gation de Melek ne pourroit pas subsister, il y fit recevoir ORDRE DE De l'origine & progrès de l'Ordre de Citeaux, avec les C 'Est avec justice que l'Ordre de Cîteaux, qui a été une très florissante & très illustre Congregation de l'Ordre de faint Benoît, a merité les loüanges qui lui ont été données par tant de souverains Pontifes, d'Empereurs, de Rois, & de célébres Ecrivains: & quoique cet Ordre soit beaucoup déchu de son ancienne splendeur, il ne laisse pas encore de faire un des plus beaux ornemens de l'état Monastique. Saint Robert en fut le premier Fondateur; il étoit originaire de Champagne, & ses parens étoient également nobles & vertueux. Sa mere nommée Ermengarde, étant grosse de lui, vit en songe la sainte Vierge qui tenant un anneau d'or en la main, promettoit d'épouser le fils qu'elle portoit en son sein. C'est pourquoi à peine eut-il atteint l'âge de quinze ans, que pour se donner tout entier au service de cette Reine des Anges qui l'avoit destiné pour son Epoux, il se fit Religieux dans l'Abbaïe de Montier-laCelle, de l'Ordre de faint Benoît, où il fit un si grand progrès dans la perfection, que quelques années après sa profeffion, il fut fait Prieur de ce Monastere, & ensuite Abbé de faint Michel de Tonnere, où il tâcha de rétablir la Difcipline Reguliere: mais ce fut inutilement, parce que les Religieux traverserent ses bonnes intentions. Quelques Ermites d'une forêt voisine qui s'étoient affemblés dans un defert appellé Colan appellé aïant entendu parler de l'Abbé Robert, le prierent de se charger de leur conduite: mais les follicitations du Prieur de fon Monastere, & de quelques anciens Religieux, qui appréhendoient de le perdre, l'empêcherent de rendre ce service à ces pauvres Ermites : : : que ORDRE DE enforte qu'il se contenta de les consoler par Lettres. Ces Religieux de Tonnerre qui devoient profiter des avis salutaires & des bons exemples de leur faint Abbé, continuerent à vivre dans un si grand relâchement, que le Saint perdant toute efperance de pouvoir rien avancer avec eux pour la gloire de Dieu, les quitta pour retourner dans son premier Monastere de Montier-la-Celle, afin d'y servir Dieu avec moins de trouble & d'inquiétude, aimant mieux obéïr commander; mais fon merite ne permit pas qu'il restât long-tems dans cet état: car il fut bien-tôt après élu Prieur de faint Aigulphe, qui étoit un Monastere de la dépendance de cette Abbaïe. Quelque tems après les Ermites de Colan, qui malgré la mauvaise issue qu'avoit euë la premiere demande qu'ils avoient faite de saint Robert pour leur Superieur, avoient resolu absolument de se soûmettre à sa conduite, afin de mieux réüffir, & qu'on ne pût pas le leur refufer, s'addresserent au Pape, duquel ils obtinrent un Bref, qui ordonnoit à l'Abbé de Montier-la-Celle de leur donner le Saint, puisqu'ils l'avoient élu pour les gouverner. L'Abbé ne put se difpenfer d'obéïr, & Robert accepta cet ordre avec plaisfir, tant pour obéïr à ses Superieurs, que pour contenter ces bons Ermites, & vivre avec eux dans la retraite & l'éloignement du monde. Il partit donc, & arriva dans la folitude de Colan, où les Ermites qui y demeuroient & qui l'avoient demandé avec tant d'instance, le reçurent comme un Ange envoïé de Dieu pour leur fervir de guide dans ce defert. Neanmoins parce que cette solitude étoit mal faine Robert les conduisit dans la forêt de Molesme, où de leurs propres mains ils bâtirent des cellules avec des branches d'arbres, & un petit Oratoire en l'honneur de la sainte Trinité. La pauvreté de ces Religieux étoit extrême dans les commencemens ; ils étoient presque nuds, & ne vivoient que de legumes. Mais plusieurs Seigneurs du païs par une fainte émulation, leur aïant donné à l'envi ce qui étoit