DINES RE ET DE SA Ces quatre Religieuses furent la Mere de Paquier Coad- BERNARjutrice de l'Abbaïe des Haïes, les Meres de Ponçonas & de FORME'ES Buissorond, & la Sœur de Montenard encore Novice. Elles DE FRANCE follicitoient depuis un an un établissement dans Grenoble: YOÏE, elles y avoient même loüé une Maison, & à la follicitation du Vicomte de Paquier, pere de la Mere de Paquier, & de leurs amis,elles avoient obtenu verbalement le consentement de l'Evêque de Grenoble. Mais plusieurs difficultés qui se rencontrerent dans cet établissement en aïant empêché l'éxécution, & aïant appris pendant ce tems-là que cinq Religieuses de l'Abbaïe de fainte Catherine en étoient forties pour aller à Rumilli jetter les fondemens d'une nouvelle Réforme; elles résolurent de se joindre à elles. Le Vicomte de Paquier alla lui-même trouver saint François de Sales pour lui communiquer le dessein des Religieuses de l'Abbaïe des Haïes, & ce Prélat porta celles de Rumilli à les recevoir. Ces quatre Religieufes de l'Abbaïe des Haïes arriverent donc à Rumilli le premier Janvier 1623. Elles reconnurent pour Superieure la Mere Loüise de Ballon, qui peu de jours après, aïant fait la distribution des emplois de son Monafte re, donna la Charge de Maîtresse des Novices à la Mere de Ponçonas. Quelques esprits mal intentionnés leur aïant perfuadé que l'Abbé de Cîteaux dans le Chapitre Genéral de cet Ordre avoit réfolu de fupprimer leur Réforme, elles en furent fort allarmées. Elles redoublerent leurs vœux & leurs prieres, & reconnurent bien-tôt après que ce n'étoit qu'une fausse allarme qu'on leur avoit donnéespuisqu'elles reçurent une Lettre de cet Abbé, dans laquelle, bien loin de désaprouver leur entreprise, il les exhortoit au contraire fortement à la continuer ce qui les détermina à tenir le premier Chapitre de leur Congregation pour la réception des Novices. Il y en avoit déja cinq qui se présentoient ; mais elles ne pouvoient leur donner l'habit sans la permiffion de l'Abbé de Thamiers qui s'y opposa, fur ce que la maison où elles demeuroient, ne leur appartenoit pas, & qu'elles n'avoient aucuns revenus fixes. Mais l'Abbé de Cheferi, oncle de la Mere de Ballon, aïant eu recours à l'autorité du Prince Thomas de Savoye, l'Abbé de Thamiers ne put résister aux Ordres de ce Prince, & confentit que l'on donnât l'habit aux Novices. Cepen Tome V. Kkk DINES RE BERNAR. dant ces Religieuses aïant acheté une Maison à Rumilli, FORMEES elles y allerent demeurer le 24. Mai 1624. DEFRANCE La même année tous les obstacles qui s'étoient trouvés ET DE SA YOLE. jusqu'alors à l'établissement de ces Religieuses à Grenoble, aïant été levés, la Mere de Ballon y alla accompagnée des Religieuses de Dauphiné, qui s'étoient mises sous sa conduite, & l'avoient reconnuë pour Superieure à Rumilli. Elles arriverent dans cette ville le 22. Novembre 1624. La Mere de Ballon fut encore reconnuë Superieure de ce nouveau Monastere, où l'on dressa les Constitutions de cette Réforme, qui furent conformes aux avis qu'en avoit donnés saint François de Sales, qui étoient, que sans embrassfer les grandes austerités de l'Ordre de Câteaux, ces Filles devoient s'attacher uniquement à l'essentiel de laRegle & des vœux, s'appliquant de toutes leurs forces à la mortification de l'esprit, au recuëillement interieur & à l'union avec Dieu. Ces Constitutions étoient néanmoins peu conformes aux usages communs de Cîteaux. C'étoit proprement un Traité ou Conduite spirituelle convenable à toutes fortes de personnes, & pour les usages particuliers, ils étoient entierement conformes à ceux des Religicuses de la Visitation instituées par le même Saint, à la reserve de la couleur de l'habit. Ces Constitutions portoient qu'elles se serviroient du Breviaire Romain, qu'elles diroient Matines le foir, afin d'avoir la matinée plus libre, pour emploïer une heure entiere à l'Oraison mentale; qu'elles se coucheroient à dix heures, se leveroient à cinq. Elles devoient aller sept fois le jour au