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BARTHE

NES.

Quelques-uns ont confondu les Moines Armeniens de LEMITES Gennes avec les Freres Unis de S. Gregoire l'Illuminateur,& DE GEN- n'en ont fait qu'un feul Ordre, comme le P. Galano dans fa conciliation de l'églife Armenienne avec la Latine, semble le témoigner en difant, que les Freres Unis avoient un monaftere a Caffa dans la Cherfonefe qui appartenoit aux Genois, & que la memoire de ces Religieux étoit encore toute recente à Gennes. Mais il est certain que c'étoit deux Ordres differens, & que les Moines Armeniens de Gennes avoient un monaftere à Caffa, & non pas les Freres Unis, comme nous verrons dans la fuite.

L'an 1296. le Soudan d'Egypte, après la mort de Caffan roi de Perfe, paffa de l'Egypte dans l'Armenie & y commit de grandes cruautés. 11 perfecuta les Moines de faint Bafile qui demeuroient à Monte-Negro, plufieurs endurerent le martyre, & d'autres l'éviterent en prenant la fuite. Comme cette perfecution dura pendant plufieurs années, il y en eut quelques-uns qui vinrent en Europe & aborderent à Gennes l'an 1307. fous la conduite d'un Pere Martin. Ils y furent bien reçûs, & on leur offrit un établiffement en cette ville. Un nommé Albert Purpureio fe declara fondateur de leur nouveau monaftere, & Porchete Spinola archevêque de Gennes mit la premiere pierre de l'Eglife, qui fut bâtie en l'honneur de la fainte Vierge & de S. Barthelemi, & les fondemens en furent jettés l'an 1308. ce qui leur fit donner le nom de Barthelemites de Gennes. Quelques autres Religieux d'Armenie ayant appris leur établissement à Gennes, les vinrent trouver, & apporterent avec eux des livres pour officier felon leur rit, ce que le pape Clement V. leur accorda par une bulle adreffée au Pere Martin & aux autres Religieux qui demeuroient au. paravant au monaftere de Monte-Negro de l'Ordre de faint Bafile dans l'Armenie: Dilectis filiis Martino & aliis Fratribus dudum in Monafterio de Montanea-Nigra, Ordinis fanéti Bafilii in partibus Armeniæ conftitutis.

İls obtinrent un second établissement à Parme l'an 1318. un autre à Sienne, & enfuite à Pife, à Florence, à Civita-Vecchia, à Rome, à Forli, à Faënza & à Ancone, Ils obéiffoient au P. Martin qu'ils regardoiefft comme general en Italie quoiqu'ils promiffent obéiffance, dans leur profeffion, à leurs fuperieurs d'Orient. Mais après la mort de ce P. Martin, ils

commencerent à fe relâcher, & pour lors il y eut plufieurs BARTHE abus qui fe glifferent parmi eux. Ils changerent dans la fuite LEMITES leur habillement,qui confiftoit en une robe tannée & un fca- DE GENpulaire noir, en celui des freres convers de l'Ordre de faint NES Dominique, c'est-à-dire, en une tunique blanche, avec un scapulaire noir, auffi-bien que la chape & le capuce. Ils fe conformerent à l'églife Romaine pour l'office divin, ils celebrerent la Meffe à la façon des Dominicains dont ils prirent les conftitutions, & quitterent la regle de faint Bafile pour fuivre celle de faint Auguftin, ce qui fut confirmé par le pape Innocent VI. l'an 1356. qui leur accorda la permiffion d'élire un general. Ils tinrent leur premier chapitre à Gennes la même année, dans lequel ils élûrent pour general le P. Antoine de Pife.

Schoonebeck, qui le plus fouvent n'est pas exact à rappor

ter fidelement les années des établiffemens des Ordres reli-
gieux, dit, en fuivant Sylveftre Maurolic, que ce fut fous le
pontificat d'Innocent III. que ce changement se fit, n'ayant
pas fait reflexion que ce Pape étoit mort cent trente-fix ans
auparavant en 1216. & que c'est une faute d'impreffion qui se
trouve dans Maurolic, lequel avoue que ces Religieux vin-
rent d'Orient en Italie fous le pontificat de Clement V. qui
ne fut pape que
pape que l'an 1307. Je fuis furpris que le P. Bonanni
de la compagnie de Jefus ait auffi dit, que Silvestre Mauro-
lic affure qu'Innocent III. prefcrivit des conftitutions à ces
Religieux, & qu'il ne fe foit pas apperçû de l'erreur.

