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MONAS- fainteté des religieux qui y ont demeuré, comme S. Athanafe TERES DES de Sinaï, & S. Jean Climaque qui y a compofé fon échelle MOINES fainte. Ileft au bas de la montagne où l'on montoit autrefois GRECS. depuis le pied jufqu'au fommet par quatorze cens degrés qu'on prétend avoir été faits par ordre de l'imperatrice fainte Helene, & dont on voit encore les veftiges. Ce Couvent est un grand bâtiment de figure quarrée, entouré de murailles de cinquante pieds de hauteur. Elles n'ont qu'une porte qui eft même bouchée pour en defendre l'entrée aux Arabes; & du côté de l'Orient, il y a une fenêtre par où ceux de dedans tirent les Pelerins avec une corbeille qu'ils descendent au bout d'une corde paffée dans une poulie; & par cette fenêtre & cette même corde, ils envoyent à manger aux Ara. bes. Il y a plufieurs granges ou metairies dans plufieurs endroits de la Chrétienté qui appartiennent à ce Monaftere. Il y en a une entre les autres à Meffine,nommée fainte Catherine des Grecs,qui a titre de prieuré & où refide un prieur avec quelques religieux qui y font envoyés par l'Abbé du MontSinaï. Ils y officient felon le rit grec d'Orient; mais quand ils arrivent, il faut qu'ils renoncent à leurs erreurs, & faffent profeffion de la foi Catholique.

Quoique la ville de Torre fituée fur le bord de la merrouge, paroiffe voisine du Mont-Sinaï, d'où l'on la découvre; elle en eft neanmoins éloignée de cinquante milles. Les Moines Grecs y ont auffi un Couvent dedié à fainte Catherine & à l'apparition de Dieu à Moïfe dans le buiffon ardent. Ils ont fait depuis long-tems un jardin fort spacieux à demie lieue de cette ville dans un lieu lieu que l'écriture appelle Elim, & où elle marque qu'il y avoit foixante & dix Palmiers, & douze Fontaines ameres que Moïfe rendit doucés en y jettant un morceau de bois quand les Ifraëlites y pafferent. Il y a prefentement plus de deux mille Palmiers. Les douze fources qui y étoient du tems de Moïfe fe voyent encore dans ce lieu, la plupart étant dans l'enclos du jardin, & elles ont repris leur premiere amertume, elles font chaudes, & il y en a une où l'on fe baigne : les Arabes l'appellent : Haman-Moufa, c'est-à-dire Bain de Moïfe. Les religieux retirent quelque revenu du grand nombre de Palmiers qui font dans ce jardin, ils produifent les dattes les plus douces de la contrée, & on n'en voit aucun des foixante & dix dont l'écriture-fainte rend témoignage.

Dans la Palestine à quatre ou cinq lieues de Jerufalem & à MONAStrois de Bethleem ; il y a le Monaftere de S. Sabas fitué dans TERES DES un lieu defert & le plus fterile qu'on fe puiffe imaginer, quoi. MOINES GRECS. que du tems de ce faint Abbé il y eût en même tems une grande multitude de Moines qui fe retiroient & vivoient dans des laures, dont la plûpart étoient des cavernes & des tanieres qui fe voïent au tour de ce Monaftere dans la pente d'une longue & rude montagne, au pied de laquelle paffe le torrent de Cedron. Prefentement le nombre de ces religieux eft reduit à quinze qui fuivent la regle de faint Bafile & demeurent dans ce Monaftere, dont l'église est belle, devote & fort bien entretenue, par le moyen des aumônes que les Grecs y envoïent. La porte du couvent est toute couverte de peaux de crocodiles, de peur que les Arabes n'y mettent le feu, ou ne la rompent à coups de pierres. A trois cens pas de l'église, il y a une tour feparée du couvent par un profond précipice. Cette tour a douze toifes en quarré & dix de hau teur, y ayant à trois toifes de terre une petite fenêtre pour paffer un homme. Il y a toujours un religieux qui demeure en ce lieu, vivant comme un reclus. Le P. Eugene Roger Recollet,dans fon voyage de la Terre-Sainte,dit que lorsqu'il y fut, il y avoit un Frere laïc qui demeuroit dans cette tour depuis vingt-deux ans, & ne defcendoit que trois fois l'an à Noël, à Pâques, & au jour de faint Sabas, pour recevoir les Sacremens, & remontoit enfuite dans fa tour, où les religieux lui donnoient fa nourriture dans un panier, quil tiroit avec une corde attachée d'un côté à cette tour & de l'autre au dôme de l'églife, où font auffi attachées deux fonetes que le religieux qui demeure en cette tour fonne pour avertir les religieux,lorfqu'il voit approcher les Arabes, ou des lions, des tigres & autres bêtes feroces. Les autres couvents que les Moines Grecs ont en Afie, font peu confide rables.

