TES,GEORGIENS ET LIENS. ne sont MELCHI- eux des Religieux & des Religieuses qui suivent aussi avec les Moines Grecs la regle de S. Basile. Les Religieux ont deux MINGRE- beaux Monasteres à Dainas,& les Religieusesen ont aussi deux qui sont fort riches & éloignés d'une journée de la même ville. Elles gardent la clôture & ne sortent point. Les Melchites officient en langue arabe. C'est ce que j'ai appris de plusieurs Levantins, entr'autres de M. Marc-Joseph patriarche des Nestoriens, & de M. Saphar évêque de Mardin. Les Georgiens suiventen partie la secte des Armeniens, & en partie celle des Grecs. Le prince, quoique Mahomeran de religion, nomme aux dignités ecclesiastiques , & y éleve ordinairement ses parens. Leur religion n'est gueres differente de celle des Mingreliens, & les uns & les autres n'ont seulement que le nom de Chrétien, y en ayant une grande partie qui pas baptisés par l'ignorance des évêques & des prê. tres, qui, la plupart, ne sçavent pas la forme du baptême. C'est beaucoup lorsque le Catholicos, qui est le chef du clergé, sçait lire, aussi bien que les évêques qui n'ont aucun soin des ames , qui ne visitent ni leurs églises, ni leurs dioceses, & dont l'occupation ordinaire est d'être dans des festins conti. nuels & de s'enyvrer presque tous les jours. Leur principal revenu consiste en ce qu'ils retirent des femmes & des enfans de leurs vassaux qu'ils vendent aux Turcs. Ces peuples reconnoisloient autrefois le patriarche d’Antioche ; maintenant ils obéissent à celui de Constantinople, & ontnéanmoins chacun un primat de leur nation qu'ils appellent Catholicos , & qui ont aussi chacun leur jurisdiction particuliere. Il y avoit autrefois douze évêchés dans la Mingrelie, dont il n'en reste plus que fix. Les autres ont été changés en abbayes qui sont: Chiaggi, Gippurias , Copis, Obburgi, Sebastopol, qui a été ruinée par les eaux, & Anarghia. Les évêques y sont fort riches , sur-tout le Catholicos,& la simonie est ordinaire parmi eux ; car le Catholicos ne consacre point un évêque , s'il ne lui donne cinq cens écus. Il ne confesse que pour une bonne somme d'argent; & il y en eutun qui ayant été mécontent de ce qu'un Visir ne lui avoit donné que cinquante écus pour s'être confessé à lui, ne voulut pas le confesser une seconde fois qu'il ne lui eût payé auparavant la premiere confession. Il necelebre point de Messe qu'il ne soit assuré d'avoir cent écus, & l'on double ordinairement ET cette somme lorsque c'est une Messe des morts. Comme par- MelPHI• mi les évêques il y en a qui ne sçavent pas lire, ils apprennent TES, GEORune Melle par cæeur qu'ils disent, principalement aux enter- MINCREremens,après s'en être bien fait payer à l'exemple de leur Ca. Liens, tholicos. Il y a quelques Moines qui ont le titre & le revenu d'un évêche qui leur est accordé par le prince , fans être con, sacrés ; mais consacrés ou non, ils ne laissent pas de faire des prêtres pour de l'argent. Ces prelats pretendent neanmoins être plus saints que ceux de l'église Romaine, à cause qu'ils ne mangent point de vian. de , de même que les évêques Grecs, & ils observent avec le peuple les mêmes carêmes des Grecs. C'est dans la prati, que de ces jeûnes, qu'ils observent très-mal, qu'ils font consitter tous les devoirs du Christianisme. Les prêtres ne sont pas plus éclairés que leurs évêques; s'ils sçavent lire , qu'ils ayent appris une Messe par cæur , & qu'ils puissent donner à l'évêque la valeur d'un cheval , ils sont ordonnés prêtres, & se marient autant de fois que bon leur semble. L'on peut juger si le peuple est bien instruit ayant des pasteurs fiignorans & fi vicieux : aussi n'a-t-il pas la moindre idée de la foi & de la religion, traitant de fables & de réveries la vie éternelle, le jugement universel & la resurrection des morts. Les Georgiens observent mieux le jeûne que les Mingre. liens & font de plus longues oraisons. Le