Page images
PDF
EPUB

GATION DE

SAUVE

CONGRE- une celebre Abbaïe de l'Ordre des Camaldules, qui avoit été unie à Saffo-Vivo, & étoit tombée en commende, fut unie MAJOUR à la Cathedrale de Camerino. L'Abbé Commendataire de Saffo-Vivo a environ quarante quatre Benefices à sa Collation.

[ocr errors]

Voie Jacobelli, Chronica della Chiefa & Monastero di S. Croce di Saffo-Vivo.

S

CHAPITRE XXX I.

De la Congregation de Sauve-Majour en France.

AINT Gerard, Fondateur de la Congregation de SauveMajour, nâquit à Corbie dans le onzième fiécle vers la fin du regne du Roi Robert, & fut offert encore jeune par fes parens dans la celebre Abbaïe de ce lieu,pour y être élevé dans la pieté & dans les Lettres, fous la difcipline des Religieux de faint Benoît. Il parut dans tout le tems de cette vertueuse éducation exemt des foibleffes ordinaires à ceux de fon âge. Chacun l'aimoit & l'eftimoit. Il étoit, dit l'Hiftorien de fa Vie, l'admiration de tout le monde; des enfans, parce qu'il les invitoit à bien faire ; des jeunes gens, parce qu'il leur donnoit des exemples de probité & de patience; & des vieillards, parce qu'ils trouvoient en lui une prudence extraordinaire, & qui furpaffoit fon âge. Il s'étudia à acquerir l'humilité,qui eft la mere de toutes les vertus, & obéiffant avec beaucoup de foûmiffion, il voulut imiter Jefus-Chrift, qui a été obéïfsant jusqu'à la mort.

Lorfqu'il fut parvenu à l'âge de puberté, il n'oublia pas ce qu'il avoit pratiqué dans fon enfance: il s'efforça au contraire de parvenir à une plus grande perfection ; & y montant de vertus en vertus, comme par autant de degrés, il fut reçu à la profeffion Monaftique par l'Abbé Foulques qui avoit fuccedé à Richard l'an 1048. A peine eur-il fait profeffion, que fon Abbé le fit Procureur du Monaftere, & le chargea du foin de toutes les affaires. Il s'aquitta de cet Emploi avec une fidelité inviolable, fans que cette occupation le détournât de fes exercices fpirituels. Il cut toûjours la même affiduité à la priere, le même zele pour l'abftinence & la mortification,la même vigilance fur foi-même,la même

GATION DE

foumiffion à la Regle & à fes Superieurs, la même charité Con pour fervir ceux du dedans & du dehors, la même humilité s AUV 2dans fes fentimens, les foûmettant toûjours au jugement de MoUR. fes Superieurs, & la même prudence dans fa conduite, ne donnant que des fujets d'édification & des exemples de fageffe dans toutes les actions.

Il travailla extraordinairement avec l'Abbé pour rétablir les affaires de l'Abbaïe que les guerres précedentes avoient reduites en mauvais état. Il y étoit occupé le jour & la nuit. Son fommeil étoit fort court & fort interrompu ; les hcures du boire & du manger peu reglées, & il ne diminuoit rien pour cela de fes jeûnes & abftinences, fon zele pour fes regles, fon amour pour la mortification, & fa charité fes freres lui faifant méprifer jufqu'à fa propre pour

fanté.

Ce genre de vie auquel Gerard n'étoit point accoûtumé, le rendit infirme& épuifa fes forces. Il fut attaqué d'un mal de tête fi violent, qu'il ne lui donnoit aucun relâche ni le jour ni la nuit, ce qu'il fouffroit avec une patience admirable. Se voïant abandonné des Medecins, dont tous les remedes avoient été inutiles, il attendit la guérison de Diett seul. Cette maladie capable d'abbattre tout autre courage que le fien, ne l'empêchoit pas de mettre en pratique les vertus heroïques dont fon ame étoit ornée:au contraire, elle lui procura un nouveau moïen de fecourir le prochain dans fes befoins: car aïant eu permiffion de fon Abbé de recevoir de fes parens & de fes amis, les prefens qu'ils lui envoïeroient pour fon foulagement; au lieu de s'en fervir, malgré le grand befoin qu'il en avoit, il aimoit mieux les faire diftribuer aux pauvres,fe fervant pour cela d'un valet cela d'un valet que l'Abbé lui avoit donné pour le fervir dans fa maladie, outre que tous les jours il en fervoit trois à sa table, après leur avoir lavé humblement les pieds.

