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CLUNI.

Lion, ne put jamais les obliger d'en fortir. Ce Monaftere ORDRE DE subsiste encore, on n'y reçoit que des filles Nobles, qui font ordinairement au nombre de quarante. Saint Hugues fut encore Abbé de Figeac: on lui foûmit auffi les Monasteres d'Agere, de faint Gilles, de faint Antonin, de Fredoliz, & faint Oïent d'Aufches, de Gordiniac, de Lezat, de Tarbes en Bigorre, de faint Martial de Limoges, de Moiffac, de Vabres & quelques autres : il y avoit pour lors un fi grand nombre de Religieux dans cet Ordre, que dans un Chapitre general que S. Hugues tint à Cluni, il s'y trouva trois mille Religieux au rapport de Meffieurs de fainte Marthe. Enfin Gall.Chri cet Abbé après avoir gouverné fon Ordre pendant foixante Tom. IV, ans mourut l'an 1109. Il fit plufieurs Reglemens pour l'Of. P. 277» fice Divin ; & entr'autres pratiques, il ordonna que le jour de la Pentecôte, on chanteroit à Tierce l'Hymne Veni Creator: ce qui a été depuis reçu par toute l'Eglife qui l'a encore fait chanter pendant toute l'Octave. Il ordonna auffi jour là, on feroit une plus grande distribution de pain & de viande aux pauvres & qu'on en nourriroit ce jour là autant qu'il y avoit de Religieux dans le Monastere.

que ce

Saint Hugues eut pour fucceffeur Ponce, qui n'imita pas la fainteté de fes predeceffeurs. Les premieres années de fon gouvernement furent affez tranquilles: il fe comporta avec beaucoup de fageffe, & entretint fa Communauté dans la paix & l'union; mais fes mœurs s'étant dans la fuite corrompuës, & les Religieux voïant qu'il diffipoit les biens du Monaftere, en murmurerent hautement. Les efprits s'échauffant de jour à autre, la divifion y dura pendant près de dix ans, jufqu'à ce que Ponce, s'étant demis de cette Abbaïe entre les mains du Pape Calixte II. les Religieux élurent pour Abbé Hugues II. qui ne vêcut que trois mois, après lefquels, ils firent une autre élection qui tomba sur Pierre Maurice ou de Montboiffier, fi connu fous le nom de Pierre le Venerable. Ponce aïant renoncé à fon Abbaïe, alla à Jerufalem dans le deffein d'y demeurer; mais se repentant bien-tôt d'avoir donné fa demiffion, il retourna en France, & aïant amaffé une troupe de bandis, il entra par violence dans Čluni, d'où il chaffa les Religieux qui ne voulurent pas lui prêter ferment de fidelité, après les avoir fait beaucoup fouffrir. Il pilla & faccagea tout le Monastere

CLUNI.

ORDRE DE Comme s'il eût été un ennemi, & emporta tous les Vafes facrés : ce que le Pape Honorius II. aïant appris, il l'excommunia, & le cita à comparoître devant lui; & de l'avis des Cardinaux, fur le refus qu'il fit de reftituer ce qu'il avoit pris, & pour fa folle préfomption de croire qu'il n'y avoit perfonne fur la terre qui le pût excommunier, il fut déclaré voleur, facrilege, fchifmatique, excommunié & privé de toutes dignités Ecclefiaftiques. Il mourut quelques tems après, & le Pape en donnant avis de fa mort à Pierre le Venerable, lui manda que quoique Ponce eut fait beaucoup de mal à Cluni,& qu'aïant été fouvent averti de faire peni tence il l'eût toûjours refufé, il n'avoit pas neanmoins laiffé de le faire enterrer honorablement à caufe de la veneration du Monaftere dont il avoit été Religieux. Aprés cela il y a de quoi s'étonner qu'il ait été mis dans quelques Martyrolo ges & dans quelques Calendriers de l'Ordre de faint Benoît au nombre des Saints de cet Ordre.!

