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CHAUS

ز

Commencement de

Carme-fit que Therese intimidée

par

ses confesseurs, n'operoic son LITES DE- salut qu'aveccrainte , & faifoit de plus grands efforts pour ac.

querir la pureté de son ame :mais après quelques conferens SE’ES.

ces qu'elle eut avec S. François de Borgia de la compagnie de Jesus , qui lui fit connoître que marchant toujours dans l'hu. inilicé, elle n'avoit aucun sujet de craindre l'illusion ; elle se raffura , & se mit sous la conduite de quelques peres de la même compagnie , qui la soậtinrent dans cette conduite ex. traordinaire & qui l'obligerent de joindre l'exercice de la mortification & de la penitence à ces degrès si sublimes d'o. raison. Elle se defic des amitiés particulieres qu'elle avoir, qui, quoiqu'innocentes, mettoient neanmoins un grand empê. chement à la perfection:cela lui coûta beaucoup;par ce qu'étant d'un naturel fort genereux,elle avoit toûjours cru qu'elle devoit aimer ceux qui lui témoignoient de l'affection ; mais après, que par l'ordre de son confesseur elle çuç dit pendant un tems quelques prieres, cette passioni d'amitié s'éteignit,& il ne lui fut plus possible d'aimer personne qu'en Dieu & pour Dieu.

C'étoit dans l'esprit d'acquerir de plus en plus cette perla reformc. fe&ion & de la procurer à d'autres , qu'elle entreprit la re

forme de son Ordre : ce qui la determina à executer ce defsein, furent les maux que les Lutheriens & les Calvinistes, causoient dans l'Allemagne & dans la France , ruinant les églises & profanant les autels; étant bien raisonnable , difoir-elle , que pendant que les ennemis de Jesus-Christ ruinoientles temples que la pieté des fideles lui avoit dediés,onen bâtit de nouveaux pour reparer son honneur. Pour parvenir à ce dessein , elle confera avec quelques vertueuses filles de son Monastère de l'Incarnation, qui entrerent tellement dans ses sentiments, qu'une d'entr'elles qui étoit la nièce & encore pensionnaire , offrit mille ducats pour acheter une mai. son. Une Dame de la ville, d'une grande pieté &intime amie de la Sainte .nommée Guiomar de Ulloa, lui promit de confribuer à cette sainte cuvre ; ce qu'elle executa si fidellement, qu'elle ne l'abandonna point malgré les difficultés qui se rencontrerent , les travaux qu'il fallut souffrir dans l'établisse. ment du premier Monastere ; & qu'elle surmonta genereusement plusieurs persecutions que l'enfer suscita pour traverser defi bons deleins , & étouffer la reforme dans son berceau.

Quoique

Quoique sainte Therese ne pût douter que ce ne fût Dieu Carmequi lui eût revelé d'executer une si fainte entreprise, & qu'el-LITES DEle demeurât très-assurée que le Monastere se feroit , pré-CHAUS

se’es. voyant néanmoins toutes les difficultés qui arriverent, elle euc beaucoup de peine à s'y resoudre : mais elle fut encouragée par saint Pierre d’Alcantara , avec lequel elle avoit contracté une alliance de charité; & après avoir pris encore l'avis du B. Louis Bertrand & de son confesseur, elle commu. niqua son dessein à son provincial, qui consentit & promit de donner dans le tems toutes les permissions necessaires.

La Sainte voyant que son dessein avoit reusli si heureusement, il lui sembloit que toutes choses conspiroient à l'accomplissement de ses desirs ; sa confiance lui faisoit croire que les mille ducats de sa niece,& le peu de bien que cette dame Guiomar lui offroit, étoient suffisans pour fournir aux frais & à l'entretien de cet ouvrage ; de sorte que croyant qu'il n'y avoit qu'à conclurre le tout, elle commença à chercher une place, & à traiter,quoiqu'en secret, de l'achat d'une maison située au même lieu où se voit aujourd'hui le Monastere. Mais la chose ne put demeurer si secrete , qu'elle ne fût bientôt sçûe dans la ville, on n'y eut pas plûtôt appris que Therese & la dame Guiomar sa bonne amie, vouloient établir un couvent de Carmelites Déchaussées, sans aucun fonds ni revenus, que la nouveauté de cette entreprise excita degrands orages contr'elle , & ceux qui s'opposoient le plus fortement à ce dessein , entroient plus avant dans l'esprit & les bonnes graces du peuple. Le trouble fut plus grand dans le MonaItere de Therese; la plus grande grace qu'on pouvoit lui faire , étoit, disoit-on, de la renfermer dans une prison.com. me une personne qui vouloit causer le trouble & la division dans l'Ordre ; & le provincial qui avoit promis de donner - fon consentement à ce nouvel établissement, retira sa parole, sous prétexte que le fond qu'on presentoit pour cette entreprise , n'étoit

