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RELIGIEU-gieuses Chartreuses, où l'on observe encore cette cereRONCE- monie. Marc Cornaro étant Evêque de Padouë au comRAY. mencement du dernier siècle, la voulut rétablir dans fon

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Diocéfe. Il confacra plus de deux cens Religieuses en differens Monafteres, & il y en eut trente dans celui de saint Etienne de Padouë en un même jour. La ceremonie s'en fit le 11. Septembre 1616. & il y en eut une Relation imprimée, qui se trouve dans quelques Bibliotheques. Il semble qu'elle foit encore en pratique dans l'Abbaïe de S. Zacharie à Venise: car le Pere Mabillon y étant l'an 1685. dit * avoir été present à la Confecration de quelques Religieufes ce Monaftere. Il y avoit trente ans que l'on n'avoit it point point reçu de Religieuses Professes à Ronceray, lorsque M. l'Evêque d'Angers, Michel Poncet, fit la Confecration de treize jeunes Profeffes de ce Monaftere le 25. Août 1709. & de neuf autres en 1712.

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La ceremonie se fait ordinairement dans l'Eglise de la Trinité, qui est, comme nous avons dit, contigue à celle de l'Abbaïe, y aïant une porte de communication pour aller de l'une à l'autre ; & l'on observe tout ce qui est marqué dans le Pontifical Romain pour la Confecration des Vierges. Il y a seulement quelques particularités qui sont en usage parmi ces Religieuses de Ronceray, & qui feront fpe

cifiées dans la fuite..

L'Evêque s'étant rendu dans cette Eg'ise de la Trinité avec ses Officiers, se revêt de ses habits Pontificaux, pendant que les jeunes Novices prononcent leurs vœux dans le Chœur de l'Abbaïe entre les mains de l'Abbesse. Elles font pour lors habillées de blanc revêtuës de surplis. Après que l'Abbesse a reçu leurs vœux, el'e fort du Chœur accompagnée de quelques anciennes Religieuses (dont l'une porte fa crosse devant elle ) & conduite processionellement par les Chanoines officians, dans l'Eglife de la Trinité, où elle prend sa place dans un fauteüil vis-à-vis du trône Epifcopal. Pour lors l'Evêque commence la Messe chantée par la Musique, accompagnée de simphonie: & aprés le Graduel, le Grand Archidiacre revêtu d'une chape part de l'Autel pour aller au Chœur de l'Abbaïe, avertir les Professes de se rendre à l'Eglife de la Trinité: ce qu'il leur annonce en chantant l'Antienne, Prudentes Virgines aptate vestras lam

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pades, ecce sponsus venit, exite obviam ei. Aussi-tôt elles RELIGIEUallument leurs cierges, qu'elles tiennent à la main, & fuivent l'Archidiacre, accompagnées chacune d'une ancienne RAY. Religieufe, qui leur fert de paranymphes.

Erant entrées dans l'Eglise de la Trinité, & appercevant l'Evêque, qui est aslis dans un fauteüil devant l'Autel, elles s'arrêtent & se mettent à genoux, pendant que l'Archidiacre qui est à leur tête, dit à haute voix au Prélat: Reverendiffime Pater, Sancta Mater Ecclefia, &c. Très Reverend Pere, l'Eglise notre sainte Mere demande que vous benissiez & confacriez.ces Vierges que voici, & que vous en faffiez des Epouses de Jesus-Christ. L'Evêque lui demande si elles en font dignes: Scis dignas effe? L'Archidiacre répond, Quantum humana fragilitas nosse finit, credo, &c. Autant que la fragilité humaine permet de le connoîtres je crois & j'affure qu'elles font dignes de porter ce nom. Pour lors l'Evêque dit : Auxiliante Domino noftro, &c. Avec le secours de Notre-Seigneur Jesus-Christ nous choisissons ces Vierges pour les consacrer & en faire des Epouses de fefus. Chrift. Illes appelle enfuite en difant: Venite: Venez. Les Vierges répondent: Et nunc fequimur: Et nous allons à vous. Elles font quelques pas vers l'Autel, & s'étant mises encore à genoux, l'Evêque hausse sa voix, en repetant Venite. Elles chantent: Et nunc fequimur in toto corde; Et nous allons à vous de tout nótre cœur. Enfin après avoir fait encore quelque pas vers l'Autel, elles se mettent derechef à genoux. L'Evêque les appelle pour une troifiéme fois, en haussant toûjours sa voix, & disant: - Venite, filia, audite me, timorem Domini docebo vos: Venez,mes filles, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte de Dicu. Elles se relevent, & répondent par cette Antienne, qu'elles chantent en marchant: Et nous allons à vous de tout notre cœur. Nous vous craignons, Seigneur, nous cherchons à vous voir, ne nous confondez point; mais agiffez avec nous felon votre douceur, & selon la grandeur de vos mifericordes.

