OBSERVANCL. CARMESDE Il y eut neanmoins , sous le Generalat du mesme Mantoüan, IETROITE un Religieux plus fervent , nommé Vgolin, qui entreprit de retablir la Regle avec les declarations d'Innocent IV. laquelle, quoique corrigée par ce Pape , comme nous avons dit, passe pour la premiere & la primitive. Mais les bonnes intentions n'aïant pas reüsli , son grand dessein fut reduit à la seule fondation d'un Couvent auprès de Gennes , auquel il donna le nom de Mont-Olivet, qui ne depend que du General & qui , quoi qu’unique, prit neanmoins le titre de Congregation sous le Pontificat de Leon X. Comme le Pere Baptiste Mantoüan estoit membre de la Congregation de Mantouë qui estoit reformée & qu'il ne souhaitoit pas mieux que de voir une Reforme generale dans tout l'Ordre ; il donna volontiers les mains , estant encore General à l'establissement en France, d'une Congregation de Reformés , sous le nom de Congregation d’Alby , qui eftoit gouvernée par un Vicaire Generel qu’on élisoit dans le Chapitre general de cette Congregation ; c'est pourquoi elle faisoit un corps separé de l'Ordre ; mais elle ne subsista pas long-tems, & elle fut reünie à l'Ordre par le Pape Gregoire XIII. l’an 1580. Le Pere Pierre Bouhourt fut plus heureux dans la Reforme qu'il entreprit aussi en France, au commencement du dernicr siécle,vers l'an 1604. dans le Couvent de Rennes en Bretagne ; car elle subsiste encore, s'estant estenduë non seulement dans plusieurs Provinces du Roïaume, mais mesme en Allemagne, en Flandres , & en Italie. Quoique ce soit le Pere. Bouhourt qui en ait jetté les fondemens, elle doit neanmoins sa gloire & fon accroissement au Pere Matthiou Thibaut qui lui a donné toute sa perfection. Ce Pere voïant d'abord les difficultés , qui se rencontroient dans l'execution du dessein que le Pere Bouhourt avoit formé, douta du succés de cette entreprise , & prit la resolution de quitter l'Ordre des Carmes pour entrer dans celui des Chartreux. Comme il estoit sur le point d'en prendre l'habit , le Prieur de la Chartreuse le Paris, qui avoit promis de le recevoir , aïant appris qu'il y avoit depuis peu des Carmes Dechaussés à Rome , ne vouy lut plus les recevoir & crut qu'il ne devoit pas ravir à l'Ordre des Carmes un homme si zelé, qui ne quittoit son Ordre, qu'à cause que la licence y estoit grande, ne lui ažant pro ܪ a OBSER mis de le recevoir dans celui des Chartreux , qu'au cas qu'il CARMESDE n'y eut point d'esperance de Reforme parmi les Carmes , & LITROITE il lui conseilla d'entrer parmi les Dechaussés . C'est pourquoi vance, le Pere Thibaut entreprit le voïage de Rome & s'estant presenté au Couvent des Carmes Dechaussés pour y estre reçu, Dieu permit que le General Henri Silvius s'oppolà à la reception, de forte qu'il fuc contraint de retourner en France, où continuant fes eftudes de Theologie qu'ilavoit interrompuës, il fut promeu aux degrés par le mesme General, en attendant les dispositions de la volonté de Dieu sur lui. Enfin le tems arriva que la Providence Divine avoit marqué pour se servir de ce Pere , afin de perfectionner la Reforme que le Pere Bouhour avoit cominencée. Ce fut l'an 1607. que le Prieur de Rennes qui souhaitoit aussi beaucoup que cette Reforme se maintint , appella à fon secours le Pere Thibaut qui fut aussi-tost établi Maistre des Novices, & deux ans après il fut élu Prieur de ce mesme Couvent. Quelques années aprés la Reforme fut introduite dans celui de Dol & dans quelques autres. Il y eut mesme de nouveaux Couvens qui furent fondés sous la mesme observance , & qui formerent la Province de Touraine , composée d'environ vingtcinq Couvents d'hommes , de deux hospices , & de quatre Monasteres de Filles. Le Couvent de Carmes qu'on appelle communément à Paris les Billettes, depend de cette Province. Dès l'an 