pas

suffisant. Sainte Therese animée d'une vertu toute extraordinaire nonobstant ces oppositions, acheta la maison sous le nom de dom Jean d'Ovalle mari de sa fæur Jeanne d'Ahumade, sous prétexte qu'ils venoient s'habituer dans A vila. En effet ils

у vinrent , & s'étant établis dans cette maison , ils commencerent d'y faire travailler, selon le dessein de la Sainte , qui Tome I,

Xx

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Carme- pendant ce tems-là, poursuivit un bref à Rome pour l'exeLITES DE-cution de la reforme. Il fut expedié l'an 1562. la troisiéme CHAUS- année du pontificat de Pie IV. au nom de la dame Guiomar SE’es.

d'Ulloa &de sa mere Aldonze de Guzman, ausquelles il permettoit de pouvoir bâtir un Monastere de Religieuses en cel nombre & sous tel citre qu'elles voudroient, à condition qu'il seroit de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel

. Il ne resta plus qu'une difficulté, qui étoit que le bref soumettant le nouveau Monastere à la jurisdiâion de l'évêque d’Avila , ce prelat avoit peine à donner son consentement à cer établissement, considerant que će Monastere n'avoit aucun

, revenu assuré ; mais S. Pierre d'Alcantara le fit condescendre à recevoir le bref, & à se rendre comme le fondateur & le protecteur de ce premier Monastere.

La Sainte ne perdit pas un moment pour profiter des bonnes volontés de son prelat ; elle n'avoit qu'une fort petite maison pour composer ce premier Monastere, elle y choisit le lieu qui lui parut le plus decent pour faire une chapelle ; une chambre joignante servit comme de chaur aux Religieuses; tout y écoit li pauvre, que la cloche dont elle se fervoit pour

y appeller les Religieuses à l'office, ne pesoit pas plus de trois livres. Ce Monastere fut dedié sous le nom de S. Joseph. Il ne restoit plus que de le peupler de saintes Filles. Therese fit choix de quatre orphelines dont sa niece étoit du nombre.Le jour qu'on celebra la premiere Melle dans ce Monastere, elles se presenterent à la grille vêtues d'une grosse serge couleur minime, la tête couverte d'un gros linge , & les pieds nuds. Un prêtre qui en avoit reçû commission de l'évêque les reçut en l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel & elles s'offrirent ausli de leur part, de garder inviolablement jusqu'à la mort, la regle primitive de saint Albert patriarche de Jerusalem, selon la declaration d'Innocent IV.

Cette nouveauté causa un grand trouble dans le Monastere de l'Incarnation. La superieure envoya sur le champ un commandement à la Sainte d'y retourner,elle obéit à l'heure

à même, & partit après avoir pris congé de ses quatre novices, Elle rendit compte de son procedé avec cant de discretion, d'humilité, de soumission & de dépendance, que la superieure en fur satisfaite. Mais le peuple de la ville s'émur de telle forte contre cette nouvelle fondation, qu'il couroit en foule

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se’es.

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pour renverser le nouveau Monastere, lorsqu'il en fut em- Carmepêché par les magistrats ; & dans une assemblée de la villecites DË. qui se fit à cette occasion, où le gouverneur étoit d'avis qu’on CHAUSralât le Monastere, on se mettoit déja en execution de le faire, lorsque le discours qu’un Religieux de l'Ordre de S. Dominique fit pour la défense de cette reforme naissante, arrêra la fureur du peuple & calma les esprits. Il y eut ensuite quelques autres conferences à ce sujet, où on proposa des voies d'accommodement : celles qui étoient proposees par le gouverneur de la ville, étoient que le Monastere fût renté. Mais

, Therese, bien loin de consentir à cet accord, obtint au con. traire dans le même tems un autre bref de Rome, qui lui permettoit & à ses Religieuses de ne posseder aucuns biens ni en commun ni en particulier, & de pouvoir vivre des aumônes & des charités des Fideles; & elle obtint ensuite de son provincial la permission, non seulement de retourner au cou. vent de S. Jofeph ; mais encore d'y mener avec elle quatre Religieuses du Monastere de l'Incarnation.