necessaire pour leur entretien, & le revenu temporel étant augmenté notablement, les richesses les firent tomber dans un si grand relâchement, que S. Robert ne pouvant ni par prieres ni par remontrances arrêter leurs déréglemens, ni les maintenir dans l'Observance, se retira dans un defert appellé Haur, où il y avoit des Religieux qui vivoient dans une grande union & fimplicité de cœur. Ils le reçurent avec beaucoup ORDRE DE de tendresse, s'estimant heureux de le posseder. Il travailloit CiTEAUX. avec eux de ses propres mains pour pouvoir subsister, & il emploïoit à la priere & à la meditation le tems qu'il ne travailloit pas: de forte qu'une vie si austere, si sainte & fi édifiante, obligea ces Religieux à l'élire pour leur Abbé. Mais il ne les gouverna pas long-tems; car ceux de Molefme se repentant de ce qu'ils avoient été la cause de sa retraite, interpoferent l'authorité du Pape & de l'Evêque de Langres pour le faire revenir chez eux, & pour les gouverner en qualité d'Abbé, comme il avoit fait avant sa retraite : Cela leur réüffit; mais comme ce repentir n'étoit fondé que sur la consideration du temporel, qui n'alloit pas fi bien depuis fon absence, leur fausse penitence ne produisit aucun fruit, & la Regularité n'en fut pas mieux observée. Quelques Religieux neanmoins faisant reflexion que leurs usages ne s'accordoient pas avec la Regle de saint Benoît, qu'ils entendoient lire tous les jours en Chapitre, & qu'ils avoient promis d'observer, commencerent par s'en entretenir en particulier, se plaignant de leur infidelité, & cherche. rent serieusement à y remedier. Le bruit s'en étant répandu dans la Communauté, les autres Religieux qui n'avoient pas le même zele, se moquerent de ceux ci, & vouloient les détourner de leur dessein par toutes fortes de moïens : mais les zelés, sans s'en mettre en peine, demandoient à Dieu par de ferventes prieres de les conduire en quelque lieu, où ils pussent fidellement accomplir leurs vœux, voïant bien que tant qu'ils feroient en la compagnie de ceux qui ne vouloient point de réforme, il leur feroit difficile d'y réüssir. Ils ne voulurent rien entreprendre sans en avoir consulté l'Abbé, conformément à la Regle, qui défend de rien faire fans sa permission. Ils furent donc trouver Robert, & lui dirent qu'ils étoient resolus de se retirer avec sa permiffion dans quelque lieu folitaire, où ils pussent sans aucun empê chement observer ce qu'ils avoient voüé à Dieu. Non feulement ce faint Abbé loüa leur dessein, mais il promit de les aider & de se joindre à eux ; & pour ne se conduire que par l'autorité des Superieurs, il alla avec fix Religieux des plus zelés à Lyon trouver l'Archevêque Hugues, Legat du faint Siege, & lui dit qu'ils étoient resolus de pratiquer exacte ORDRE DE ment la Regle de saint Benoît, lui demandant pour cet effet CirEAUX son secours & la protection du faint Siege, & en particulier la permission de fortir de Molesme, où ils ne pouvoient executer leur dessein, à cause du relâchement qui s'étoit introduit dans le plus grand nombre des Religieux de cet Abbaïe. Le Legat laleur accorda; & pour cet effet leur donna des Lettres Patentes, où il leur conseilloit & leur ordonnoit par l'authorité du Pape, de perfeverer dans leur fainte resolution. Les fix qui accompagnerent l'Abbé en ce voïage, étoient Alberic, Odon, Jean, Etienne, Letalde & Pierre. Etant done retournés à Molefme, ils choisirent les plus zelés pour l'Observance, fortirent au nombre de vingt & un: & allerent s'établir dans un lieu appellé Cîteaux à cinq lieuës de Dijon dans le Diocése de Châlons. C'étoit un défert couvert de bois & d'épines, arrofé par une petite riviere qui prend sa source d'une fontaine qui en est éloignée d'une lieuë, appellée