Son Abbé aïant quelques affaires à Rome, qu'il vouloit communiquer au Pape Leon IX. le prit pour l'accompagner, quoiqu'il fût encore fort mal, & que les incifions qu'on lui avoit faites à la tête ne fuffent pas refermées. Il ne laiffa pas en cet état d'entreprendre ce voïage, que des perfonnes fortes & robuftes ne feroient qu'avec peine. Il alloit toûjours feul dans le chemin, parce que la converfation qui

CONGRE- pouvoit être une confolation aux autres dans un auffi long SAUVE- & fi penible voïage, ne faifoient qu'augmenter fon mal de MAJOUR. tête, qui étoit toûjours fi violent, qu'il ne pouvoit entendre

parler fans reffentir de nouvelles douleurs. Etant arrivés à l'Hofpice de faint Denis, qui,felon le Pere Papebroch,étoit à Thiers ou à Feurs, le Serviteur qui avoit foin de panfer les plaïes de Gerard, voïant qu'au lieu de fe refermer, elles augmentoient tous les jours, lui confeilla de ne pas aller plus loin, & en parla à l'Abbé, qui fit auffi ce qu'il put pour le refoudre à ne pas continuer fon voïage. Ils jugerent par fes plaïes exterieures que le mal qu'il devoit reffentir étoit grand, quoiqu'il n'en témoignât rien.Mais l'efperance de recouvrer la santé aux tombeaux des faints Apôtres, lui fit continuer fon voïage. Il voulut même monter à pied le mont S. Bernard & le Mont-Gauci : & arriva enfin à Rome avec beaucoup de difficulté.

Après y avoir demeuré huit jours, l'Abbé voulant suivre le Pape, qui alloit au Mont- Gargan. Gerard ne voulut point abandonner fon Abbé. Mais il leur arriva un accident dans le chemin : ils tomberent entre les mains des voleurs, qui les dépouillerent & leur prirent leurs chevaux. Ils allerent au Mont- Caffin, & de-là au Mont- Gargan: mais Dieu ne permit pas que Gerard recouvrât la fanté, ni à Rome, ni au Mont Callin, ni au Mont- Gargan. Ce miracle étoit refervé à faint Adelard,comme nous l'allons dire. Leur voïage fini, & étant de retour à Corbie, Gerard y rentra comme pour y trouver bien tôt le repos du tombeau:c'eft pourquoi n'aïant plus d'efperance de vivre, il ne s'appliqua qu'à affurer le falut de fon ame, redoublant fes exercices de pieté & de charité.

Il y avoit déja un an qu'il étoit de retour, lorfque le Sacriftain mourut. On lui donna cet Emploi qu'il accepta par obéïffance. La nouvelle Eglife qu'on avoit bâtie depuis peu étoit abandonnée; toutes fortes d'animaux y entroient, & elle étoit pleine d'immondices ; il la nettoïa, l'orna & l'embellit, fi bien que cela engagea les Religieux à y transporter les Reliques de faint Adelard ; & ce fut dans cette Translation que par les merites de ce Saint, Gerard recouvra entierement la fanté. Il entreprit enfuite le Voïage de la TerreSainte avec la permiffion de fon Abbé, & à peine fut-il

retourné

DE

étourné à Corbie, que les Religieux de faint Vincent de CONGRELaon le demanderent pour Abbé, à la place de celui qui GATION D venoit de mourir, lequel étoit frere de nôtre Saint: il Y MAJOUR. fut donc envoïé: & comme ces Religieux s'étoient éloignés des Obfervances Regulieres,& étoient tombés dans un grand relâchement, fi-tôt qu'il y fut arrivé, il mit toute fon application à les exciter à la pratique des vertus,afin de rétablir la Regularité:il tâcha de les gagner par fon humilité & fa douceur. Il étoit le premier à tous les exercices,pour leur donner exemple: mais voïant qu'il avoit affaire à des gens incorrigibles; il les quitta,& alla se renfermer à Soiffons dans le Monaftere de faint Medard, où il fut Abbé quelque tems après.

