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HISTOIRE DES ORDRES RELIGIEUX, CONGRE- gueres connuë que dans les Monafteres qui avoient été fonGATION DU dés de fon vivant, & il excita les autres Communautés ReCASSIN. ligieufes à la recevoir & à s'en fervir pour perfectionner leurs Obfervances.

MONT

Vital & Bonit furent Abbés du Mont-Caffin après Simplicius; mais le gouvernement de Bonit ne fut pas tranquille. Ce fut de fon tems que la prédiction de faint Benoît accomplit. Ce Saint avoit averti fes Difciples que tous les édifices du Mont-Caffin feroient renverfés par les Lombards. Il n'avoit pu détourner ce malheur, ni par fes prieres, ni par fes larmes ; il avoit feulement obtenu de Dieu que tous les Religieux échapperoient des mains de ces Barbares. La chofe arriva comme il l'avoit prédite l'an 580. les Lombards conduits par un de leurs Chefs, attaquerent de nuit les Monafteres & s'en rendirent les maîtres. L'Abbé Bonit & fes Religieux ne laifferent pas de fe fauver, emportant avec eux quelques meubles & quelques Livres, entre lefquels étoit l'Autographe de la Regle & le poids du pain,avec la mesure du vin qu'elle prefcrit pour le repas. Ils vinrent à Rome,où ils furent favorablement reçus du Pape Pelage II. qui leur permit de bâtir près le Palais de Latran, un Monastere, sous le titre de faint Jean-Baptifte, de faint Jean-l'Evangelifte &

de faint Pancrace.

Il y avoit près de cent quarante ans que les Benedictins demeuroient dans ce Monaftere,aïant prefque perdu l'efperance de retourner à celui du Mont-Caffin, qui felon toutes les apparences, devoit demeurer enfeveli fous fes ruines. Il avoit fervi pendant un tems de retraite aux bêtes fauvages ; mais quelques Solitaires & Anachorettes y avoient établi leur demeure l'an 720. lorfque le Pape Gregoire II. qui appliquoit tous fes foins à faire fleurir l'état Monaftique, après avoir non feulement fait rétablir à Rome plufieurs Monasteres ruinés, en avoir fondé de nouveaux,& changé même fa maifon en un Monaftere, fongea à relever les bâtimens de celui du Mont-Caffin.Petronax,qui fut l'inftrument dont il fe fervit pour executer fon deffein, étant venu à Rome pour y vifiter les faints lieux, avoit peut être eu deffein de fonder quelque Monaftere: mais le Pape Gregoire lui perfuada d'aller au Mont-Caffin, & l'engagea de travailler au rétablissement de ce Monaftere. On ne fçait s'il étoit

GATION DU

déja engagé dans la profeffion Monaftique : il eft feur au "CONGRE moins qu'il étoit originaire de Breffe,& qu'il joignoit à une MONTnoble extraction beaucoup de pieté. Il alla donc au Mont- CASSIN Caffin l'an 720. il commença à le rebâtir, & forma une nouvelle Communauté,qui fut compofée de quelques Religieux qu'il avoit amenés de Rome, & de la plus grande partie de ces Solitaires qu'il y trouva,il gouverna cette Communauté en qualité d'Abbé: il y bâtit deux Monafteres, le principal fur la montagne, à l'endroit même où il étoit du tems de faint Benoît, l'autre fous le titre de faint Sauveur proche le Château de Caffin, au pied de la montagne, aux environs duquel l'on a bâti depuis la ville de faint Germain. Il reftoit de l'ancien Monaftere une tour que l'on voit encore aujour d'hui, &, où, felon un ancien manufcrit, à certaine Fête de l'année peut-être étoit ce celle de faint Benoît ) les Grecs & les Latins faifoient l'Office : ce qui fait douter fi l'Abbé Petronax inftitua des Moines Grecs dans le Monaftere de faint Sauveur, ou s'il avoit établi des Moines Grecs & des Latins dans celui d'en haut, ou fi les Grecs ne venoient point d'un certain Monastere voisin pour celebrer l'Office dans celui du Mont-Caffin. Mais comme Leon d'Oftie dit que les Moines des deux Monafteres de Caffin se trouvoient le Mardi de Pâques dans l'Eglife Paroiffiale de faint Pierre dans la ville de faint Germain, que l'on appelloit pour lors de faint Pierre, où ils celebroient la Meffe avec un chant mêlé de Grec & de Latin jufqu'à la fin de l'Evangile; & que cette folemnité fubfiftoit encore du tems de l'Abbé Theodemare, comme il paroît par fes Lettres à l'Empereur Charlemagne ; il fe peut faire que cette folemnité ait été inftituée

par

l'Abbé Petronax.

