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DINES RE FORME'ES

tions de l'Ordre. Les Superieurs les ont fait obferver juf- BERNARqu'à préfent avec beaucoup d'exactitude: ce qui a rétabli cet Ordre dans fa fplendeur, en forte que fes Religieux font re- DEFRANCE devenus la bonne odeur de Jefus-Christ, édifiant autant les peuples par leur vie réglée & exemplaire, que leurs préde ceffeurs avoient caufé de scandale, par le relâchement où ils

étoient tombés.

Bullar. Rom. Tom. V. Conftitut. 173. Alexand. 7. Défenf. des Reglemens faits par les Cardinaux, Archevêques & Evêques pour la Réformation de l'Ordre de Citeaux. Plufieurs Pieces & Factums, concernant les differens entre les Religieux des deux obfervances, & Marfollier, Vie de l'Abbé de la Trape.

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CHAPITRE X L I I.

Des Religieufes Bernardines Reformées des Congregations de la Divine Providence, & de faint Bernard en France en Savoie, avec la vie de la venerable Mere Loüife Blanche Therefe de Ballon leur Fondatrice.

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E n'étoit pas feulement dans les Monafteres d'hommes de l'Ordre de Cîteaux que le relâchement & le déréglement s'étoient introduits ; une pareille licence regnoit auffi dans la plupart des Monafteres de filles du même Ordre. Mais comme Dieu avoit fufcité de faints Religieux, pour faire revivre le premier efprit de Citeaux dans plufeurs Monafteres,& établir dans d'autres des Obfervances moins aufteres que les premieres, afin que ceux qui vivoient dans le déréglement attirés par leur douceur, & par leur facilité euffent moins de peine à embraffer une vie uniforme & reglée; il fufcita pareillement de faintes Filles pour remettre dans les Obfervances Regulieres, celles qui s'en étoient écartées, qui embrafferent toutes les aufterités de l'Ordre: les autres effraïées de cette grande aufterité, fe contenterent d'embraffer des Obfervances, qui remplies de fageffe & de moderation, les mettoient à couvert du déréglement & du rélâchement qui s'étoient introduits dans plufieurs Monasteres, & leur prefcrivoient un genre de vie qui

BERNAR. les rendoit des fujets d'édification à tout le monde. Les ReDINES RE ligieufes Bernardines Reformées des Congregations de FranDEFRANCE ce & de Savoïe, furent du nombre de ces dernieres, & euVOTE. rent pour Inftitutrice la venerable Mere de Ballon,

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Elle étoit fille de Charles Emmanuel de Ballon Gentilhomme de la Chambre du Duc de Savoie Charles Emmanuel Premier ; & qui fut dans la fuite Ambassadeur de ce Prince en France & en Efpagne. Elle vint au monde l'an 1591. dans le Château de Vanchi, féjour ordinaire de fes parens, comme le plus agréable & le plus commode de leur domaine, étant fitué au milieu de la Baronnie de Ballon, à cinq lieuës de Généve, & autant d'Anneci. Elle reçut le nom de Loüife au Baptême, celui de Blanche lui fut donné à la Confirmation, & elle prit elle-même celui de Therefe, qu'elle ajoûta aux deux autres quand elle commença fa Réforme.

A l'âge de fept ans fes parens la mirent dans l'Abbaïe de fainte Catherine de l'Ordre de Cîteaux dont l'Abbeffe étoit leur parente. Suivant la pratique de ce Monaftere, elle y reçut l'habit à cet âge, & fut admife au Noviciat. Elle fit un fi grand progrès dans la vertu, & devint en peu de tems fi éclairée dans les chofes fpirituelles, que fa mere fe prévalant de la liberté que les Novices & les Profefles de ce Monaftere avoient d'en fortir pour aller voir leurs parens, la faifoit venir fouvent à Vanchi pour l'entendre parler de fujets de pieté, & pour recevoir d'elle des avis fur ce qui regardoit fon propre falut. Comme les vifites qu'elle rendoit