Saint Arnoul gouvernoit alors ce Monaftere: on l'y avoit fait Superieur malgré fa refiftance, à la place d'un Ufurpateur & faux Moine nommé Ponce.Ce faint Homme se voïant inquiété par les Officiers du Roi Philippe I. au fujet de quelques droits qu'on vouloit exiger de fon Monaftere, il fut obligé de quitter l'Abbaïe', & Gerard fut choifi à fa place. Mais Ponce Ufurpateur vint à Soiffons avec quelques Soldats en la compagnie de la Reine Berthe, qui le foûtenoit, & joignant la violence à l'authorité du Roi, il chassa Gerard de l'Abbaïe, qui aïant celé à la force, se retira avec quelques Religieux de ce Monaftere, qui ne voulurent pas le quitter, & alla fous les ordres de la Providence chercher quelque folitude dans ce Roïaume, où il pût vivre inconnu & fans trouble dans la penitence.

Après avoir fait fes dévotions à faint Denis en France, à fainte Croix d'Orleans & à faint Martin de Tours, il paffa la Loire & entra dans le Poitou. Il fe préfenta à Guillaume VII. Comte de Poitiers & Duc de Guienne, qui prit plaifir à entretenir Gerard fur les vûës qu'il avoit de fervir Dieu dans un lieu entierement feparé du monde, & inconnu aux hommes ; & comme ce Prince témoignoit un grand defir qu'il s'arrêtật & fe choisit une folitude dans fes Etats, un des affiftans nommé Raoul, qui étoit Prevôt de la ville ou de l'Eglife de Bourdeaux, dit à ce Prince qu'il y avoit un lieu propre à retirer des Solitaires dans un bois du Diocéfe de cette ville. Le Duc chargea Raoul du foin d'y conduire le Saint avec fes Compagnons. Ce lieu s'appelloit SilveMajour ou grande Forêt à préfent Sauve-Majour, à six

Tome V.

[ocr errors]

CONGRE- lieuës ou environ de Bourdeaux dans le païs qu'on nomme GATION DE des deux mers. Gerard s'y rendit l'an 1077. & par les liberaMAJOUR. lités du Duc de Guienne, il y bâtit un Monaftere, qui fut

SAU VE

en état d'être habité l'an 1079. Il y reçut un grand nombre de Disciples, à qui il fit fuivre la Regle de faint Benoît. Plufieurs perfonnes y venoient aufli pour recevoir de lui des inftructions, & après les avoir entendus en Confefsion, il leur impofoit à tous de jeûner le Vendredi & de s'abftenir de viande le Samedi : ce qui fait voir que l'ufage de l'Eglife d'aujourd'hui au fujet de l'abftinence, n'étoit pas encore établi pour lors en Guienne.

Son Monaftere n'étant pas affez grand pour recevoir ceux qui fe préfentoient pour vivre fous fa Difcipline, il en fonda d'autres en plufieurs endroits qui dépendoient de celui de Sauve-Majour,entre lefquels il y en avoit quatre en Arragon & un en Angleterre. Entr'autres pratiques qu'il établit dans fes Monafteres, ce que l'on devoit obferver à la mort des Religieux, eft remarquable. Lorfque c'étoit un Religieux de l'Abbaïe de Sauve-Majour, qui étoit decedé, l'on devoit diftribuer aux pauvres tous les jours pendant un an du pain & du vin. Les Religieux pendant trente jours, devoient chanter l'Office des morts en commun, auffi-bien que fept Meffes confecutives. On devoit fonner toutes les cloches: chaque Prêtre devoit dire fept Meffes ; ceux qui n'étoient pas Prêtres trois Pfeautiers : ceux qui n'étoient pas déftinés pour le Choeur feptPfeaumes pendant trente jours: ceux qui ne fçavoient pas fire, fept fois Miferere: ceux qui ne le fçavoient pas, fept Pater: & lorfque quelqu'un mouroit hors le Monaftere, on devoit faire à Sauve-Majour la même chofe que s il avoit été préfent, excepté que sil l'Aumône du pain & du vin devoit être diftribuée au Prieuré dont il étoit de famille. Il y avoit auffi à ce fujet une espece de filiation ou focieté entre les Monafteres de cette Congrégation & plufieurs autres, non feulement de l'Ordre de faint Benoît, mais auffi de celui des Chanoines Réguliers, & même des Eglifes feculieres qui tous faifoient réciproquement des prieres les uns pour les autres. Enfin faint Gerard après avoir gouverné fa Congrégation pendant feize ans mourut le 5.Avril 1095. & non pas l'an 1050. comme Bucelin a marqué dans fon Menologe.

« PreviousContinue »