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FILS DE foule pour le voir. La maifon de retraite des femmes demanSANTIG da fon cœur, & la demande aiant été appuïée de la recommandation de l'Evêque de Vannes, on ne put le lui refufer.

NEVILVE

Pierre Phonamic, Vie des Fondateurs des Maifons de Retraites. M. de Kerlivio, le Pere Vincent Huby, & Mademoifelle de Francheville,

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Des Filles de fainte Genevieve, communément appellées les Miramiones, avec la Vie de Madame de Miramion, leur Fondatrice.

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UOIQUE la Communauté des Filles de fainte Géneviéve à Paris ait été fondée dès l'an 1636. par Made. moitelle Bloffet, néanmoins l'union qui a été faite de cette Communauté avec une autre, qui fut fondée par Madame de Miramion, les grands biens que cette Dame lui a procurés, & les Reglemens qu'elle lui a prescrits, lui ont fait donner avec justice le titre de Fondatrice des Filles de fainte Genevieve. Elle nâquit à Paris le 2. Novembre 1629. & reçut le nom de Marie fur les Fonts de Baptême. Elle eut pour pere Jacques Bonneau Seigneur de Rubelle, & pour mere Marie d'Yvri. Dès l'âge de neuf ans qu'elle perdit fa mere, elle jugea du malheur qu'il y a d'être feparé de Dieu éternellement, par l'affliction qu'elle eut d'être feparée de celle qu'elle aimoit le plus ici- bas: c'eft pourquoi afin de s'affurer la poffe fion de ce bien infini,toute jeune qu'elle étoit, elle fuïoit les plaifirs & les divertiffemens autant qu'il lui étoit poffible, perfuadée qu'ils étoient très préjudiciables à l'ame.

A l'âge de douze ans elle prenoit foin des malades de la maison; & un jour des Rois un Palfrenier fe mourant, au moment que tout étoit en joïe, elle fe déroba pour aller le voir expirer ce qui fit une telle impreffion fur fon efprit & fur fes fens,qu'étant retournée dans l'Affemblée, elle fe difpenta de danfer à un bal, fous prétexte qu'elle ne fe portoit pas bien: ce qui paroiffoit veritablement fur fon vilage, qui étoit tout changé par les reflexions que ce trifte fpectacle lui faifoit faire, qui étant fuivies du chagrin qu'elle eut de la

mort de fon pere, qui arriva pendant un voïage qu'elle fit FILLES DE aux eaux de Forges, avec une de fes tantes, acheverent de SAINT G2la déterminer à prendre le parti de la pieté & de la devotion, dont elle commença dès lors à faire fes principales occupations.

Elle époufa en 1645. Jean-Jacques de Beauharnois. Seigneur de Miramion, Confeiller au Parlement de Paris, qui touché des pieux exemples de fa femme, voulut les imiter, & mourut dans cette heureufe difpofition à l'âge de vingtfept ans, la laiffant groffe de quatre mois & demi, âgée feulement de feize ans. Etant malade à l'extrêmité dans les couches, elle fit un vocu à la fainte Vierge, afin que fon enfant reçût le Baptême ; & elle accoucha heureufement d'une fille, qui fut dans la fuite mariée à Monfieur de Nesmond Maître des Requêtes, & qui depuis a été Préfident à Mortier. La seconde année de fon veuvage, on lui fit des propofitions de mariage, aufquelles elle ne voulut point entendre: ce qui irrita fi fort la paffion de celui qui la recherchoit, que peu de tems après il la fit enlever, lorfqu'elle alloit faire fes devotions au Mont- Valerien, avec Madame de Miramion fa belle-mere. Dès qu'elle fe vit entre les mains des Raviffeurs, elle demanda à Dieu de lui conferver tout fon jugement, de lui donner du courage & des forces pour fe défendre, & fur tout de lui faire la grace de ne le point offenfer. Elle fut plus de quarante heures fans manger, c'est-à dire, depuis fon enlevement jufqu'à ce qu'elle fut arrivée à Launoy, à trois lieuës de Sens, au château de M. de Buffi- Rabutin,auteur de l'enlevement, à qui on avoit perfuadé qu'elle écouteroit les propofitions de mariage qu'il lui feroit, lorsqu'elle feroit en fon pouvoir: mais voïant fa fermeté, & craignant les fuites de fon entreprife, il ceffa de la folliciter, & la rendit maîtreffe de fon fort & de fa liberté. On fit des poursuites contre M. de Buffi mais elle lui pardonna chrêtiennement, à la priere de Monfieur le Prince, à condition qu'il ne fe préfenteroit jamais devant elle.

