Page images
PDF
EPUB

gation de Melek ne pourroit pas fubfifter, il y fit recevoir ORDRE DE la Reforme de Bursfeld, dont nous parlerons dans la fuite.

Joan Trith. Chronic. Hirfang. Joann. Mabillon, Acta. SS, Ord. S. Bened. facul. 6. Tom. II. & Annal. ejufd. Ord. Tom. 3, 4. Bucelin, Menolog. Bened. & aquil Benedict.

من

CHAPITRE XXXI I I.

De l'origine & progrès de l'Ordre de Citeaux, avec les
Vies de faint Robert, faint Alberic, & faint Etienne
Fondateurs de cet Ordre.

C

'EST avec justice que l'Ordre de Cîteaux, qui a été une très floriffante & très illuftre Congregation de l'Ordre de faint Benoît, a merité les louanges qui lui ont été données par tant de fouverains Pontifes, d'Empereurs de Rois, & de célébres Ecrivains : & quoique cet Ordre foit beaucoup déchu de fon ancienne splendeur, il ne laiffe pas encore de faire un des plus beaux ornemens de l'état Monaftique. Saint Robert en fut le premier Fondateur; il étoit originaire de Champagne, & fes parens étoient également nobles & vertueux. Sa mere nommée Ermengarde, étant groffe de lui, vit en fonge la fainte Vierge qui tenant un anneau d'or en la main, promettoit d'époufer le fils qu'elle portoit en fon fein. C'eft pourquoi à peine eut-il atteint l'âge de quinze ans, que pour fe donner tout entier au fervice de cette Reine des Anges qui l'avoit destiné pour fon Epoux, il fe fit Religieux dans l'Abbaïe de Montier-laCelle, de l'Ordre de faint Benoît, où il fit un fi grand progrès dans la perfection, que quelques années après fa profeffion, il fut fait Prieur de ce Monaftere, & enfuite Abbé de faint Michel de Tonnere, où il tâcha de rétablir la Difcipline Reguliere: mais ce fut inutilement, parce que Religieux traverferent fes bonnes intentions.

les

Quelques Ermites d'une forêt, voisine qui s'étoient affemblés dans un defert appellé Colan, aïant entendu parler de l'Abbé Robert, le prierent de fe charger de leur conduite: mais les follicitations du Prieur de fon Monaftere, & de quelques anciens Religieux, qui appréhendoient de le perdre, 'empêcherent de rendre ce fervice à ces pauvres Ermites:

[ocr errors]

ORDRE DE enforte qu'il fe contenta de les confoler par Lettres. Ces CITEAUX. Religieux de Tonnerre qui devoient profiter des avis falutaires & des bons exemples de leur faint Abbé, continuerent à vivre dans un fi grand relâchement, que le Saint perdant toute efperance de pouvoir rien avancer avec eux pour la gloire de Dieu, les quitta pour retourner dans fon premier Monaftere de Montier-la-Celle, afin d'y fervir Dieu avec moins de trouble & d'inquiétude, aimant mieux obéïr que commander; mais fon merite ne permit pas qu'il restâc long-tems dans cet état : car il fut bien-tôt après élu Prieur de faint Aigulphe, qui étoit un Monaftere de la dépendance de cette Abbaie. Quelque tems après les Ermites de Colan, qui malgré la mauvaife iffuë qu'avoit euë la premiere demande qu'ils avoient faite de faint Robert pour leur Superieur, avoient refolu abfolument de fe foûmettre à fa conduite, afin de mieux réüffir, & qu'on ne pût pas le leur refufer, s'addrefferent au Pape, duquel ils obtinrent un Bref, qui ordonnoit à l'Abbé de Montier-la-Celle de leur donner le Saint, puifqu'ils l'avoient élu pour les gouverner. L'Abbé ne put fe difpenfer d'obéir, & Robert accepta cet ordre avec plaifir, tant pour obéir à fes Superieurs, que pour contenter ces bons Ermites, & vivre avec eux dans la retraite & l'éloignement du monde. Il partit done, & arriva dans la folitude de Colan, où les Ermites qui y demeuroient & qui l'avoient demandé avec tant d'inftance, le reçurent comme un Ange envoïé de Dieu pour leur fervir de guide dans ce defert. Neanmoins parce que cette folitude étoit mal faine, Robert les conduifit dans la forêt de Molefme, où de leurs propres mains ils bâtirent des cellules avec des branches d'arbres, & un petit Oratoire en l'honneur de la fainte Trinité.