Dieu donna une grande benediction à fes travaux, & sa Communauté devint fort nombreuse en peu de tems : il eut même des Princes qui voulurent être de fes Disciples comme Carloman Duc & Prince des François, fils du fameux Charles-Martel Maire du Palais. Ce Prince qui avoit eu en partage l'Allemagne & la Thuringe, après avoir foûtmis par la force de fes armes, avec le fecours de Pepin fon frere, ces peuples qui s'étoient revoltés en plufieurs rencontres, renonça à fes Etats & vint à Rome,où il reçut l'an 747la tonfure Clericale & l'habit Monaftique des mains du Pape

CONGRE

MONT

CASSIN.

Zacharie. Il fe retira enfuite fur le Mont-Soracte, où il joíGATION DU gnit á une Eglife de faint Silveftre qui y étoit déja, un Monaftere qu'il fit bâtir, & où il demeura quelque tems: mais s'y trouvant trop importuné de vifite, il alla au Mont-Caffin pour y vivre fous l'obéïffance de l'Abbé Petronax. Trois ans après, l'an 750. Rachis, qui étant Duc de Frioul, fur choifi par les Lombards, pour fucceder à leur Roi Luitprand, conçut tant de mépris des chofes du monde, que fuivant l'exemple de Carloman, il alla trouver à Rome le Pape Zacharie, dont il reçut la tonfure Clericale & l'habit Monaftique. Tafie fa femme, & fa fille Retrude,prirent auffi l'habit de Religion, & le Pape les envoïa tous au Monaftere du Mont-Caffin où Rachis fe foûmit aux obfervances Regulieres: Tafis & Ratrude bâtirent à quatre milles du Mont-Čaffin le Monaftere de Piombarole où elles fe retire rent & vêcurent dans l'observance d'une exacte Discipline. La réputation de l'Abbé Petronax s'étoit repandue dans les païs éloignés. Saint Boniface Archevêque de Mayence, aïant fait bâtir la celebre Abbaïe de Fulde en Allemagne, dont le Prieur Carloman fut Fondateur, puisqu'il donna le lieu fur lequel elle fût bâtie, defigna pour premier Abbé de ce Monaftere faint Sturme. Mais voulant que la Regle de faint Benoît y fut exactement obfervée, il envoïa ce nouvel Abbé au Mont-Caffin pour y remarquer foigneufement & les obfervances & les ufages, afin de les faire pratiquer enfuite à Fulde. Gifulfe Duc de Benevent édifié de l'exacte observance des Religieux du Mont-Caffin leur donna le ter ritoire d'alentour. La Ducheffe Seauniperge fa femme, voulant imiter fa pieté, convertit en une Eglife qui fut dediés en l'honneur de l'Apôtre faint Pierre, un Temple qui fe trouvoit dans le Château de Caffin, & qui y avoit été bâti par les Païens pour y honorer leurs fauffes divinités. Un des fujets du Duc de Benevent, offrit auffi au Monaftere de faint Benoît une Eglife de faint Caffien qu'il avoit fait bâtir á Cingle,avec les terres qui en dependoient : ce que ce Prince confirma, & l'Abbé Petronax, de fon confentement, fit bátir au même lieu un Monaftere pour des Religieufes. Le Pape Zacharie pour temoigner auffi l'estime qu'il faifoit de cet Abbé & de ces Religieux, les protegeoit en toutes fortes de rencontres. Il leur envoïa la Regle écrite de la main de

faint

MONT

faint Benoît avec le poids du pain & la mesure du vin qu'elle CONG REprefcrit, qui avoient été autrefois portés à Rome. Il leur SATION DU donna des Livres de l'Ecriture-Sainte & des ornemens pour CASSIN. leur Eglife. Il exemta leur Monaftere, & les autres qui en dépendoient, de la Jurifdiction des Evêques,& entr'autres privileges il leur accorda la permission de chanter à la Meffe les Dimanches & les Fêtes le Gloria in excelfis, ce qui n'étoit pas pour lors permis à toutes fortes de Prêtres,comme on le peut voir par la Bulle de ce Pape du 18. Février 741. qui eft inferée dans le Bullaire de cette Congrégation. Enfin l'Abbé Petronax après avoir gouverné cette Abbaïe pendant trente deux ans, mourut le 30. Avril 750.