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La même année que ces Barthelemites de Gennes firent ce changement, & qu'ils prirent l'habillement des Freres Convers de l'Ordre de S. Dominique, les Freres unis de S. Gregoire l'Illuminateur qui le portoient auffi, le quitterent,ayant été incorporés entierement dans l'Ordre de S. Dominique, & leur Ordre ayant été par ce moyen fupprimé, dont voici l'origine.

Vers l'an 1328. le P. Dominique de Boulogne Religieux de l'Ordre de faint Dominique, ayant été envoyé en Armenie par le pape Jean XXII. qui le facra évêque de Maraga, ne convertit pas moins de fchifmatiques par la vie exemplaire, que par fes prédications. Il fit bâtir un Monaftere en forme d'ermitage au fommet d'une haute montagne avec des cellules feparées les unes des autres, où il demeuroit avec fes

BARTHE- compagnons l'été ; & pendant l'hiver ils demeuroient dans LEMITES d'autres cellules qu'ils avoient creufées dans des rochers au pied de cette montagne, & qui s'y voyent encore à present.

DE GEN

NES.

Il y avoit dans le même tems un celebre VVartabied en Armenie nommé Ifaac, qui étoit fuperieur d'un Monastere auprès d'Erivan, & qui avoit honoré de la dignité de V Vartabied plus de trois cens foixante & dix de fes difciples, dont quelques-uns gouvernoient d'autres Monafteres, & les autres étoient difperfés dans l'Armenie pour enfeigner le peuple. Entre ces difciples il y en avoit un qui étoit en grande eftime, qui fe nommoit Jean de Cherna & étoit fuperieur d'un Monaftere proche de Cherna, village dont un de fes oncles nommé Georges,étoit seigneur. Le VVartabied Ifaac envoya ce VVartabied Jean vers le Pere Dominique, pour fçavoir quelle étoit la doctrine qu'il enfeignoit. Ce VVartabied fut fi touché de la vie exemplaire que le Pere Dominique & fes compagnons menoient dans la folitude dont nous venons de parler, & fes difcours firent tant d'impreffion fur fon esprit, qu'il refolut de renoncer à ses erreurs, & de reconnoître l'autorité du Pape. Il perfuada la même chose au VVartabied Ifaac, & l'an 1330. il adreffa des lettres circulaires à tous les prelats & les VVartabieds des environs, pour les exhorter de s'affembler en un certain lieu, où le Pere Dominique devoit leur prêcher les verités de l'églife Latine. Ils y vinrent & renoncerent tous au fchifme & à l'erreur, reconnoiffant le Pape comme fouverain chef de l'Eglife univerfelle, & à leur exemple une bonne partie du peuple fit la même chose.

Le prince Georges, feigneur de Cherna, fut le premier à faire paroître fon zele pour la religion Catholique, ayant fait bâtir de fond en comble une Eglife proche le couvent de Cherna, qui fut achevée en moins d'un mois. Son neveu le VVartabied Jean, voyant que l'Ordre de faint Bafile étoit entierement déchû en Armenie, & prefque entierement anéanti, voulut d'abord le reformer, & le remettre dans fon premier luftre; il crut néanmoins qu'il étoit plus à propos d'établir un Ordre nouveau dont là fin fût de conferver la foi Catholique que les Armeniens venoient d'embraffer,& de l'étendre de plus en plus : c'eft pourquoi il inftitua un Ordre auquel on donna le nom des Freres Unis de faint Gregoire l'Illuminateur, à caufe que ce Saint avoit été l'apôtre de

l'Armenie; & comme ils avoient été convertis par les Reli- BARTHEgieux de l'Ordre de S. Dominique, ils prirent leurs conftitu- LEMITES tions avec la regle de S. Auguftin, changeant leurs habits de DE GENMoines Armeniens, en celui des Freres Convers de l'Ordre NES. de S. Dominique, ce qui fut confirmé par le pape Jean XXII. Ils firent profeffion de la regle de S. Auguftin entre les mains du P. Jean Canus évêque de Teflis, compagnon du P. Dominique, ajoûtant un quatrième vœu d'obéir en toutes chofes au Pape, & ils élûrent pour fuperieur le VVartabied Jean de Cherna.