Toutes ces jeunes Professes étant arrivées dans le Sanctuaire, elles se mettent à genoux, & baissant profondément la tête, presque jusqu'à terre, elles chantent l'une après l'autre, en relevant la tête peu à peu,ce Verset: Sufcipe me, Domine, &c. Recevez-moi, Seigneur, suivant votre promesse,

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RILIGIEU- afin que jamais aucun vice ne domine en moi. Elles se rele

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RAY.

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vent ensuite. Leurs Paranymphes les font ranger en forme de demi-cercle devant l'Evêque, qui après leur avoir fait une exhortation sur la dignité & l'excellence de l'état qu'elles embrassent, leur demande à toutes en commun fi elles veulent perseverer dans leur dessein de garder la virginité: & aïant répondu qu'elles font dans cette volonté, il les interroge en particulier, & demande encore à chacune, si elle est dans le dessein de garder la virginité ; & aïant répondu qu'elles perseverent dans ce dessein, il leur demande derechef à toutes ensemble, si elles veulent être benites, confacrées, & devenir les Epouses de Jesus-Christ; après quoi l'on chante les Litanies, & les prieres marquées dans le Pontifical Romain. L'Evêque benit ensuite les habits des jeunes Professes. La benediction étant achevée, elles vont dans la Sacriftie, accompagnées de leurs Paranymphes pour quitter leurs habits blancs & leurs furplis, & se revêtir des habits noirs que l'Evêque vient de benir. Elles retournent enfuite deux à deux à l'Autel, en chantant les Versets & Répons : Regnum mundi & omnem ornatum faculi, &c. fai méprisé les Roïaumes du monde & les ornemens du fiécle pour l'amour de mon Seigneur Jesus-Cbrift, que j'ai vû, que j'ai aimé, dans lequel j'ai crû ở que j'ai cheri. Mon cœur a produit une excellente parole, & j'adressse mes ouvrages au Roi, que j'ai vû, que j'ai aimé, auquel j'ai ajoûté foi, & que j'ai cheri.

Les Paranymphes les font mettre à genoux en demi-cercle avec le voile baissé. L'Evêque les benit, dit plusieurs oraisons & prieres, & elles reçoivent enfuite de sa main le voile noir, qu'il leur met sur la tête, un anneau d'or au doit, puis une couronne de perles & de diamans que les Paranymphes leur attachent sur la tête. Le Prélat leur donne enfuite la benediction folemnelle marquée dans le Pontifical, & l'Archidiacre lit en François une Excommunication que les Papes ont fulminée contre ceux qui troubleroient ces Vierges sacrées dans le service Divin, & la poffeffion de leurs biens.

L'Evêque continuë ensuite la Meffe, & à l'Offertoire les nouvelles Epouses de Jesus-Christ vont deux à deux à l'offrande, & préfentent au Prélat leurs cierges, en baisant fon anneau. Elles reçoivent aussi la sainte Communion de sa

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main, & chantent ensuite cette Antienne : Mel & lac ex ore RELIGIEU ejus suscepi, & fanguis ejus ornavit genas meas. La Messe étant finie, l'Evêque donne la benediction folemnelle au RAY. peuple, dit encore une Oraison sur les Vierges consacrées, & leur donne pouvoir de commencer l'Office Divin dans le Chœur, leur présentant un Breviaire, sur lequel elles mettent les mains l'une après l'autre, pendant que l'Evêque dit ces paroles: Accipe potestatem legendi officium & incipiendi Horas in Ecclefia, &c. Recevez le pouvoir de dire l'Office, & de commencerles Heures Canoniales dans l'Eglise, au nom du Pere, du Fils & du Saint-Esprit.