prince contraint les ecclesiastiques , & même les évêques, d'aller à la guerre. Il donne son suffrage avec les évêques dans l'ele&tion du primat, & tous élisent celui qu'il leur recommande. Ce prélat ne tient point le premier rang pour le spirituel; mais le prince est le maître absolu pour le spirituel & pour le temporel , quoique Mahometan ; car le roi de Perle l'oblige d'embrasser la religion de Mahomet pour conserver sa dignité dans sa famille, & les grands seigneurs du pays se servent des prêtres comme de valers, méprisent les évêques & les châtient. Les Mingreliens ont plus de respect pour les évêques , mais ils ont aussi un grand mépris pour les prêtres , à cause de leur ignorance & de leur yvrognerie , & un prêtre n'est respecté que quand il dit la Mesle. Les religieux Mingreliens sont aussi ignorans que le reste du clergé,& ne sont pas mieux instruits des mysteres de la religion. On les appelle Beres,& ils font habillés comme les se. GIENS IT LIING. . Melchi- seculiers avec cette difference que les seculiers ont peu de barTES,GBOR-be, & se rasent le sommet de la tête en forme de couronne , Mingas- coupant leurs cheveux en rond au-dessus des oreilles , & que les Religieux laissent croître leurs cheveux & leur barbe. L'habillement des uns & des autres consiste en une chemise qui descend jusqu'aux genoux & qu'ils renferment dans un caleçon ou pantalon ; & pardessus ils mettent une espece de veste fort courte, ou un feutre assez semblable à la chlamide des anciens, en passant la tête dedans, & ils le tournent comme ils veulent, du côté que vient le vent ou la pluye ; car il ne couvre que la moitié du corps , & ne descend que jufqu'aux genoux. Leurs souliers ne sont que d'une femelle de peau de buffle qui n'est point préparée, & cette semelle s'attache aux pieds avec une courroye de même peau qu'on lasse pardeslus : quelques-uns disent qu'il n'y a que les Religieux qui portent cette espece de veste. L'on ne fait pas grande ceremonie pour la reception de ces Religieux. Leur vocacion vient de leurs parens qui les consacrent dès leur enfance en leur mettant sur la tête une calotte noire qui leur couvre les oreilles, leur laissant croître les cheveux, leur recommandant de s'abstenir de manger de la viande,& leur disant pour toute raison qu'ils sont Beres. C'est ce que les enfans observent , fans sçavoir ce que c'est que d'ê. tre Beres. On les donne ensuite à d'autres Beres pour les élever,& ceux qui les donnent à des Moines Grecs réuslissent mieux. Les Religieux Georgiens en sçavent un peu plus que les Mingreliens,& la plûpart des Chrétiens de la Georgie sont instruits des mystères du Christianisine dans les Monasteres, où ils apprennent aussi à lire & à écrire. Ces Religieux sone habillés comme les Moines Grecs, & se disent, austi-bien que les Religieux Mingreliens , de l'Ordre de S. Bafile. Il y a aussi dans la Georgie & dans la Mingrelie des Religieuses. Comme les Georgiennes sont estimées les plus belles femmes de l'Asie, dès qu'une fille est un peu grande, on tâche de la dérober, & d'ordinaire elle est enlevée par quelqu'un de ses parens qui la va vendre en Turquie ou en Perse. C'est ce qui fait que les peres & meres renferment leurs filles de bonne heure dans des Monasteres, où la plûpart s'appliquent à la lecture, & y demeurent toute leur vie. L'on dit qu'après la ET profession, lorsqu'elles sont parvenues à un certain âge, elles Molens ont permission de baptiser & même d'appliquer les saintes hui. TESGEORles aussi-bien qu'un évêque. Leur habillement est semblable à MINGRES celui des autres femmes Georgiennes qui sont toutes habillées LIENS. à la Perfanne. La difference qu'il y a entre les Religieuses & les autres femmes, c'est que l'habillement des Religieuses est noir, & qu'elles ont un voile & un linge qui leur couvre presque tout le visage, desorte qu'on ne leur voit que les yeux , selon ce que