les parens ne venoient ni de legereté ni d'oifiveté, que ce n'étoit ni par ennui de la folitude, ni par recherche des divertiffemens qu'elle pouvoit frouver ay dehors qu'elle venoit à Vanchi, mais feulement par condefcendance, & même par obéïffance à la volonté de fon Abbeffe & de fes parens, il n'y avoit point de tems plus faintement emploïé que celui qu'elle paffoit chez eux, étant dans le monde comme fi elle n'y étoit pas. Aïant atteint l'âge de feize ans, & le tems étant arrivé qu'elle devoit s'engager plus étroitement par la profeffion Religieufe, fes parens fouhaiterent que ce fût dans leur Château même qu'elle fît ce grand facrifice. Ils n'eurent pas de peine à obtenir cette confolation des Superieurs de l'Ordre car comme en ce tems-là on ne gardoit point de clôture dans le Monaftere de fainte Catherine, non plus

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que

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dans les autres. Ils ne fe rendoient difficiles à pas per- DINES REmettre que les Novices allaffent faire leur profeffion chez FORMEES leurs parens quand ils le demandoient. Le 4. Mars 1607. DE FRANCE aïant été, destiné pour le jour de cette cérémonie, Dom Ni- voïE. colas de Rhides, Abbé Regulier de Thamiers & Vicaire Général de celui de Câteaux, s'y trouva pour recevoir les vœux de cette nouvelle époufe de Jefus-Chrift, qui eut la confolation de les prononcer en présence d'une de fes fœurs, Novice du Monaftere de Bonlieu du même Ordre. qui s'étoit auffi rendue au Château de fon pere pour le même fujet, avec une autre Novice du même Monaftere.

La fœur Loüife de Ballon n'eût pas plûtôt fait sa Profession, qu'elle voulut fe rendre à son Monaftere, comme au féjour où elle venoit de s'attacher plus étroitement. Ce fut en vain que fes parens la folliciterent derefter quelque tems avec eux. Infenfible à leurs larmes & inexorable à leurs prieres, elle leur déclara que c'étoit inutilement qu'ils tâchoient de l'attendrir par les unes, & de la flechir par les autres ; qu'elle étoit réfoluë de s'aller enfermer dans fon Monaftere, pour y joüir de la conversation de fon divin Epoux, & pour fatisfaire à fon devoir : quoique la clôture n'y fût pas obfervée, comme nous avons dit, c'étoit néanmoins la coûtume que chaque Religieufe l'obfervoit la premiere année de fa profeffion avec tant d'exactitude, qu'elle ne fortoit pas une feule fois, non pas même pour prendre l'air à la campagne autour du Monaftere, comme faifoient les autres Profeйles. quand elles le vouloient, outre que la nouvelle Professe étoit obligée d'affifter au Chour fi fidélement à toutes les heures Canoniales pendant cette année, que la maladie même ne fuffifoit pas pour s'en excufer: car fi elle tomboit malade. dans cette même année, il falloit qu'elle la recommençat aprés comme fi elle n'eût rien fait, & on ne la tenoit quitte de cette obligation qu'aprés avoir affifté régulierement au Chœur pendant toute une année fans interruption. Mais la mere de Ballon ajoûta encore quelque chofe de plus : car elle fut pendant ce tems-là fi récücillie & fi retirée dans fa chambre, qu'on ne la voïoit qu'au Choeur & au Réfectoire.

Ce fut dans une retraite qu'elle fit fous la conduite de faint François de Sales fon proche parent, que Dieu lui inf.

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•BERNAR pira les premiers défirs d'une Reforme, qu'elle eut le bonheur de voir accomplir quelques années aprés, lorfque ce DETRAN faint Prélat fut prié par l'Abbé de Cîteaux, de réformer le Monaftere de fainte Catherine qui étoit de fon Diocéfe. Nous avons déja dit qu'on ne gardoit aucune Clôture dans ce Monaftere : ce qui faifoit que l'entrée étoit autant permife aux Séculiers que la fortie en étoit libre aux Religieufes. Les vifites fréquentes, & le fejour qu'elles alloient faire chez leurs parens & leurs amis, les faifoient rentrer dans l'efprit du monde avec tant d'excés, qu'elles revenoient pref que toutes Seculieres à leur Monaftere. L'ameublement de leurs chambres étoit tout mondain. C'étoit une émulation entre elles à qui auroit fon appartement plus richement paré. Les étoffes les plus fines & les plus apparentes, étoient celles qu'elles recherchoient pour s'habiller, quelques-unes y ajoûtoient des parures & des ajuftemens qui donnoient lieu de croire qu'elles avoient honte de laiffer fur elles les moindres marques de leur état. Les Seculiers avoient même leur demeure dans l'enceinte du Monaftere : car outre les fervantes que chaque Religieufe av oit, il y avoit auffi des valets qui y demeuroient, tant pour la culture des terres, que pour la garde des troupeaux qui appartenoient à des Religieufes particulieres, enforte que cette maison reffembloit en quelque façon à une ferme plûtôt qu'à un Monastere, ce qui fut un des principaux motifs qui engagerent celles qui commencerent la Reforme dont nous allons parler.

