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autre endroit, qui n'étoient que de cinq, de fix, ou de dix perfonnes au plus, où l'on vivoit fans aucune fubordination, & fans autre difcipline que les regles generales de la crainte de Dieu, & où on ne fe maintenoit ainfi qu'avec beaucoup de peine dans la pieté.

Cependant lorfque faint Antoine voulut fe retirer dans fa premiere folitude l'an 270. auprès du lieu de fa naiffance, M. de Tillemont dit, qu'il mit fa foeur dans un Monaftere Pag. 107 de Vierges, qui eft peut-être, dit cet Auteur, le plus ancien dont on faffe mention dans l'églife. Si ce Monaftere Pag. 102. n'étoit qu'une Cabane, & que dans chaque Cabane il n'y avoit ordinairement qu'un Solitaire, il ne pouvoit pas y avoir plufieurs Vierges ensemble qui demeuraflent dans ces fortes de Monafteres; & fi c'étoit une Communauté pareille à celle des Afcetes, quelle apparence,que faint Antoine eût voulu mettre fa foeur dans un lieu, où l'on avoit tant de peine à fe maintenir dans la pieté ! c'étoit donc fans doute un veritable Monaftere, puifqu'il dit, que c'eft le plus ancien dont il foit fait mention dans l'églife; par confequent il y en avoit de veritables, felon lui, cinquante cinq ans avant que S. Pachoine eût commencé celui de Tabenne en 325. ou plû tôt foixante dix ans auparavant, car nous prouverons par M. de Tillemont même, que faint Pachome n'a fondé fon premier monaftere qu'après l'an 340.

Mais le mot de Parthenon dont fe fert faint Athanafe, & que M. de Tillemont a eu foin de marquer à la marge, ne fignifie pas veritablement un Monaftere mais une demeure de Vierges; & M. l'abbé Fleuri a expliqué ce que c'étoit que ces demeures de Vierges; lorfqu'il dit: que dans Fleuri, les premiers fiecles de l'églife, les Vierges confacrées à Dieu moeurs des demeuroient la plupart chez leurs parens, ou vivoient en leur Chrét pag particulier deux ou trois enfemble, ne fortant que pour aller à l'églife, où elles avoient leurs places feparées du refte des femmes. En effet dans fon hiftoire Ecclefiaftique, il ne dit pas Hift. Eccl. que faint Antoine mit fa fœur dans un Monaftere de Vierges; Tompa mais entre les mains de quelques fillesChrétiennes de fa connoiffance, pour l'élever avec elles. C'eft la maniere dont Rofveide, M. Arnaud d'Andilli, & plufieurs autres ont auffi traduit cet endroit de faint Athanafe.

168.

418.

Il n'y a donc point lieu de douter que faint Antoine n'ait

établi de veritables Monafteres parfaits & reglés où l'on Rofveid. vivoit en commun, puifque, comme dit faint Athanafe, les Vit. Patr. Monafteres qu'il établit, étoient remplis de Solitaires, qui pag. 503. paffoient leur vie à chanter, à étudier, à jeuner, à prier, à fe rejouir dans l'efperance des biens à venir, à travailler pour pouvoir donner l'aumône, confervant entr'eux l'union & la charité; mangeant auffi en commun, comme nous le pouvons juger par la complaifance de faint Antoine, qui aimant à manger feul, ne laiffoit pas fouvent de manger avec fes freres lorfqu'ils l'en prioient, afin de pouvoir avec plus de liberté leur tenir des discours utiles.

Ce que Rufin rapporte encore d'un des disciples de ce Saint, nommé Pior, qui, après avoir demeuré quelque tems dans And Boll. fon Monaftere, arriva de fi bonne heure à une fi grande 14. Maii. · perfection, que faint Antoine lui permit à l'âge de vingtcinq ans de demeurer feul où il voudroit, marque affez quefes autres difciples demeuroient ensemble.

PARAGRAPHE VII.

Que faint Amon a fondé fes Monafteres avant ceux de faint
Pachome:

Tom 7.