1603. dans le Chapitre Provincial de la Province de Flandre qui se tine à Gand , & où le General Silvius prefida , l'on fit plusieurs Decrets pour y establir la Reforme. Le Pere François Potel qui fut élu Provincial dans ce Chapitre , emploïa tous fes soins pour les faire executer, mais ce fut inutilement. L'on fit de nouvelles tentatives en 1615. qui n'eurent pas un meilleur succès ; & mesme l'an 1621. quoique le Pere Richard de faint Bafile & cinq autres Religieux fe fussent unis ensemble pour faire reüffir cette Reforine , il s'y trouva encore tant d'oppositions de la part des autres Religieux, qu'ils furent obligés pour lors de fe defister de leur entreprise. Mais l'année suivante dans le Chapitre qui fe tint à Bruges,quelques autres Religieux s'estant joints encore au Pere Richard & à fes Compagnons. Ils élurent pour Provincial le Pere Marc Caffiair, qui avoit beancoup de OBSER- CARMESDE zele paL'ETROITE reillement la Reforme. Cependant ce nouveau Provincial voïant les difficultés qui se rencontroient dans l'execution de ses bons desseins , aima mieux quitter son Office. Il eut pour successeur le Pere Jean Bavay qui estant auparavant Supe rieur du Couvent de Valenciennes , s'estoit uni avec quatre jeunes Prestres pour faire recevoir dans ce Couvent la mesmeReforme & les mesmes Observances que celles qui avoient esté introduites dans la Provincc de Touraine. Ces Religieux zelés implorerent d'abord l'autorité de l'Evesque d'Arras,dans le Diocèse duquel le Couvent de Valenciennes se trouvoit ; ils obtinrent ausli celle du Duc d'Arschot; & l'Archiduchesse Claire Eugenie d’Austriche , Gouvernante des Païs - Bas , youlut bien escrire au Pere Sebastien Franton, pour lors General , afin qu'il envoïast dans ce Couvent des Religieux de la Province de Touraine pour y introduire leurs observances. Les Peres Philippes Thibaut , Luc de saint Antoine, & Nicolas de Castres recommandables par leur piecé & par leur & science furent nommés par le General. Ils arriverent au Couvent de Valenciennes , le onziéme du mois d'Aoust 1624. & trois jours après tous les Religieux de ce Couvent, en renouvellant leurs væux , s'engagerent à l'observance de la Province de Touraine. Comme ces Religieux en embrassant la Reforme avoient quitté leurs habits noirs pour en prendre de gris obscur, peu s'en fallut que cela ne causast un soulevement dans Valenciennes ; car une personne qui avoit l'autorité en main , voulut contraindre les Religieux Reforinés, mesme par la force des armes , à reprendre leurs habits noirs; mais le Peuple s'estant mutiné à cette occasion, l'on m'inquietta plus ces Religieux. La Reforme s'estendit dans plusieurs autres Couvents, & il y en eut mesme cinq qui furent fondés de nouveau sous la meime observance. L'an 1619. le Pere Didier Placa de Catane , & le Pere Alphius Licandre , tous deux Religieux de la Province de saint Albert , 'entreprirent une Reforme en Sicile. Ils obtinrent les permissions necessaires des Superieures , & en peu de tems ils fonderent nenf nouveaux Couyents de cette Reforme en Sicile , deux dans l'Estat Ecclesiastique , & trois dans le Roïaume de Naples. Voïant ensuite que ces Couvents eftoient en nombre suffisant pour former une Province sepa rée ܪ cette L'ETROITS rée, ils s'adresserent au Chapitre General qui se tine l'an 1644. CARMES DE y pour lors General de l'Ordre,s'adressa au Pape Innocent X. pour lui demander l’erection de cette nouvelle Province, ce que ce Pontife accorda par un Bref du 16. Fevrier 1646. & l'on donna le nom de Monte-Santo, à cette Province à cause que le premier Couvent où la Reforme avoit esté commencée, estoit situé sur une Montagne ainsi appellée , proche de la Ville de messine. Ces' Reformés se disent du premier Institut , parce qu'ils observent la Regle primitive de