Augustin le Tardif , qui avoit fait profession dans cecte Maison. Dans ce tems-là il fe fit un nouvel établissement d'une Maison Religieuse, devouée entierement au culte du faint Sacrement: de sorte que le jour & la nuit il devoit y avoir toûjours quelque personne en prieres devant le saint Sacrement. Plusieurs personnes de distinction, parmi lesquelles il y avoit quelques Evêques , concurent ce dessein ; l'un des premiers projets pour réüssir dans cette entreprise, fut que l'Archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, donneroit la Maison de Port-Roïal ; l'Archevêque de Sens , Octave de Bellegarde , celle de Lis; & l'Evêque de Langres, SebaHien Zamet, celle de Notre-Dame du Tarr, toutes crois de Tome V. M mm |