La pauvreté de ces Religieux étoit extrême dans les commencemens ; ils étoient prefque nuds, & ne vivoient que de legumes. Mais plufieurs Seigneurs du païs par une fainte émulation, leur aïant donné à l'envi ce qui étoit neceffaire pour leur entretien, & le revenu temporel étant augmenté notablement,les richesses les firent tomber dans un & grand relâchement,que S. Robert ne pouvant ni par prieres ni par remontrances arrêter leurs déréglemens,ni les maintenir dans l'Observance,fe retira dans un defert appellé Haur, où il y avoit des Religieux qui vivoient dans une grande

union & fimplicité de coeur. Ils le reçurent avec beaucoup ORDRE DE de tendreffe, s'eftimant heureux de le poffeder. Il travailloit CiTEAUK. avec eux de fes propres mains pour pouvoir fubfifter, & il emploïoit à la priere & à la meditation le tems qu'il ne travailloit pas de forte qu'une vie fi auftere, fi fainte & fi édifiante, obligea ces Religieux à l'élire pour leur Abbé. Mais il ne les gouverna pas long-tems; car ceux de Molefme fe repentant de ce qu'ils avoient été la caufe de fa retraite, interpoferent l'authorité du Pape & de l'Evêque de Langres pour le faire revenir chez eux, & pour les gouverner en qualité d'Abbé, comme il avoit fait avant fa retraite : Cela leur réüffit ; mais comme ce repentir n'étoit fondé que fur la confideration du temporel,qui n'alloit pas fi bien depuis fon abfence, leur fauffe penitence ne produifit aucun fruit, & la Regularité n'en fut pas mieux observée.

Quelques Religieux neanmoins faifant reflexion que leurs ufages ne s'accordoient pas avec la Regle de faint Benoît qu'ils entendoient lire tous les jours en Chapitre, & qu'ils avoient promis d'obferver, commencerent par s'en entretenir en particulier, fe plaignant de leur infidélité, & chercherent ferieusement à y remedier. Le bruit s'en étant répandu dans la Communauté, les autres Religieux qui n'avoient pas le même zele, fe moquerent de ceux ci, & vouloient les détourner de leur deffein par toutes fortes de moïens: mais les zelés, fans s'en mettre en peine, demandoient à Dieu par de ferventes prieres de les conduire en quelque lieu, où ils puffent fidellement accomplir leurs vœux, voïant bien que tant qu'ils feroient en la compagnie de ceux qui ne vouloient point de réforme, il leur feroit difficile d'y réüffir.

Ils ne voulurent rien entreprendre fans en avoir confulté l'Abbé, conformément à la Regle, qui défend de rien faire fans fa permiffion. Ils furent donc trouver Robert, & lui dirent qu'ils étoient refolus de fe retirer avec fa permiffion dans quelque lieu folitaire, où ils puffent fans aucun empêchement obferver cé qu'ils avoient voué à Dieu. Non feulement ce faint Abbé foüa leur deffein, mais il promit de les aider & de fe joindre à eux; & pour ne fe conduire que par l'autorité des Superieurs, il alla avec fix Religieux des plus zelés à Lyon trouver l'Archevêque Hugues, Legat du faint Siege, & lui dit qu'ils étoient refolus de pratiquer exactes

ORDRE DI ment la Regle de faint Benoît, lui demandant pour cet effet
CiTEAUX fon fecours & la protection du faint Siege, & en particulier

