Les Congregations Religieuses & les Ordres Mili taires qui suivent la Reglede saint Benoît. CHAPITRE PREMIER. Vie de S. Benoît Abbé, Patriarche des Moines d'Occident. a 'O Nne sçauroit trop donner de louanges à trie&d'avoir abandonné plusieursHeresies, А que dans BENOIT. a VIE DE S. glise pendant un long-tems un grand nombre de Papes, de Cardinaux, d'Archevêques & d'Evêques, & qui a produit que pour marquer mysterieusement les benedictions celestes dont il devoit être comblé. Ses parens l'aïant envoïé à Rome pour y étudier , il ap- . તે ز coup de a même l'habit de Religion & lui rendit depuis tous les bons Vie de s. où saint Romain lui defcendoit de tems en tems par une corde quelques morceaux de pain qu'il se retranchoit à lui-même, lorsqu'il prenoit fes repas , y attachant une clochette pour avertir le Saint de les venir prendre. Mais l'ennemi commun ne pouvant supporter l'austerité de l'un,ni la charité de l'autre ; voïant un jour que Romain defcendoit la corde avec le pain qui y étoit lié, cassa d'un у pierre cette petite clochette , que l'on montre encore aujourd'hui , liée tout au tour avec des cercles d'or dans le Trésor du Monastere que l'on a bâti en ce lieu. La malice du demon n'empêcha pourtant pas Romain de continuer à secourir le Saint par des voïes plus commodes & plus feures ,jusques à ce qu'il plûr à Dieu de descouvrir au monde la sainteté de fon serviceur Un jour de Pâques qu'il souffroit une faim extrême, Dieur revela à un saint Prêtrele besoin de son ferviteur, & lui infpira de l'aller secourir. Quelque tems après des Bergers 'apperçurent de loin & en eurent même de la fraïeur , ne pouvant pas s'imaginer qu'un homne pût faire sa demeure dans ces rochers. Comme il étoit vêtu de peaux, ils crurent d'abord que c'étoit une bête;mais ils reconnurent bientôt que c'étoit un serviteur de Dieur. Plusieurs en furent fi touchés qu'ils se convertirent, & au lieu qu'auparavant ils me vivoient eux-mêmes que comme des bêtes, ils commencerent à devenir des personnes spirituelles. Tout caché qu'il étoit dans ce Désert, il fut neanmoins attaqué par la tentation. La pensée d'une femme qu'il avoit veuë à Rome,s'imprima si vivement dans son esprit & le sollicita si fortement au peché, que pour s'en defendre il fut contraint de se rouller tout nud dans des épines que l'on voit encore dans cette Solitude,& sur lesquelles faint François,allant visiter ce faine lieu par un esprit de devotion, greffa des rofiers qui donnent encore tous les ans de très belles roses. L'éclat de fa fainteté qui commençoit à fe repandreau de . BENOIT. VIE DE S. hors, l'aïant fait connoître aux Religieux du Monastere de Vicouare entre Sublac & Tivoli,ils souhaiterent ardemment de l'avoir pour Abbé. Ils le presserent avec tant d'instances; qu'il y consentit ; mais comme ils étoient accoûtumés au lia bertinage , & qu'ils ne purent supporter la force de ses remontrances , ils se repentirent bien-tôt de leur choix ; quelques-uns même d'entre eux se laisserent tellement emporter à leur passion, qu'ils resolurent de l'empoisonner. Ils mêlerenc donc du poison dans du yin,& le faint Abbé étant à table, ils lui presenterent ce breuvage pour le benir, suivant la coûtu. me de leur Monastere ; mais ce Saint aïant fait le signe de la croix , le verre se cassa aussi-tôt,& lui fit connoître par là ce qu'il contenoit. Il leur en fit une remontrance charitable,& les quitta ensuite comme des personnes incapables de profiter de ses soins. Ce Monastere fut ruiné dans la suite ; mais les Religieux de l'Ordre de saint François en ont fait bâtir un autre sur ses ruines , où ils ont toûjours conservé la cellule de saint Benoît , & celles des Religieux