Chœur pour y dire l'Office Divin. Elles devoient faire l'après-dîné une demi-heure de lecture spirituelle, une autre demi-heure d'oraison mentale, & l'examen de confcience deux fois le jour. L'usage de la viande leur fut permis trois fois la femaine : elles portoient du linge, & se servoient de matelats & de tours de lit. Quant à l'habillement, elles se conforment pour la couleur à l'Ordre de Cîteaux, & pour la forme à celui des Religieuses de la Visitation, excepté le bandeau qui est blanc. Pour ce qui regarde les autres usages, ils font aussi conformes à ceux des Religieuses de la Visitation. La Soû-Prieure étroit nommée Sœur Assistante, la Maîtreffe des Novices Sœur Directrice. Les Religieuses ne s'appellent que Sœurs, & elles ne chantent point de Messes hautes. DINES RE Elles travaillerent ensuite à se soustraire de la jurisdiction BERNAR des Peres de l'Ordre, qui s'y opposferent, mais en vain : car FORMEE ces Religieuses obtinrent un Bref du Pape Urbain VIII. DE FRANCE l'an 1628. qui les exemtoit de la jurifdiction des Peres de vos. Citeaux, & let mettoit sous celle des Ordinaires des lieux où elles s'établiroient. La Mere de Ballon aïant féjourné à Grenoble jusqu'au mois de Decembre 1625. retourna en fon premier Monastere de Rumilli, d'où quelque tems après elle fut obligée de fortir pour aller faire un nouvel établissement à Maurienne. Elle en fit encore un quatrième à la Roche, petite ville de Savoye, & un cinquiéme à Seyssel. Elle repassa en France en 1631. pour y faire deux autres établissemens, l'un à Vienne en Dauphiné, & l'autre à Lyon, qui furent suivis peu de tems après de ceux de Toulon & de Marseille. Ce fut la même année 1631. que les Constitutions furent imprimées à Paris pour la premiere fois, avec toutes les approbations necessaires, à l'exception de celle de Rome, que ces Religieuses n'obtinrent que l'an 1634. la Mere de Ponçonas étant venuë à Paris en 1634. pour y faire un nouvel établissement, fit imprimer pour la seconde fois ces Conftitutions: ce qui fut la source de beaucoup de trouble & de division dans cette Congrégation: car soit qu'il y eût déja eu quelque bruit entre la Mere de Ballon & la Mere de Ponçonas, soit que cette derniere fît quelque changement dans ces Constitutions, afin de se donner le titre d'Institutrice d'une nouvelle Réforme; il est certain qu'à peine cette feconde impression fut achevée, que la division commença à éclater: car la Mere de Ballon voulant soûtenir sa qualité de Réformatrice, fâchée du changement que la Mere de Ponçonas avoit fait dans ces Constitutions, en fit imprimer d'autres à Aix, qui étoient conformes à celles de la premiere impression, à la reserve de quelques petits changemens qu'elle crut avoir droit de faire, comme Institutrice : ce qui fut fi sensible à la Mere de Ponçonas, tant par l'affront qu'elle erut recevoir en cela, que par le chagrin qu'elle eut de se voir contrarier dans ses desseins, qu'elle engagea les Religieuses du Monastere de Paris à se revolter contre leur Mere & Fondatrice, & à la perfecuter: ce qui lui réüfit felon for defir: car elles commencerent par folliciter la suppression des ET DE SA FORME'ES BERNAR- Constitutions de la Mere de Ballon, qu'elles accuserent de DORES RF vouloir ufurper l'authorité de Générale, & d'en prendre le DE FRANCE nom. (C'est néanmoins à quoi cette Fondatrice ne songea VOLESA jamais, comme elle le proteste dans ses Ecrits, qui ont été imprimés à Lyon en 1700.) Non contentes de cela, scachant qu'elle étoit dans son Monastere de Toulon occupée à y établir fa Réforme, elles envoïerent un homme exprès à l'Evêque de Marseille pour lui donner avis de prendre bien garde à la Mere de Ballon, qui étoit allée fonder un Couvent dans fon Diocése: que c'étoit un esprit leger, inquiet, ambitieux, qui vouloit toujours regner & dominer, qu'elle n'étoit allée en Provence que pour y faire la Générale de sa Congrégation, & qu'il y alloit de son honneur de ne pas fouffrir que cette étrangere s'établît dans son