la permiffion de fortir de Molefme, où ils ne pouvoient exe-
cuter leur deffein, à cause du relâchement qui s'étoit intro-
duit dans le plus grand nombre des Religieux de cet Abbaïe.
Le Legat la leur accorda ; & pour cet effet leur donna des
Lettres Patentes, où il leur confeilloit & leur ordonnoit par
l'authorité du Pape, de perseverer dans leur fainte refolu-
tion. Les fix qui accompagnerent l'Abbé en ce voïage,
étoient Alberic, Odon, Jean, Etienne, Letalde & Pierre.
Etant donc retournés à Molefme, ils choifirent les plus
zelés
pour l'Obfervance, fortirent au nombre de vingt &
un : & allerent s'établir dans un lieu appellé Cîteaux à cinq
lieuës de Dijon dans le Diocéfe de Châlons. C'étoit un
défert couvert de bois & d'épines, arrofé par une petite
riviere qui prend fa fource d'une fontaine qui en eft éloignée
d'une lieuë, appellée fans fonds, à cause qu'on n'en a ja-
mais pû trouver le fonds, & qui a cette proprieté, que quand
il pleut elle diminuë notablement, & qu'elle déborde dans
les tems de fechereffe. Quelques-uns croient que le nom de
Cîteaux fut donné à ce lieu à caufe des Citernes qu'on y
trouva. Ces Religieux commencerent à défricher cette foli-
tude, & s'y logerent dans des cellules de bois qu'ils firent
avec le confentement de Gautier Evêque de Châlons & de
Rainaud Vicomte de Beaune à qui la Terre appartenoit. Ils
s'y établirent le 2. Mars 1098.jour de S. Benoit, qui fe ren-
controit cette année-là le Dimanche des Rameaux. Ce lieu
étoit fi fterile que l'Archevêque de Lyon jugeant qu'ils n'y
pourroient fubfifter fans le fecours de quelques perfonnes
puiffantes,écrivit à Eudes Duc de Bourgogne, pour l'exhor-
ter à leur faire du bien. Ce Prince touché du recit
que l'Ar-
chevêque lui faifoit de leur pauvreté, & édifié de leur fer-
veur, acheva à fes dépens le bâtiment du Monaftere de ce
qu'ils avoient commencé, & les y entretint long-tems de
toutes les chofes neceffaires à la vie. Il leur donna même
abondamment des terres & des beftiaux, & l'Evêque de
Châlons donna à Robert le Bâton Pastoral en qualité d'Ab-
bé,érigeant ce nouveau Monaftere en Abbaïe.

L'année fuivante 1099. quelquesReligieux de Molefme, du confentement deGodefroi leur nouvel Abbé,allerent à

Rome

[ocr errors]

Rome & porterent leur plainte au Pape Urbain II. (qui étoit Ordre da à la tête du Concile qui s'y tenoit pour lors) de ce que la CirEAUX. Religion étoit renversée dans leur Monaftere, & que par la retraite de Robert ils étoient devenus odieux aux Seigneurs & à leurs autres voifins,& qu'ainfi il prioient fa Sainteté de l'obliger à reprendre la conduite de leur Monaftere, afin qu'il remediat à tous ces maux. Le Pape cedant à leur importunité & adherant au Confeil des Evêques qui compofoient ce même Concile, écrivit à l'Archevêque de Lyon, de tirer s'il étoit poffible, Robert de fa folitude pour le renvoïer à fon Monaftere de Molefme, finon de faire enforte que ceux.qui aimoient la folitude ( qui étoient apparemment ces voifins aufquels ils étoient devenus odieux) demeuraffent en repos, & que ceux qui étoient dans le Monaftere vêcuffent regulierement. L'Archevêque de Lyon aïant reçu cette Lettre du Pape, & étant follicité par l'Abbé Godefroi, & par les Religieux de Molefme,affembla quatre Evêques, Norgauld d'Autun, Gautier de Châlons, Bertrand de Mâcon, Pons de Bellai, & tous fes Suffragans. Il s'y trouva auffi trois Abbés, Pierre de Tournus, Jarenton de Dijon, & Gofferan d'Aisnai, avec Pierre, Camerier du Pape,aufquels aïant communiqué la Lettre de fa Sainteté, il écrivit par leur confeil à Robert Evêque de Langres, qu'il avoit refolu de rendre à l'Eglife de Molefme l'Abbé Robert,à condition qu'avant que d'y retourner, il iroit à Châlons pour remettre à l'Evêque le Bâton Paftoral qu'il avoit reçu,lorsqu'il lui avoit promis obéiffance, de laquelle obéiffance if le déchargeroit de même que Robert de fon côté déchargeroit les Religieux du nouveau Monaftere, ( c'est ainsi qu'on appelloit d'abord celui de Cîteaux) de celle qu'ils lui avoient promife en qualité d'Abbé, & qu'il permettroit auffi à tous ceux du nouveau Monaftere qui voudroient le fuivre, de retourner avec lui à Motesme, à condition qu'à l'avenir ils ne s'attireroient ni recevroient les uns les autres, finon en tant que faint Benoît permet de recevoir les Moines d'un' Monastere connu. Il marquoit enfuite à ce Prélat que lorfqueRobert auroit fatisfait à cela,il le lui renvoïât pour le rétablir Abbé de Molefme, à condition que s'il quittoit encore cette Eglife fans de juftes raisons, on ne lui donneroit point de fucceffeur du vivant de Godefroi. Quant à la Chapelle Tome V.

Xx

« PreviousContinue »