Pierre le Venerable fous le gouvernement duquel ces broüilleries arriverent, reünit bien-tôt les efprits qui étoient divifés & rétablit la difcipline reguliere: il donna la derniere perfection à cet Ordre par les Statuts qu'il dreffa, avec autant de fageffe que de pieté. De fon tems le nombre des Religieux étoit fi confiderable à Cluni, qu'au lieu que dans le commencement de fa fondation il n'étoit que de douze, il y en avoit pour lors près de quatre cens foixante. Cet Ordre paffa par fon moïen dans la Palestine où il eut les Monafteres de la vallée de Jofaphat & du Mont-Thabor. Il en eut auffi un dans un des Fauxbourgs de Conftantinople. Plus de trois cens Eglifes, Colleges & Monafteres y furent foûmis. Cet Abbé fit plufieurs voiages en Efpagne & en Angleterre, pour les affaires de fon Ordre. Ilaffifta au Concile de Pife, & combattit les erreurs de Pierre de Bruïs chef des Petrobrufiens qui vers l'an 1126. s'étant répandus dans la Provence, le Languedoc & la Gafcogne, foûtenoient entr'autres erreurs, que le Baptême étoit inutile aux enfans avant l'âge de puberté, qu'il falloit abbattre les Eglifes, que le facrifice de la Meffe ne fervoit de rien, que la priere des vivans ne foulageoit point les morts, & fur tout que l'on devoit avoir les Croix en abomination, à cause à caufe que Notre Seigneur y avoit été ignominieusement attaché. En effet ce

Pierre

T.V.P.200

Ancien Benedictin de Cluni

habit de ville

en 28

CLUNI.

Pierre de Bruïs en brûla un grand nombre le jour du Ven- ORDRE DE dredi faint, & avec ce feu fit bouillir des marmites pleines de viande dont il mangea publiquement, conviant les pauvres d'en faire de même. Pierre le Venerable pourfuivit de près ce chef des Heretiques, qui fut brûlé vif dans la ville de faint Gilles, auffi bien que fon Difciple Henri, Moine de Toulouse qui vers l'an 1147. prêcha les mêmes erreurs, que Pierre le Venerable refuta très folidement un Traité qui fe trouve dans fes Ouvrages. Enfin après avoir beaucoup travaillé à l'agrandiffement de fon Ordre, & à y établir une bonne difcipline, il mourut l'an 1157.

par

Les Statuts que ce faint Abbé dressa pour le gouvernement de l'Ordre de Cluni, contiennent foixante & feize Articles ou Chapitres, & à chaque article il rend compte des raifons qu'il a eues de faire les Reglemens qui y font portés. Par exemple il défend que l'on mange à l'avenir de la graiffe le Vendredi, excepté le jour de Noël. La raifon qu'il en donne, c'est que non feulement les Clercs, les Laïques, les enfans, & même les infirmes dans l'Eglife Romaine s'abftenoient ce jour là de manger de la viande à caufe que JesusChrist a fouffert la mort pour nous à pareil jour, qu'il n'y avoit que les feuls Religieux qui mélaffent de la graiffe dans les legumes & les autres mets; mais que cela paroiffoit fi déraisonnable à tout le monde, que les pauvres même, à qui l'on donnoit les reftes de ce qui avoit été servi au refectoire, refervoient au lendemain à les manger, ou les jettoient avec indignation. Ce qui fait voir que du tems de Pierre le Venerable on mangeoit encore de la graiffe le Vendredi dans les Monasteres de la dépendance de Clani.

Il défendit encore aux Religieux de manger de la viande: mais l'ufage d'en manger (même les Samedis) s'introduifit bien-tôt dans cet Ordre,puifque par les Statuts d'Hugues V. qui furent dreffés l'an 1204. il est défendu d'en manger le Mercredi & le Samedi,excepté aux malades & aux infirmes, à caufe que les feculiers s'abftenoient même d'en manger ces jours là. Cette défense d'en manger les Mercredis & les Samedis fut renouvellée par l'Abbé Henri I. qui fut élu lan 1308. car par les Statuts qu'il dreffa, il défendit non feulement de manger de la viande le Mercredi & le Samedi ; mais encore pendant l'Avent, dans la Septuagefime & aux

Tome V.

Cc

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