Ils en ont un plus grand nombre en Europe. Nous commencerons par ceux qui font fur le Mont-Himette dans l'Attique, d'où l'on découvre non feulement toute l'Attique, mais auffi une grande partie de l'Archipel & de la Morée, l'Iftme de Corinthe,& Negrepont de l'autre côté jufqu'à l'Euripe, & qui n'eft éloignée d'Athenes que de quatre lieues. Les Moines Grecs y ont deux Monafteres, dont l'un s'appelle Hagia

MONAS-Faniho-Charias, & l'autre Agios-Kyriani, ce dernier eft affez TERES DES bien bâti pour le pays. Il ne paye qu'un fequin ou piece d'or MOINES qui vaut deux écus & demi, pour tribut. Cela vient de ce

GRECS.

que,

lorfque Mahomet II. prit Athenes, ce fut l'égumene ou abbé ď’Agios-Kyriani, qui lui porta les clefs de la ville, & la joie que cet empereur en eut, lui fit impofer à cette maifon un tribut fi mediocre. On trouve encore fur cette montagne un autre Monaftere abandonné & on dit que les Italiens y avoient autrefois une églife commune avec les Grecs, appellée Agios Giorgios-ho-Koutclas. Ils ont auffi quelques Monafteres à Athenes.

A Pendeli ou Penteli, autre montagne de l'Attique dans le voifinage d'Athenes, il y a un Monaftere au pied de cette montagne dont il porte le nom. C'est un des plus celebres de la Grece, & il y a ordinairement plus de cent religieux qui payent tous les ans de Carach ou de tribut fix mille livres pefant de miel, pour la mofquée neuve que la Sultane mere de l'empereur Mahomet IV. a fait bâtir à Conftantinople, & ils font encore obligés d'en fournir autant à raifon de cinq piaftres le quintal. Ils ont rarement moins de cinq mille effains d'abeilles, outre beaucoup de terres labourables, des troupeaux de brebis & autre bétail, avec de grands vignobles & quantité d'oliviers. La fituation de ce Monaftere eft fort agreable pendant l'été, à caufe qu'elle eft entre les croupes de la montagne, d'où fortent plufieurs ruiffeaux qui se rendent dans des refervoirs pour conferver du poiffon, & pour faire tourner leurs moulins. Ils ont une affez belle bibliotheque dont la plupart des livres font manufcrits, ils confiftent en un grand nombre de volumes de Peres Grecs.

A Naxe ifle de la Mer-Egée ils y ont plufieurs Monafteres, dont l'un des principaux appellé Fanaromeni, eft dedié à la fainte Vierge, à caufe d'un tableau où elle eft representée, & qu'on trouva en ce lieu-là. Ce Monaftere eft bâti depuis peu de tems. Il y a foixante-dix chambres,fans celles qui font fous terre. L'églife eft petite, mais bien bâtie, & elle n'eft deflervie que par dix Moines qui font fort ignorans.

A Paros autreifle de la Mer-Egée l'une des Cyclades, les Moines Grecs y ont fix ou fept Monafteres qui font fort beaux où ils vivent fort commodement. Celui qui eft dans la ville de Kefulo eft dedié à faint Antoine, Il y a ordinairement