m'a dit un prêtre Georgien à qui je m'en suis informé ; ce voile est aussi commun aux autres femmesPersan. nes qui en ont de differens pour la maison & lorsqu'elles sor. tent, y en ayant même qui les couvre depuis la tête jusques aux pieds. Il y a beaucoup plus de Monasteres de filles que d'hommes, ce qui fait que les femmes & les filles sont mieux instruites & sçavent mieux leur religion que les hommes. A l'égard des religieuses Mingreliennes,il y en a de plusieurs sortes. Lesunes sont des filles, qui ayant atteint l'âge nubile,ne se soucient pas du mariage. Les autres sont des servantes , qui après la mort de leurs maîtres, le font Beres avec leurs mai, tresses. D'autres sont des veuves qui ne veulent point se marier. D'autres sont des femmes qui, après avoir trop goûté du monde, l'abandonnent quand elles viennent sur l'âge & qu'el. , les se voyent méprisées. D'autres sont des femmes repudiées ; & d'autres enfin se fout Religieuses par pauvreté. Celles-ci demandent l'aumône dans les Eglises , & on leur donne plus liberalement en consideration de leur habit. Toutes ces Religieuses sont vêtues de noir à la Persanne, ont la tête couverce d'un voile de la même couleur , & ne mangent jamais de viande. Elles ne gardent pas la clôture & ne sont pas engagées pour toûjours à la vie monastique, mais elles la peuvent quic. ter quand il leur plaît. Parmi les Mingreliens , il n'y a que les églises cathedrales, celles des abbayes & celles des Beres qui soient un peu propres, les églises paroissiales étant plus sales que des étables. Les ornemens sacerdotaux des évêques & des Beres sont aussi assez propres, étant de soye & brodés d'or ; mais ceux des prê. tres feculiers qu'on appelle Papas, n'ont aucune apparence,le plus souvent, d'habillemens facerdotaux, leur pauvreté les obligeant à se servir de quelque guenille dechirée en guise de pluvial.Il y en a même plusieurs qui disent la Messe avec une Сc iij YITIS, Moinis simple chemise de toile qu'ils mettent sur leurs habits : aussi Mosco le peuple n'a-t-il gueres de devotion à leurs Messes. On a plus de respect pour la Messe des Beres, qui ont dans leurs églises, en fort bon état, les choses requises pour la celebrer. Les Georgiens entretiennent assez bien leurs églises qui sont dans les villes ; mais celles qui sont à la campagne ne sont pas plus propres que les églises paroissiales des Mingreliens. Ceux qui demeurent en Terre Sainte sont unis & obeissent au patriar, che de Jerusalem. Ils ont abandonné les saints lieux qu'ils poffedoient, sçavoir une des chapelles bâties sur le mont de Calvaire, dans l'endroit où fut plantée la croix de Notre . Sei. gneur Jesus-Christ , laquelle chapelle ils avoient obtenue forsque l'empereur Solinian entra dans Jerusalem. · Ils ont aufli quitté le Monastere de sainte Croix qui eft à demi-lieue de Jerusalem, dont l'église fur bâtie à l'endroit où fur trou. vée la vraie Croix. Ils ont laissé ces églises en gage aux Grecs , qui avoiene payé pour eux aux Turcs &aux Juifs des soinmesconsiderables. Parmi les Monasteres du Mont-Athos, celui qui porte le nom des Georgiens, est destiné pour rece: voir les Religieux de cette nation , & le patriarche de Con. ftantinople envoye souvent en Georgie des Caloyers pour entretenir le peuple dans le schisme avec le pape. Le chevalier Chardin & Tavernier, Voyages de Perse. Le P. Lamberti, dans le recueil de Thevenot , & Dom Joseph Zampi , Theatin, Relation de Mingrelie. CHAPITRE :XXII. de Moscovie. Omm e la grande Russie ou Russie noire, qui nous est grands états de l'Europe , & que depuis que le Christianisme y a été introduit par les Grecs , il s'y est toûjours conferve jusqu'à present , quoique ce ne soit pas dans toute sa pureté; c'est ce qui fait que l'Ordre de S. Basile s'y est fort multiplié, au lieu qu'il est extrémement déchu en Orient, où la plûpart de les Monasteres étoient situés dans des lieux |