Cet Ordre s'étendit beaucoup, non feulement dans l'Armenie, mais auffi dans la Georgie. Mais les Turcs & les Perfes s'étant emparés de ces royaumes, les Freres Unis fe renfermerent dans la feule province de Naklivan dans la grande Armenie, où il y a encore aujourd'hui douze villages Catho liques. L'an 1356. ces Freres Unis voyant qu'ils avoient pref que les mêmes obfervances que les Dominicains, étant réduits dans une grande pauvreté, à caufe de la domination des Infideles fous laquelle ils étoient tombés, & appréhendant que leur pauvreté n'augmentât dans la fuite,ils envoïerent à Rome les PP. Thomas & Eleuthere, qui étoient deux freres, pour obtenir du pape Innocent VI. qu'il leur fût per. mis, fous le bon plaifir du general de l'Ordre de S. Domini que, de paffer dans cet Ordre, & d'être foumis en toutes chofes à ce general, ce que le Pape leur accorda, & l'Ordre des Freres Unis fut éteint par ce moyen, ayant depuis ce tems-là compofé une province de l'Ordre de S. Dominique, qu'on appelle la province de Nakfivan, & qui eft la trentequatrième de cet Ordre. Le P. Eleuthere en fut le premier provincial, & fon frere le P. Thomas fut archevêque de la même province.

Les Armeniens de Gennes ont fubfifté plus long-tems. Ou tre les maisons dont nous avons déja parlé, ils en eurent encore à Milan, à Naples, à Peroufe, à Eugubio, à Ferrare, à Boulogne, à Piftoye, à Padoue, à Rimini, à Pescaro, à Viterbe, & en d'autres lieux,& ils pafferent même jusqu'à Caffa dans la Cherfonefe Taurique qui appartenoit aux Génois. Boniface IX. leur défendit de paffer à d'autres Ordres, excepté celui des Chartreux, & les fit participans de tous les privileges de l'Ordre de S. Dominique, tant de ceux qui lui

BARTHE- avoient été accordés jufqu'alors, que de ceux qu'il pour LEMITES roit obtenir dans la fuité, ce qui fut confirmé par les papes DE GEN- Innocent VIII. & Paul III. & le pape Urbain VIII. leur

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donna pour protecteur le cardinal Durazzo l'an 1640. Mais Innocent X. voyant qu'ils n'étoient pas plus de quarante dans quatre ou cinq maifons qui leur reftoient, qu'ils avoient beaucoup de peine à s'accorder ensemble, & qu'ils menoient une vie peu reguliere; il les fupprima l'an 1650. leur permettant de pouvoir paffer dans un autre Ordre, & leur affignant à chacun quarante écus, fur leurs biens qui furent confifqués.

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Autrefois les generaux de cet Ordre étoient perpetuels, mais Sixte IV. les rendit triennaux l'an 1474. Le P.Etienne Palma a exercé cette charge quatre fois, & a été pendant trente ans vicaire general. Les PP. Cherubin Cerbelloni de Gennes, & Paul Costa de Milan, ont été les plus fameux prédicateurs de leur tems, & ont rempli les meilleures chaires d'Italie. Ils ont auffi eu quelques écrivains, comme Peregrino Scoti, Jean-Baptifte Pori, Jerôme Cavalieri, JeanBaptifte Ladriani, & Gregoire Bitio qui a fait l'histoire de cet Ordre.

C'est dans l'église de leur Monastere de Gennes, que l'on conferve l'image qu'on prétend que Notre-Seigneur Jefus Christ envoya au roi Abgar, comme il paroît par les Bulles de Sixte IV. Jules II. Pie IV. Paul V. Gregoire XV. & Urbain VIII. Auguftin Calcagnigni, chanoine, penitencier,& hiftoriographe de Gennes, a donné l'histoire de cette fainte image.

Voyez pour les Armeniens de Gennes, Gregorio-Bitio, Relacione del principio & ftato della Relig. de Fr. di S. Bafil. de gli Armen. in Italia, Silveft. Maurol. Mar. Ocean. de gli Relig. lib. 5. Paul Morigia, hift. des Relig. liv. 1. chap. 56. Gio Pietr. Creszenzi, Prefid. Rom. Tamb. de Jur. Abb. Tom. 2. difp. 24. quæft. 3. Bonanni, Catalog. Ord. Relig. Part. 1. & Schoonebeck hift. des Religieux : & pour les Freres Unis, Clement Galano, Conciliatio Ecclef. Armena cum Romana,part. I. cap. 30.

CHAPITRE

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