A lon arrivée elle établit le gouvernement de la maison elle ne voulut point être superieure , & distribua les charges & les offices aux quatre Religieuses qu'elle avoit amenées. Quelques filles se presenterent ensuite pour être reçues dans ce Monastere, & le peuple délivré de la paflion qui le préoccupoit, n'eut plus que de l'estime pour la Sainte &

pour

ses Religieuses , & leur envoyoit des aumônes sans qu'elles les demandaflent. Sainte Therese avec les quatre compagnes qui étoient sorties du Monastere de l'Incarnation, prit l'habit de la nouvelle reforme , avec le nom de Jesus, au lieu de celui d'Ahumade qu'elle avoit porté jusqu'alors. Elle reçut ensuite un commandement de l'évêque pour accepter la superiorité, & se voyant en paix dans son Monastere, elle fir des constitutions qui furent approuvées par le pape Pie IV. le 11. Juillet 1562.Sa communauté fut composée de treize Filles seulement, l'ayant fixée à ce nombre, & elle ne voulut point recevoir de scurs converses, afin que toutes les Religieuses se servissent reciproquement. Mais cela a été changé dans la suite, le nombre de vingt Filles ayant été fixé pour

les communautés qui sont soumises à l'Ordre; & celles qui sont fous les ordinaires des lieux ne sont point fixées, y en ayant quelques-unes où il y a près decent filles & quelquefois davantage;

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CARMES l'on y reçoit aussi des sæurs converses. Tels furent les comET CAR

mencemens de la reforme de sainte Therese , dont nous allons voir le progrès dans le chapitre suivant.

MELITES
DECHAUS

se's.

CHAPITRE XLVIII.

Continuation de l'origine des Carmelites Dechauffées, il

est parlé de la reforme des Carmes Déchaussés avec la Vie
du B.Jean de la Croix, premier Carme Déchaußé, con

Coadjuteur de sainte Therese dans cette reforme.
S

Ainte Therese qui avoit reçû de grandes contradic.
tions de la part des hommes dans l'établissement du

premier Monastere de Filles de sa nouvelle reforme, ne se rebuta point pour cela. Elle poursuivit son entreprise, & ce courgenereux qui venoic de remporter une si glorieuse victoire, ne s'effraya pas de toutes les difficultés qu'elle prévoyoit bien devoir s'opposer au dessein qu'elle conçut aussi d'écablir la même reforme parmi les Religieux. Il n'y avoit que

fon humilité qui la retenoit en quelque façon, & qui lui represenroit qu'une entreprise li relevée ne devoit pas être confiée à la foiblesse d'une femme. L'arrivée du Pere Jean Baptiste Rubeo general de l'Ordre, qui vint en Espagne pour faire ses visites, avança l'execution de cette entreprise ; car elle prie occasion de lui communiquer son dessein dans une conference qu'elle eut avec lui. A la verité il s'y opposa d'abord à cause des Religieux mitigés , qui ne vouloient point entendre parler de reforme; mais il ne put refuser aux prieres de l'évêque d'Avila , Dom Alvarez de Mendoza , la permission que

fáinte Therese demandoit : il en ajoûta même une autre à laquelle elle ne s'attendoit point,& qu'elle ne lui avoit point demandée, qui étoit de pouvoir fonder un plus grand nombre de Monasteres de Filles, à condition que ces Monasteres seroient soumis à l'obéissance des superieurs de l'Ordre. Cette derniere lui fut accordée par écrit avant la premiere, & elle ne reçut les patentes de l'autre que quatre mois après, le general les lui ayant envoyées de Valence. Sitôt qu'elle les eut reçues , elle chercha les moyens pour faire l'établissement du premier Monasterę dęs Carmes Déchaussés, Elle fuc

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