l'Ordre, moderée par le Pape Innocent IV. aïant renoncé aux mitigations qu'Eugene IV. y avoit faites, touchant l'usage de la viande , dont ces Religieux Reformés s'abstiennent de mesme que les Carmes Dechaussés. Comme certe Province estoit composée de Siciliens , de Napolitains , & de Romains ; ils avoient souvent des differends entr'eux; c'est pourquoi ils demanderent à la Congregation des Reguliers, que leur Province fust separée en deux, ce qui leur fut accordé l'an 1709. & les deux Provinces retinrent le nom de Monte-Santo;l'une fous celui de Monte-Santo de Sicile qui est composée de neuf Couvents dans le Roïaume de Sici. le;l'autre fous le nom de Monte-Santo de l'Estat Ecclesiastique , qui comprend cinq Couvents dans les Estats du Pape , à laquelle l'on a permis d'agreger deux autres Couvents de la mesme Reforme, qui sont dans le Roïaume de Naples. Il y a encore en Italie la Reforme de Turin, ainsi appellée à cause qu'elle a pris son origine dans la Ville de Turin, l'an 1633. à la follicitation du Duc de Savoye Victor Amedée. Le Pere Theodore Stratius pour lors General de l'Ordre, nomma pour son Commissaire le Pere Loüis Bulla, Prieur du Couvent de Notre-Dame de la Place , afin de travailler à cette Reforme. Le Pere Bulla estant mort deux ans après, le Pere Dominique de sainte Marie lui succeda dans certe commission , & y reüssit si bien , que la Reforme fut establie dans le Couvent de Turin. Elle fur cinq ou fix ans sans faire aucun progrès ; mais l'an 1639. le Marquis Duliani la fit recevoir dans le Couvent de Clarasce. Elle passa ensuite Vu Tome I. OBSER- soins pour Carmes de l'an 1640. dans le Couvent d’Ast. Six ans après elle fut re- çuë dans un autre ; & enfin l'an 1654. dans celui de Ri- faire recevoir l'etroite Observance en Allemagne. Il nomma pour ses Commissaires le Pere Antonin de la Province de Touraine, & le P. Gabriel de l'Annonciation de la Province de Flandres. Ce fut par leur moïen que la Reforme fui introduite dans les Couvents d'Aix-la-Chapelle , de Treves, de Bamberg, de Witbourg, & dans quelques autres. Les Electeurs de Maïence & de Treves, l’Evefque de Bamberg, & plusieurs Princes y donnerent leur approbation ; & afin d'exciter tous les Couvents de l'Ordre à embrasser la merime Refornre, le General escrivit une Lertre Circulaire dans tout l'Ordre, l'an 1649. dans laquelle il descrit le progrès que l'étroite observance a fait dans plusieurs Provin, ces. Mais toute la Reforme que l'on vit dans les Couvents qui n'embrasserent pas l'étroite observance;c'est qu'ils quitterent les robes noires, pour en prendre de gris obscur ou couleur de Minime. Tous ces Religieux de l'étroite observance, tant en France que dans les autresProvinces,ont les melinesConstirutions.Elles furent dressées l'an 1635. par les Peres de la Province de Touraine , & furent approuvées non seulement par le General Theodore Stratius , à la recommandation du Roi Louis XIII. de la Reine Anne d'Austriche , du Duc d'Orleans Frere du Roi,& de plusieurs Seigneurs de la Courl'an 1638. Mais ce mesme General les fit encore confirmer par le Pape Urbain VIII. l'an 1639. & fous le Generalat du Pere Leon Bonfilius , il fut ordonné dans le Chapitre General qui fe tint à Rome l'an 164.5. que ces Constitutions feroient obfervées dans tous les Couvents Reformés de l'Ordre & qui le pourroient estre dans la suite , afin de garder l'uniforinité, ce qui fut confirmée par le Pape Innocent X. le 2. Septembre de la mesme année. Il y a plusieurs Monasteres de Filles qui ont embrassé la mesme Reforme. Quelques-uns de ces Monasteres sont sousmis aux Ordinaires , & d'autres aux Superieurs de l'Ordre. Q!lant aux Religieux, ils ne font point de corps separé, mais seulement des Provinces differentes dans l'Ordre. Leur habillement est allez conforme à ceux de l'an |