Au retour de cet enlevement, elle fut malade à la mort, & reçut l'Extrême-Onction, avec tous les fentimens de pieté que l'on pouvoit attendre d'une ame qui se disposoit à aller jouir de la préfence de Jefus Chrift, qu'elle avoit choisi pour fon Epoux: mais la Providence qui vouloit s'en fervir

NEVIEVE.

SAINTEGE

NEVIEVE.

FILLES DE pour le bien fpirituel & temporei du prochain,lui aiant renvoïé la fanté, elle fongea plus que jamais à fervir Dieu. Un jour de l'Epiphanie, demandant à Dieu ce qu'elle pouvoit lui offrir, à l'exemple des Rois, qui eurent le bonheur de l'adorer dans la crêche, elle fe fentit toute émuë, & crut entendre une voix qui lui difoit : C'est ton cœur que je veux, & qu'il foit à moi Jans partage: ce qui eut pour elle tant d'attraits & de charmes, qu'elle resta en meditation quatre heures, pendant lefquelles elle goûtoit de fi grandes confolations, que fon ame en étoit penetrée d'une joïe toute fainte & falutaire. Elle fit à l'âge de dix-neuf ans une retraite chez les Sœurs de la Charité, dont nous avons parlé dans le Chapitre douzième, pendant laquelle elle conçut le deffein de se faire Carmelite ; mais fon Confeffeur l'en aïant empêché, à caufe de fa fille, qui avoit befoin de fes foins elle fe contenta de faire vœu de chafteté dans une autre retraite qu'elle peu de tems après celle dont nous venons de parler.

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Sa charité pour le prochain étoit fi grande, qu'elle nourriffoit une vingtaine de petites filles orphelines dans une maifon proche faint Nicolas des Champs, & leur fourniffoit des Maîtreffes pour leur apprendre à fervir Dieu & à travailler. Elle affiftoit fouvent les malades de l'Hôtel- Dieu, afin de fe mortifier, étant naturellement délicate & propre. Son Dire&teur l'engagea à une retraite d'un an, pour vaquer uniquement à la perfection, fans s'addonner aux œuvres de pieté à l'égard du prochain,dont on ne lui permit l'exercice qu'à la fin de l'année. On la fit Tréforiere des pauvres de la Paroisse de S. Nicolas des Champs;& comme c'étoit dans le tems des guerres civiles, & que le nombre des pauvres étoit fort grand dans Paris, fon zele trouva de quoi s'exercer, leur faisant diftribuer plus de deux mille potages par jour, fans parler des autres charités fecrettes qu'elle faifoit aux pauvres honteux avec tant de générofité, que la mifere augmentant, & les revenus n'y pouvant pas fuffire, elle vendit fon collier de perles vingt quatre mille livres, & un an après fa vaiffelle d'argent, dont le produit lui fervit à faire des Miffions, à établir des Ecoles pour la Jeuneffe, & à des charités pour le3 pauvres malades de la campagne, dont elle voulut prendre elle même le foin, apprenant pour cet effet à faigner, à médicamenter les plaïes, & à compofer des onguents,& autres

chofes

choles neceffaires, dont elle avoit un cabinet bien garni,pour FILLES D tous ceux qui avoient recours à fa charité.

Après qu'elle eut marié Mademoiselle de Miramion à M. de Nefmond, elle crut ne devoir plus fonger qu'à fa propre perfection: c'est pourquoi elle rechercha avec empreffement tout ce qui pouvoit y contribuer. Elle retira chez elle en 1630. vingt-huit Religieufes des frontieres de Picardie, dont les Couvens avoient été ruinés par les guerres : elle les nourrit à fes dépens pendant plus de fix mois, & ne ceffa cette heroïque charité qu'après avoir trouvé moïen de les placer dans d'autres maifons, ou de les renvoïer chez elles, forsqu'elles purent y retourner fans aucun danger..