Tel étoit l'état de cette Abbaïe, lorfque faint François de Sales fut prie l'an 1608. par l'Abbé de Cîteaux Dom Nicolas Boucherat, d'emploïer fon autorité & fes foins pour la réformer: mais ceux qu'il apporta furent inutiles, de maniere qu'il avoit perdu toute efperance d'y réüffir, croïant même qu'il feroit inutile d'y travailler: mais Dieu qui eft admirable dans fes Saints, voulant confoler fon ferviteur & mettre fin à l'accompliffement des défirs de la Mere de Ballon, lui en fit naître l'occafion quelques années aprés. Car cinq Religieufes de ce Monaftere unies ensemble aïant formé le deffein de commencer une nouvelle réforme dans un autre lieu, prévoïant que les autres Religieufes ne voudroient jamais confentir à la Clôture, en parlerent à faint François de Sales, qui beniffant le Pere des mifericordes, des graces

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qu'il faifoit à ces faintes filles, les fortifia dans leurs réfolu- BERNARtions. Il fit de nouveaux efforts pour obliger les autres Reli- DINES REgieufes de ce Monastere à recevoir la clôture, & embraffer DE FRANCE la Réforme ; mais voïant que c'étoit inutilement, il confentit que ces cinq Religieufes commençaffent la Réforme hors le Monaftere. Elles en obtinrent les permiffions neceffaires de l'Abbé de Câteaux, à la recommandation du Prince Thomas de Savoye & de l'Abbé de Thamiers. M. de Leaz,frere de la Mere de Ballon, alla lui-même à Câteaux pour ce fujet: & Rumilli,petite ville de Savoye, fut le lieu où elles jetterent les premiers fondemens de leur Réforme l'an 1622.

Ces cinq Religieufes furent les Meres Bernarde de Vignol, Loüife Blanche Theréfe de Ballon, Emmanuelle de Monthoux, Perone de Rochette,& Gafparde de Ballon,propre fœur de la mere de Ballon, & la troifiéme de ses mêmes foeurs qui avoit embraffé l'Ordre de Cîteaux. Ce fut le 8. Septembre Fête de la Nativité de Nôtre-Dame qu'elles prirent poffeffion de leur Chapelle, & le 21. du même mois qu'elles y prirent l'habit de la Réforme, à la réserve de la Mere Gafparde de Ballon, qui n'etoit pas encore fortie de l'Abbaïe de fainte Catherine par les oppofitions des Religieufes & de fes parens.

Elles commencerent dès lors à dire l'Office au Choeur, mais fans le chanter à caufe de leur petit nombre. Elles gardoient un étroit filence, à l'exception de deux heures par jour, l'une après le dîner, l'autre après le foûper. Elles difoient tout haut leurs coulpes au Réfectoire, balaïoient la Maison, lavoient la vaiffelle, faifoient la cuifine, servoient tour à tour au Réfectoire, & le plaifir qu'elles prenoient dans ces bas exercices étoit fi grand, qu'il y avoit une fainte émulation entr'elles, pour être la premiere à les exercer & la derniere à les quitter.

Elles furent vifitées peu de tems après par faint François de Sales qui leur avoit permis de conferver le faint Sacrement dans leur Chapelle. Il vit leur nouvelle Maison & la trouva fuffifante pour une Communauté, mais le préfentiment qu'il avoit de ce que leur pauvreté leur feroit fouffrir, le porta par un efprit de charité à les encourager & à les exhorter à la patience, & à fe tenir en garde contre l'ennemi de leur falut, leur repréfentant fouvent que Dieu quipar

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