La ceremonie étant achevée, toutes les Religieuses retournent au Choœur de l'Abbaïe, conduites processionnellement par le Clergé. L'Evêque les suit, aïant ses ornemens Pontificaux, & ce Prélat se tenant debout à l'entrée du Chœur, les Religieuses étant prosternées contre terre, il adresse à l'Abbesse qui est à leur tête ces paroles: Pensez à la mawiere dont vous devez conserver ces Vierges consacrées à Diew, pour les lui representer un jour sans tâche, puisque vous devez rendre compte d'elles au Tribunal de leur Epoux qui doit étre leur fuge & le votre.

Pendant neuf jours les nouvelles Professes font abstinence de viande, & gardent le filence. Elles font aussi toûjours pendant ce tems-là revêtuës de leur habit de ceremonie, avec leurs couronnes benites sur la tête, & cinq ans durantaprès leur profeffion, elles demeurent sous la conduite de leur Maîtresse, comme pendant le Noviciat.

Outre les Processions que ces Dames Religieuses font dans leur Cloître & dans les Chapelles interieures de la Maison, aux jours de Dimanches, des Fêtes folemnelles & des Rogations, avec les Chanoines de la Trinité, elles en font aussi plusieurs autres à certains jours, où elles sortent du Chœur pour aller dans la grande Eglise : & même autrefois elles fortoient de leur Abbaïe pour aller en Procef sion à l'Eglise Cathedrale, & dans celle de l'Abbaïe de faint Nicolas, qui est aussi de l'Ordre de saint Benoît ; comme on voit par d'anciens titres ; mais il y a déja long-tems que ces Processions externes ne sont plus en usage. Cependant elles reçoivent encore dans leur Chœur plusieurs Processions du dehors; comme celle de la Cathedrale, & des autres

Tome V

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ORDRE DE Chapitres de la ville, qui vont ensemble y chanter la grande VALLOM- Meffe le jour de faint Marc. Celle des Religieux de saint Nicolas un des jours des Rogations ; & celle du jour de la Fête Dieu, que l'on appelle du Sacre, & qui est generale, non seulement le Clergé Seculier & Regulier, mais aussi toutes les Compagnies & Communautés Seculieres de la ville y assistent au nombre de plus de deux mille personnes, aïant chacun un flambeau à la main, & passent tous au travers du Chœur des Religieuses.

Memoires envoïés d'Angers en 1712 par M. le Masson, Chanoine & ancien Curé de la Trinité.

CHAPITRE XXVIII.

De l'Ordre de Vallombreuse, avec la Vie de Saint Jean
Gualbert, Fondateur de cet Ordre.

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'ORDRE de Vallombreuse a eu pour Fondateur saint Jean Gualbert. Son pere qui se nommoit aussi Jean Gualbert, Seigneur de Petroio au Val de Pefa, étoit d'une ancienne famille qui descendoit, à ce que l'on prétend, de Bonacorso Bisdomini, lequel avoit été fait Chevalier par l'Empereur Charlemagne. Il eut deux fils dont l'un s'appelloit Hugues, & l'autre, qui étoit nôtre Saint s'appelloit fean. Il étoit déja en état de porter les armes lorsqu'un de leurs parens aïant été tué (quelques-uns veulent que ce fut Hugues fon propre frere) son pere l'engagea à en prendre vengeance, & l'obligea à chercher comme lui toutes fortes de moïens pour perdre celui qui avoit commis cet homicide.

Un jour que ce Saint allant à Florence avec ses écuïers, pensoit en lui-même où il pourroit aller chercher son ennemi, tant pour obéïr aux ordres de son pere, que pour satisfaire à sa propre vengeance, il ne fut pas moins joïeux que surpris lorsque par un hazard auquel il ne s'attendoit pas, il apperçut celui dont il avoit juré la perte qui venoit au devant de Jui dans un lieu fi étroit que ni l'un ni l'autre ne pouvoit se détourner. 11 crut que la fortune lui présentoit une occafion favorable de s'en défaire & il se préparoit déja à lui passer fon épée au travers du corps, lorsque son adversaire se jettant promptement à ses pieds, le fupplia les bras étendus en Croix

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