pour

Il eut pour fucceffeur Optat, qui crut que par le credit du Prince Carloman Religieux de fon Abbaïe, il pourroit recouvrer le Corps de faint Benoît, qui avoit été porté en France avec celui de fainte Scholaftique près de cent ans auparavant par faint Aigulfe, que Monmol Abbé de Fleury avoit envoïé au Mont-Caffin pour chercher ce précieux tréfor, qu'il trouva enfeveli fous les ruines de l'Eglife du Monaftere. Optat envoïa de fes Religieux au Pape Zacharie pour lui demander des Lettres de recommandation auprès du Roi de France, & le prier d'emploïer fon autorité contraindre les Religieux de Fleury à reftituer le corps de leur faint Fondateur. Mais ceux qui furent envoïés en France ne réüffirent pas dans leur Ambaffade, quoiqu'ils euffent la protection du Roi,qui envoïa des perfonnes à Fleury pour enlever de force le Corps de faint Benoît: car ceux-ci aïant été couverts de tenebres en entrant dans l'Eglife, en furent tellement troublés, qu'aïant demandé pardon à l'Abbé & aux Religieux, ils retournerent vers le Roi : & l'Archevêque de Rouen qui étoit porteur des Ordres de ce Prince, fe contenta de demander quelque peu des Reliques du Saint, pour les envoïer au Mont-Caffin, afin que ce lieu qui avoit été illuftré par fa préfence, ne fût pas privé tout-à-fait d'un fi grand tréfor.

Les richeffes de cette Abbaïe, & les Monafteres de fa dépendance, augmentoient de jour en jour par la liberalité de plufieurs perfonnes qui y donnoient tous leurs biens. Sous l'Abbé Thomichis qui fucceda à Gratian l'an 766. un Gentilhomme de Benevent, nommé Leon, se donna avec tous Tome V.

F

CONGRE- fes biens au Monaftere du Mont-Caffin: la donation fut SATION DU écrite de fa propre main, & fut mise à l'endroit où avoit été CASSIN. autrefois le Corps de faint Benoît. Elle contenoit entr'autres chofes que tous fes Serfs ou Efclaves,aufquels il venoit de donner la liberté, feroient Vaffaux de l'Abbaïe; qu'eux & tous leurs biens dépendroient d'elle, & que tous les mois il y en auroit quatre qui ne s'occuperoient qu'au fervice des Religieux, & leur obéiroient en tout; qu'ils ne pourroient vendre qu'entre eux leurs biens, & s'en faire donation l'un à l'autre ; & que les biens de ceux qui mourroient fans enfans, appartiendroient au Monaftere:mais que les Moines ne pourroient vendre leurs enfans comme efclaves, les devant regarder comme personnes libres.

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Charlemagne étant en Italie l'an 787. alla par devotion au Mont-Caflin, & fe recommanda aux prieres des Religieux : il leur accorda des Lettres pour les maintenir dans la joüiffance de leurs biens; il confirma leurs Privileges, leur en accorda de nouveaux,& leur conferva le droit qu'ils avoient d'élire leur Abbé. Theodemar l'étoit pour lors : ce fut dans ce voïage qu'il demanda à Charlemagne le Monaftere de Glanfeuil, fondé en France par faint Maur, fe plaignant à ce Prince, & au Pape Adrien I. de ce que ce Monaftere de Glanfeüil, qui dépendoit dans fon origine de celui du Mont-Caffin, en avoit été fouftrait; & de ce qu'il avoit été dépouillé de fes biens par l'Abbé Gaïdulfe, qui étoit un très méchant homme. LePape & l'Empereur eurent égard aux remontrances de l'Abbé Theodemar; Glanfeüil fut reftitué au Mont-Caffin; & il fut ordonné que quand l'Abbé feroit mort, celui du Mont-Caffin en nommeroit un autre, qui recevroit de lui la benediction, & iroit tous les cinq ans au Mont-Caflin, où il prendroit la place du Prieur. Les Moines de faint Maur-des Foffez près Paris, chez lefquels l'on porta le corps de S.Maur l'an 868.par les ordres du Roi Charles le Chauve, dans la crainte des Normans, qui ravageoient la France depuis plufieurs années, affujettirent à leur Monaftere celui de Glanfeüil; mais ceux du Mont-Caffin le reclamerent une feconde fois, & porterent leurs plaintes au Pape Urbain II. qui aïant vu la Bulle d'Adrien I. leur fit reftituer ce Monaftere, qui a été de leur dépendance pendant près de deux fiécles.

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