sans fonds, à caufe qu'on n'en a jamais pû trouver le fonds, & qui a cette proprieté, que quand il pleut elle diminuë notablement, & qu'elle déborde dans les tems de secheressfe. Quelques-uns croient que le nom de Cîteaux fut donné à ce lieu à cause des Citernes qu'on y trouva. Ces Religieux commencerent à défricher cette folitude, & s'y logerent dans des cellules de bois qu'ils firent avec le consentement de Gautier Evêque de Châlons & de Rainaud Vicomte de Beaune à qui la Terre appartenoit. Ils s'y établirent le 2. Mars 1098.jour de S. Benoit, qui se rencontroit cette année-là le Dimanche des Rameaux. Ce lieu étoit si sterile que l'Archevêque de Lyon jugeant qu'ils n'y pourroient subsister sans le secours de quelques personnes puissantes, écrivit à Eudes Duc de Bourgogne, pour l'exhorter à leur faire du bien. Ce Prince touché du recit que l'Archevêque lui faisoit de leur pauvreté, & édifié de leur ferveur, acheva à ses dépens le bâtiment du Monastere de ce qu'ils avoient commencé, & les y entretint long-tems de toutes les chofes necessaires à la vie. H leur donna même abondamment des terres & des bestiaux, & l'Evêque de Châlons donna à Robert le Bâton Paftoral en qualité d'Abbé,érigeant ce nouveau Monastere en Abbaïe. L'année suivante 1099. quelques Religieux de Molefme, du consentement de Godefroi leur nouvel Abbé,allerentà Rome Rome & porterent leur plainte au Pape Urbain II. (qui étoit ORDRE DE à la tête du Concile qui s'y tenoit pour lors) de ce que la CITEAUX. Religion étoit renversée dans leur Monaftere, & que par la retraite de Robert ils étoient devenus odieux aux Seigneurs & à leurs autres voisins, & qu'ainsi il prioient sa Sainteté de l'obliger à reprendre la conduite de leur Monastere, afin qu'il remediat à tous ces maux. Le Pape cedant à leur importunité & adherant au Conseil des Evêques qui compoToient ce même Concile, écrivit à l'Archevêque de Lyon, de tirer s'il étoit possible, Robert de sa solitude pour le renvoïer à fon Monastere de Molesme, finon de faire enforte que ceux qui aimoient la folitude (qui étoient apparemment ces voisins ausquels ils étoient devenus odieux) demeurassent en repos, & que ceux qui étoient dans le Monaftere vêcussent regulierement. L'Archevêque de Lyon aïant reçu cette Lettre du Pape, & étant follicité par l'Abbé Godefroi, & par les Religieux de Molesme,assembla quatre Evêques, Norgauld d'Autun, Gautier de Châlons, Bertrand de Mâcon, Pons de Bellai, & tous ses Suffragans. Il s'y trouva auffi trois Abbés, Pierre de Tournus, Jarenton de Dijon, & Gofferan d'Aifnai, avec Pierre, Camerier du Pape,aufquels aïant communiqué la Lettre de sa Sainteté, il écrivit par leur conseil à Robert Evêque de Langres, qu'il avoit refolu de rendre à l'Eglise de Molesmel'Abbé Robert, à condition qu'avant que d'y retourner, il iroit à Châlons pour remettre à l'Evêque le Bâton Pastoral qu'il avoit reçu, lorfqu'il lui avoit promis obéïssance, de laquelle obéïssance il le déchargeroit de même que Robert de son côté déchargeroit les Religieux du nouveau Monastere, (c'est ainsi qu'on appelloit d'abord celui de Cîteaux) de celle qu'ils lui avoient promife en qualité d'Abbé, & qu'il permettroit auffi à tous ceux du nouveau Monastere qui voudroient le suivre, de retourner avec lui à Molesme, à condition qu'à l'avenir ils ne s'attireroient ni recevroient les uns les autres, finon en tant que faint Benoît permet de recevoir les Moines d'un Monaftere connu. Il marquoit ensuite à ce Prélat que lorfqueRobert auroit satisfait à cela, il le lui renvoïât pour le rétablir Abbé de Molesme, à condition que s'il quittoit encore cette Eglise sans de justes raisons, on ne lui donneroit point de fucceffeur du vivant de Godefroi. Quant à la Chapelle Tome V. Xx |