qui se trou. vent taillées dans le roc,comme on le peut voir dans la figure qu'en ont donnée le P. Dom Bernard de Montfaucon dans son Journal d'Italie, & le P. Dom Jean Mabillon dans ses Annales Benedictines, Notre Saint retourna dans sa premiere Solituļe qui devine bien-tôt un lieu très habité ; car ses vertus & ses miracles lui attirerent sans cesfe des visites,& plusieurs personnes le conjurant d'être leur conducteur dans la yoïe du falur : il fut obligé de les recevoir pour disciples,& de bâtir douzeMonasteres à Sublac. Ces Monasteres furent celui de la sainte Grotte; de saint Cosme & de saint Damien ; à present sainte Scholastique;de saint Ange après le Lac;de fainte Marie, à present saint Laurent;de faint Jerôme;de S. Jean-Baptiste, à present saint Jean-des-Eaux; de saint Clement par de-là le lac;de S. Blaise, aujourd'hui saint Romain ; de S. Michel Archange au dessus de la Grotte; de S. Victorin au pied du mont Porcaire;de S. André;& de la vie Eternelle,à present le Val saint: mais tous ces Monasteres , fi-on en excepte les deux premiers, sont à present reduits en simples Oratoires ou Chapelles ou du moins tellement ruinés, qu'il n'en reste plus que les quatre murailles. Saint Benoît mit en chacun de ces Monasteres douze Religieux avec un Superieur, sur lesquels il conserva toûjours une entiere autorité, allant de tems en Vir nes, tems, comme General de tous ces Monasteres, exciter les Bi Nuit. Religieux à une plus haute pieté, fortifier les foibles,animer les lắches , exhorter les imparfaits , solltenir les fermes , n’aïant point d'autre occupation que de les convaincre de la necessité de la penitence & de l'importance du salut. Dans le partage cependant qu'il fit de tous ses Disciples dans ces differens Monasteres, il en retint auprès de lui quelques-uns, qu'il jugea avoir encore besoin de sa presence pour être mieux formés à la perfection. Les deux plus illustres qui se soầmirent à lui,furent Maur & Placide; se premier fils d’Equice, & le second de Tertule, tous deux Senateurs Romains , qui les amenerent eux-mêmes à saint Benoît pour les former à la pieté. Placide , que S. Gregoire appelle un enfant, quoiqu'il eût déja quinze ans , tomba dans un lac,où il voulut puiser de l'eau : le Saint,quoi qu'absent, connut par revelation le peril où il étoit , & commanda à Maur de l'aller secourir. Maur plein d'obéissance executa ses ordres’ avec tant de ferveur ; qu'il ne s'apperçut point d'avoir marché sur l'eau, que quand il en eut tiré Placide, & qu'il lui eut sauvé la vie. Cet accident de Maur fait juger que saint Benoît ne faisoit point sa demeure ordinaire, comme quelques-uns ont dit, dans le Monastere de la sainte Grotte, qui est fort éloigné du lac ; mais dans celui de faince Scholastique qui en est voisin. Florent , Prêtre très indigne de son caractere, aïant attaqué la réputation du Saint par une infinité de médisances & de calomnies atroces,aïant tâché de corrompre la chasteté de fes Religieux, en faisant entrer sept filles toutes nuës dans le jardin de son Monastere , & lui aïant même envoïé un pain empoisonné ; saint Benoîc resolut de ceder à l'envie de ce méchant homme, fe retira de Sublac , & fut conduit au Mont-Cassin par deux Anges sous la forme de deux jeunes hommes , qui le mirent en possession de ce lieu , où l'on adoroit encore Apollon. Il fut indigné de voir ces restes de l'idolâtrie : il travailla promptement à les abolir & à éclairer les peuples du voisinage de la lumiere de la foy;& aprés avoir brisé l'İdole,renversé son Autel,& brûléles bois superstitieux qui lui étoient consacrés , il fit construire une Chapelle en l'honneur de saint Martin, dans le Temple même d'Apollon, |