MONAS

GRECS

douze religieux qui font gouvernés par un abbé Celui de Calimache,l'un des principaux villages de l'ifle de TERES DES Chio, qui eft encore une ifle de la Mer-Egée, eft très-confi- MOINES derable. Il est situé parmi les forêts & les rochers;on le nomme Niamogni, qui veut dire feule Vierge. L'églife eft grande & belle. Elle fût bâtie à l'occafion d'une image de la fainte Vierge trouvée miraculeufement fur un arbre, demeuré feul de plufieurs aufquels on avoit mis le feu. Conftantin Monomaque empereur de Conftantinople,averti de ce miracle,fit vœu de bâtir une église en ce lieu-là,s'il remontoit fur le trône d'où il avoit été chaffée, ce qu'il executa l'an 1050. Elle eft ornée de quantité de pieces de marbre & de porphyre qu'il y fit porter de Conftantinople, entr'autres de trente-deux colomnes de marbre. Le dome eft tout revêtu de peintures à la mofaïque. Cette église est fi bien entretenue,qu'elle femble toute neuve. Derrière le grand autel, on voit l'image miraculeuse peinte fur bois, & le lieu où étoit planté l'arbre qui la portoit. Ce lieu eft enfermé dans l'églife. Le couvent eft fort grand & bâti en maniere de château. Les femmes n'y entrent point, & il ya ordinairement deux cens caloyers gouvernés par un abbé. Ils ne paffent point ce nombre, & quand il y a des places vacantes, ceux qui les veulent remplir payent cent piastres; & portent tout leur bien au couvent où ils en jouiffent toute leur vie, fans en pouvoir donner que le tiers, encore faut-il que cette donation fe fafle à quelque parent ou à quelque ami qui fe faffe caloyer, deforte que le couvent ne perd rien du fond. Il fournit tous les jours à chacun des caloyers du pain noir, d'affez mauvais vin, & du fromage pouri, c'est à eux à fe pourvoir pour le refte. Ils ne mangent ensemble dans le refectoire que les Dimanches, & les grandes fêtes. Le revenu du couvent eft de plus de foixante mille piaftres,dont ils payent tous les ans cinq cens au grand-feigneur. Ils ont auffi d'autres couvents dans la même ifle, mais peu confi

derables.

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Dans l'ifle d'Andra, anciennement Andros proche des villages d'Arni & d'Armolacos, il y a un couvent de cent Caloyers appellé Tagia. Il est bâti en forme de fortereffe, & a une église très bien ornée, quoique petite. Ces Moines donnent à manger aux étrangers pendant tout le tems qu'ils demeurent-là; & quand ils s'en vont ils leur fourniffent de quoi

MONAS- retourner, ce qu'ils font facilement à caufe des grands revenus TERES DES dont ils jouiffent. Ils ont encore dans cette ifle qui eft la plus MOINES fertile de tout l'Archipel, fix auttes petits Monasteres.

GRECS.

A Patras ville de Peloponefe, ils ont auffi un couvent. Et fur le chemin de cette ville à Glycana, eft le Monastere de Hierocomium, où il y a environ douze Caloyers & une église dediée à la Panagia, c'est-à-dire à la fainte Vierge. Elle eft batie à la grecque avec quelques petites colomnes d'ordre ionique, tirées des débris de la fortereffe d'Acaya qui étoit à dix milles de Patras, comme il paroît par une pancarte de ce

Couvent.

Il y a dans Amourgo, l'une des ifles Sporades, deux chofes curieuses à voir; l'une eft le Monaftere de Notre-Dame des Caloyers Grecs. Il eft pratiqué dans une caverne large & profonde,fur le panchant d'une montagne très-haute,du côté du levant. On n'y peut aller que par un fentier fort étroit dans le roc, & pour entrer dans le Monaftere, il faut monter une échelle de quinze ou vingt échelons. Au haut de cette échelle on trouve une petite porte de fer qui eft la feule entrée. L'églife, le refectoire, & les cellules des Religieux qui vivent en communauté, & qui font au nombre de cent dans cette grotte, font prefque toutes creufées dans le roc avec un artifice admirable. L'autre chofe remarquable dans cette isle qui a une fingularité furprenante, c'est l'Urne de faint George. Al'entrée de l'églife de ce Saint, on voit un gros marbre, enfoncé en terre, creufé & poli en dedans, a peu près en forme de ruche. Cette concavité se remplit d'eau, & fe vuide d'elle-même sans que l'on puiffe fçavoir ce qui donne à l'eau ce mouvement, & par où elle peut paffer, le marbre étant très-épais, & fi poli par dedans, avec une fi grande continuité de parties, qu'on n'y apperçoit pas la moindre interruption ni le moindre petit trou: outre que l'ouverture eft toujours bien fermée à la clef. Ce qui furprend davantage, c'est que dans l'efpace d'une heure, l'Urne fe remplit & fe vuide vifiblement plufieurs fois. On la voit fi pleine en un moment, que l'eau regorge deffus ; & elle devient fi feche un moment après, qu'il ne paroît pas qu'il y ait eu de l'eau. Les Grecs du pays qui ont un voyage à faire,ont la fuperftition de venir confulter l'Urne avant leur depart. Si l'eau y monte, le fuccès en doit être heureux. Si au contraire l'Urne eft feche & que

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