S / I nous en croyons le P. Papebroch dans la vie de faint De Tillem. Pachome qu'il a donnée, comme écrite par un difciple Mem. pour même de ce Saint, quelques-uns de fes difciples ayant été l'hift. Eccl. voir faint Antoine, il leur dit : que lorfque la paix avoit été pag. 107. rendue à l'église, il n'y avoit point encore de Communau. & 677• tés ; & que c'étoit faint Pachome qui avoit procuré un fi grand bien. C'eft fur le témoignage de ce difciple de faint Pachome auteur de fa vie ( felon le P. Papebroch ) que M. de Tillemont femble appuyer le plus fon fentiment, que faint Pachome eft l'inftituteur des Coenobites, puifqu'il repete la même chofe en plufieurs endroits. Mais nous pouvons agir fur les mêmes principes de cet auteur, & de plufieurs 1bid. pag. modernes qui revoquent en doute beaucoup de faits, parce 679. que quelques écrivains contemporains n'en ont point parlé: Rofveid. ainfi nous rejettons le témoignage de cet écrivain de la vie it. PP. de faint Pachome; puifque faint Athanafe qui a écrit celle

pag. 477.

de faint Antoine, n'a rien dit de la conference de ce Saint
avec les difciples de fant Pachome; & qu'au contraire il
donne affez à connoître que fes propres difciples vivoient
en commun. Il me femble que le filence d'un Pere de l'égli-
se doit l'emporter fur ce qu'avance un auteur qui a été in-
connu pendant plufieurs fiecles, & qui ne paroît au jour que
par
le moyen du pere Papebroch.

M. de Tillemont avoue que ce qu'il a dit de faint Pacho. me, à qui il a donné la qualité d'inftituteur des Coenobites, paroît difficile à foûtenir; puifque Rufin dit que fur la montagne de Nitrie il y avoit cinq mille Solitaires divifés en cin. quante habitations. Il demeure d'accord que fi ces habitations avoient été également remplies, il falloit qu'il y eût De Tillem, cent perfonnes dans chaque, & même deux cens; puisqu'il deffus, pag n'y avoit quelquefois qu'un Solitaire dans une, & par confé153.quent que ces Monafteres pouvoient être confiderables; mais 154. il ajoûte qu'il n'y a pas de preuves confiderables que S. Amon,

comme ci

dessus,

qui fut le premier qui fonda les monafteres de Nitrie, fe fût pag. 673. retiré fur cette montagne avant l'an 328. auquel tems le Monastere de Tabenne étoit deja tout formé ; ou au moins qu'il y eût deja formé des Monafteres.

left neanmoins aifé de prouver par M. de Tillemont mĉme, que faint Amon s'eft retiré à Nitrie avant l'an 328. & par confequent qu'il a pú y avoir fondé des Monasteres avant celui de Tabenne; car il dit qu'il fe maria étant âgé de vingtdeux ans qu'il demeura avec fa femme dix - huit ans : qu'il vécut dans la folitude vingt-deux ans : & qu'il mourut à l'âge de foixante-deuxans, environ l'an 340. Et en examinant dans fes notes l'année de cette mort, il ne veut pas s'en rapporter au menologe de Bafile qui met la retraite de ce Saint l'an 313. au plus tard, parceque, dit-il, s'il étoit mort en 335. il feroit difficile de prouver que le Monaftere de faint Pachome fondé l'an 325. eût été le plus ancien de tous, c'est pourquoi il conclut qu'il peut être mort l'an 345.

Mais nous voulons bien nous en tenir à cette année ; & il fe trouvera que, felon M. de Tillemont, faint Amon s'est retiré à Nitrie l'an 323. & par confequent avant l'an 328. car fi felon lui, il eft né l'an 283. & qu'il a été marié à l'âge de vingtdeux ans, c'étoit donc l'an 305. ayant demeuré avec fa femme l'efpace de dix-huit ans; c'étoit donc l'an 323. qu'il s'eft re

tiré

tiré à Nitrie, puifqu'après avoir vêcu vingt-deux ans dans la folitude, il eft mort à l'âge de foixante-deux ans ; ce qui doit être arrivé l'an 345. Par confequent il s'eft retiré fur la momtagne de Nitrie avant l'an 328. puifqu'il y étoit déja dès l'an 323. felon M. de Tillemont même; quoiqu'il dife qu'il n'y a point de preuves qu'il s'y foit retiré avant l'an 328. & s'étant retiré fur cette montagne l'an 323. il peut avoir fondé fes monafteres avant celui de Tabenne.

Bien loin que S. Pachome eût formé entierement fon mo. naftere en 328. & qu'il y eût déja en ce tems-là un grand nombre de Religieux, comme M. de Tillemont veut le prouver; il nous fournit au contraire des preuves que cela ne peut pas être : nous les tirons de ce qu'il dit dans l'article troifiéme de la vie de ce Saint, que nous rapporterons ici.