Diocése, si elle ne vouloit pas renoncer à ses Constitutions. Mais la Mere de Ballon, Toit qu'elle reçût sur cela quelque avis de l'Evêque, soit que d'autres personnes lui en parlassent, ne voulut jamais confentir à ce changement, qui ne pouvoit pas manquer d'introduire le schisme dans ses Monasteres. Cette premiere démarche n'aïant pas eu le succès qu'on en attendoit, on porta la Communauté de Rumilli, dont elle étoit encore Superieure, à la déposer, & à en élire une autre en sa place, afin que n'aïant plus d'authorité, elle ne pût s'opposer au changement. Cette entreprise leur aïant réüssi, elle supporta cette mortification avec soûmission à la volonté de Dieu. Mais les Religieuses du nouveau Monastere de Marseille réparerent l'outrage qu'on lui faisoit en la choisissant pour leur Superieure. Son élection aïant été squë dans la ville, chacun s'empressa de lui en témoigner sa joïespersonne ne le fit avec plus de marques de fatisfaction & d'estime que les Filles Congregées de fainte Ursule, qui formoient une Communauté fort nombreuse;car non contentes de lui en faire les complimens ordinaires dans de pareilles rencontres, elles lui en donnerent des marques plus sensibles, en se foûmettant à sa conduite, & en embrafTant sa Réforme, qui par ce moïen eut un second Monaftere très considerable dans cette même ville. Mais pendant que la Mere de Ballon étoit dans cette nouvelle Maison pour recevoir ces Ursulines à sa Congrégation, & les former à la vie Religieuse, elle y eut un sujet d'exercer sa patience. Celles qui s'étoient declarées les adversaires de ses Conftitu FORME'ES ET DE SA 1 tions, étant averties qu'elle étoit fortie de fon premier Mo- BERMARnastere, emploïerent le credit de quelques Prélats auprès des DINIS RESuperieurs de ce Monaftere, pour y faire recevoir les Con- DE FRANCE stitutions de la Mere de Ponçonas, qui avoient été imprimées à Paris, & obliger les Religieuses de ce Monaftere de brûler celles de la Mere de Ballon. L'authorité de ces Superieurs l'emporta fur la justice & la reconnoissance: ainsi ces Religieuses timides & ingrates, se laissant perfuader, brûlerent les Constitutions de leur Mere, qui l'aïant sçu, supporta cet affront avec tant de vertu & de moderation, qu'elle n'en fit pas paroître le moindre ressentiment; au contraire après avoir établi l'Observance Reguliere dans le second Monaftere, elle rétourna dans le premier pour y achever le tems de sa Superiorité. Les Religieuses quitterent quelque tems après cette Maison pour aller demeurer dans une autre plus grande qu'elles acheterent, & la Mere de Ballon fortit de Marseille l'an 1641. Elle eut encore le déplaisir en sortant de voir que ces Religieuses qu'elle quittoit, & pour qui elle avoit pris tant de peine, la laisserent partir comme une personne indifferente & inconnue, sans aucun témoignage de reconnoissance, & fans lui rien présenter pour fon voïage. Le Superieur même lui dit que s'il vouloit suivre l'avis de quelques-unes, il visiteroit ses hardes, parce qu'on l'accusoit d'emporter trois mille écus de la Maison. Elle alla de Marseille à Cavaillon pour y voir un nouveau Monastere de sa Réforme qui venoit d'y être fondé par les Religieuses.du Monastere de Seyssel. Elle y fut d'abord Superieure; mais elle se démit quelque tems après de cet Emploi, & retourna en Savoye. Six ans après, dans un voïage qu'elle fit en Provence, en passant par Cavaillon, elle fut de nouveau éluë pour Superieure. Le tems de sa Superiorité étant expiré,elle fut encore rappellée en Savoye par l'Evêque de Généve. Elle y fit encore plusieurs fondations, & étant au Monaftere de Seyssel, elle y mourut le 14. Decembre 1668. dans sa 77. année. Quant à la Mere de Ponçonas, aprés avoir établice Monastere de Paris dont nous avons parlé ci-dessus, elle retourna à Grenoble où elle étoit Superieure, & d'où elle sortit encore une autre fois fur la fin de l'anné 1637. pour aller à Aix, où elle étoit appellée pour faire un autre établissement ; elle de Kkk iij |