Nous avons déja rapporté dans le Chapitre X. de quelle maniere elle contribua à l'établiffement des Miffions étrangeres, pour la converfion des Infideles ; mais fa charité n'en demeura pas là : car les defordres de la guerre & la minorité du Roi aïant occafionné & fait triompher le vice, cette généreuse Servante de Jesus Christ travailla à en diminuer le progrès, en faifant enfermer dans la Communauté des Fillesde fainte Pelagie, qui fubfifte encore aujourd'hui, quelques filles des plus fcandaleufes, dans l'efperance que les autres intimidées fe contiendroient davantage,& même pourroients changer de vie.

Ce fut par un effet de cette même charité, que pour executer le projet qu'elle avoit fait depuis long-tems d'établir une Maison de filles, qui tiendroient de petites Ecoles à la campagne, penferoient les bleffés, & affilteroient les malades; elle alla demeurer en 1661. dans la ruë faint Antoine, où avec quelques filles qu'elle trouva difpofées à fe facrifier pour le prochain, elle vêcut en Communauté fous la protetion & le titre de la fainte Famille, & dans l'obfervance de quelques Reglemens, que M: du Feftel fon Directeur leur avoit fait quelque tems avant la mort : ce qui dura jusqu'à ce qu'étant allée demeurer dans la Paroiffe de faint Nicolas du Chardonnet, Dieu,qui par fes inspirations étoit l'auteur de ce pieux dessein, lui donna les moïens de le perfectionner: ce qui arriva de la maniere fuivante.

Dès l'an 1636. une Communauté de Filles fous le titre de fainte Geneviève, avoit été établie par Mademoiselle Bloffer, comme nous l'avons déja dit. Ces filles s'occupoient au traTome.VIII. Ef

SAINTE GE
NEVIEVE.

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SAINTI GI

FILLES DE Vail, recitoient le petit Office de la Vierge en commun, fréNEVIEVE. quentoient les Sacremens, & étoient affidues aux Offices divins de la Paroiffe de faint Nicolas du Chardonnet, dans laquelle elles demeuroient. Elles vifitoient les malades, s'exerçoient dans la pratique de toutes les vertus, & tâchoient d'infpirer le même efprit aux autres perfonnes de leur sexe, autant par les inftructions charitables qu'elles leur donnoient, que par leur bon exemple. Pour ce fujet elles prenoient des Penfionnaires, tenoient les petites Ecoles,faifoient des Conferences entr'elles, & étoient dans le deffein de recevoir aux Exercices fpirituels celles qui defireroient fe retirer chez elles, lorfqu'elles auroient affez de logement pour cela,comme auffi d'aider les pauvres gens de la campagne, en y allant enfeigner & établir des Maîtreffes d'Ecoles. Elles avoient pris fainte Geneviève pour leur Patrone, à caufe qu'elles demeuroient au pied de la montagne, fur laquelle repofent les facrées Reliques de cette fainte Bergere, & elles étoient établies en Corps de Communauté Seculiere fous l'autorité de l'Archevêque de Paris, & par Lettres Patentes du Roi. La conformité qu'il y avoit entre cette Communauté & celle de la fainte Famille établie par Madame de M ramion, porta cette fainte femme à vouloir unir fa Communauté avec celle de fainte Genevieve; & Dieu aïant inspiré à plusieurs des filles de cette derniere Communauté un grand defir de s'unir au fi à Madame de Miramion & à fes filles, elles ne purent s'empêcher de lui en faire la propofition, & à M. Feret, Superieur des deux Communautés, qui fit plufieurs Affemblées pour conferer fur l'utilité & fur les moïens de faire réüffir cette union, qui enfin après plufieurs prieres & bonnes œuvres que l'on fit pour obtenir de Dieu des lumieres & la declaration de fa volonté, fut concluë le 14. Août veille de l'Affomption de la fainte Vierge, en préfence & du confentement de M. Feret. Le Contrat fut fait avec l'agrément de l'Archevêque de Paris, Hardouin de Pere fixe, le 14. Septembre 1665. & cet Inftitut fut approuvé & confirmé en 1668. par le Cardinal de Vendôme, Legat à Latere en France.

Ces deux Communautez aïant été ainfi réunies, Madame de Miramion donna foixante mille livres pour fonder plufieurs places, & M. Feret travailla à des Conftitutions, qui, outre qu'elles renfermoient les Reglemens de l'une & de

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