'

Après que Dieu eut ainfi rempli S.Pachome de fa grace. Ibid. page (dit M. de Tillemont) il lui fit connoître qu'il le deftinoit à « 174.&feq la répandre fur les autres. Vers la montagne où il demeu- « roit, il y avoit un defert & un village fans habitans, noi- « mé Tabenne. Il y alloit fouvent par ordre de faint Palemon «< pour en rapporter du bois ; & il y demeuroit long-tems en « prieres, demandant à Dieu qu'il le délivrât lui & tous les « autres des rufes de l'ennemi. Un jour comme il prioit ainfra à Tabenne, il entendit un Ange qui lui ordonnoit d'y de- « meurer, & d'y bâtir un monaftere, pour fauver ceux que « Dieu lui envoiroit,& les échauffer par le feu que Dieu avoit « allumé en lui. Ce fut la premiere vifion qu'il cut depuis sa‹«retraite fous faint Palemon, & ainfi ce fut avant que faint« Athanafe füt fait évêque en l'an 326%

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Il retourna dire à faint Palemon l'ordre qu'il avoit reçû, & ce faint vieillard en fut affligé, parce qu'il aimoit Pacho-«» me comme fon cher enfant,& qu'il ne vouloit pas auffi quit- « ter le lieu de fa demeure ordinaire, Il fut néanmoins avec «.. lui jufques à Tabenne, où ils bâtirent une petite maifon : & « avant que de fe feparer, ils fe promirent de fe vifiter l'un « l'autre, chacun une fois par an. Ils l'executerent jusques à la mort de faint Palemon. Ce Saint étant tombé dans une « grande maladie,où il fit paroître beaucoup de courage à re- «» prendre fon abftinence ordinaire que les Medecins lui a- -voient fait quitter d'abord, faint Pachome le vint vifiter, «« Paffifta jufques à la mort, & lui donna la fepulture.

Tome I.

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On ne voit pas bien, fi ce fut avant ou après la mort de » S. Palemon, que Jean frere aîné de S. Pachome, vint de» meurer avec lui à Tabenne. Le Saint le reçut avec d'autant

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plus de joie, que depuis qu'il étoit revenu de l'armée, il » n'avoit jamais été chez fes proches, & n'en avoit jamais ap» paremment vu aucun. Il travailla avec fon frere à étendre » fon petit monaftere, pour y recevoir ceux que Dieu avoit promis de lui envoyer. Mais comme il l'étendoit plus que Jean ne vouloit, celui ci l'en reprit avec une aigreur que le » Saint fouffrit fans rien dire, mais non pas fans quelque émotion, d'où il prit occafion de s'humilier extrémement. Il » continua depuis à vivre avec fon frere dans une douceur & » une humilité admirable, le fupportant avec patience, jus» ques à ce que Dieu le tira du monde peu de tems après.

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On parle enfuite de divers combats que Pachome eut à » foûtenir contre les démons, qui lui apparoiffoient fous tou»tes fortes de figures: mais on ne marque pas précisément à quel tems cela fe rapporte. Il fut foûtenu dans ces combats » par un ancien folitaire nomméHieracapollon, qui regardoit » néanmoins déja le Saint comme le modele, & de lui & des » autres folitaires de ce quartier-là. Ce folitaire vint fouvent » depuis vifiter faint Pachome, & il eut enfin la confolation » de mourir heureusement entre fes bras.

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La vie du Saint marque après cela divers miracles que "Dieu accordoit à la pureté de fon cœur,avant même,( ditelle) qu'il eût acquis la plenitude de la science. Elle ajoûte qu'il demanda à Dieu de le pouvoir paffer tout-à-fait de fommeil être en état de combattre fans ceffe contre pour » le démon, & qu'il jouit affez long-tems de cette grace, qui » a été remarquée par les auteurs des vies des Peres. Il paffa » en une occafion quarante jours fans dormir. Durant quinze » ans il ne dormit que fur un banc, fans s'appuyer, même

» contre la muraille.

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Ce fut après cela qu'étant entré dans une ifle du Nil, près de Tabenne, avec d'autres folitaires des environs, & s'y étant mis en prieres, pour demander à Dieu de connoî"tre fa volonté, un Ange s'apparut à lui, & lui dit par trois » fois la volonté de Dieu eft que vous ferviez les hommes » pour les reconcilier avec lui,après quoi il difparut. Pachome » ne doutant donc plus de ce que Dieu demandoit de lui,

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