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que seulement que l'Auteur de l'Epistre à Diognette a pretendu dire que les Chreftiens en general n'affectoient rien de particulier qui fuft remarquable.

Mais qu'estoit-il necessaire d'y faire une description de la vie Monaftique? cet Auteur parloit à un Païen qu'il vouloit convertir à la foi; c'est pourquoi il lui faifoit seulement une description de la vie & des mœurs des Chreftiens en general; & s'il avoit voulu lui perfuader d'embraffer la vie Monaftique ou Afcetique, il n'auroit pas manqué de lui en parler. Puisque M. B *** nous cite un ouvrage faufsement attribué à saint Justin, felon quelques-uns, ou au moins douteux selon d'autres, nous lui citerons aussi un autre ouvrage faussement attribué à ce faint Martyr, où il est parlé positivement de la vie Afcetique, & de ceux qui fe retiroient dans la folitude; ce sont ses réponses aux demandes des Orthodoxes queft. 19.& nous pourrions en mesme tems lui citer la Lettre à Zena & à Serenus, qui eft encore faussement attribuée à faint Justin par plusieurs Sçavans, & reconnuë neanmoins veritablement de lui par Abraham Scultet, escrivain Protestant, quoiqu'elle contienne quantité de preceptes qui concernent plustost des Moines Cœnobites, que de simples ChreAiens.

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42.

Tertul.

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Quant à Tertullien, que M. B*** pretend luy estre si fa- Apolog. cap. vorable, c'est que ce Pere refpondant aux reproches que les Païens faisoient aux fidelles, de ce qu'ils s'éloignoient du commerce du monde, il avoue qu'ils ne se trouvoient ni aux spectacles publics, ni aux temples des faux dieux, ni à aucunes autres pareilles ceremonies qu'il soustient que pour tout le reste, ils suivoient exterieurement le mesme train de vie que les autres: Ejusdem habitus, ejusdemque ad vitam neceffitatis: & qu'il ajouste qu'ils ne sont point comme ces Philofophes des Indes qui habitent les bois, & qui s'exilent volontairement: Neque enim Brachmana aut Indorum Gymnosophiste Sumus sylvicole, & exules vite. Il y avoit bien de la difference entre les Therapeutes & les Brachmanes & Gymnofophiftes des Indes; car les Therapeutes avoient des habits, Philon en fait mesme la description, & ils ne vivoient pas en fauvages dans les bois comme les Gymnosophistes des Indes, qui estoient toûjours nuds, & qui ne couvroient de leur corps que ce que lat pudeur les obligeoit de cacher

Ibid.

Bellarmin,

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Nous avons déja dit que les perfecutions aïant empeché les Therapeutes de tenir des affemblés nombreuses dans leurs Semnées, ils s'estoient retirés en particulier dans leurs maifons dans les villes, ou à la campagne aux environs des villes, & qu'on leur donna le nom d'Afcetes. C'estoient ces Afcetes, successeurs des Therapeutes, qui estoient du tems de saint Justin & de Tertullien, & ce dernier faisant l'Apologie de tous les Chreftiens en general, avoit raison de dire aux Païens qui les regardoient comme gens inutiles: infructuosi in negotiu dicimur: qu'ils trafiquoient, qu'ils portoient les armes, qu'ils navigeoient, qu'ils cultivoient la terre, qu'ils se trouvoient aux foires & aux marchés avec eux, qu'ils se mesloient parmi le reste des autres hommes en exerçant les arts avec eux, qu'ils estoient habillés comme eux & n'affectoient rien de fingulier. Il ne s'agissoit donc que des Chreftiens en general, & il y auroit eu de l'imprudence à Tertullien de faire connoistre les Afcetes qui estosent cachés dans leurs retraites & dans leurs folitudes, & qui ne se mefloient point d'affaires temporelles;car pour lors les Païens auroient pû dire que c'estoient ceux-là qui efstoient des gens inutiles: infructuosi in negotiis:puisque c'est le langage des Heretiques de ce tems, qui regardent comme personnes inutiles, ceux qui se consacrent à la retraite, en renonçant volontairement à leurs biens & à leurs parens.

Il ne paroist pas que M. B*** doive tirer un si grand avantage de ces passages de faint Justin & de Tertullien, qu'il a allegués. Mais en voici encore un de saint Jean Chryfoitome, qui lui paroift le plus convainquant pour prouver qu'il n'y avoit aucun Moine, dans le premier fiécle de l'Eglife. C'est de l'homelie 25.de ce Pere sur l'Epistre de saint Paul aux Hebreux,

ou il assure positivement qu'au tems où cet Apostre l'escriMagde. burg cent. voit, il n'y avoit aucun vestige de Moines. Il y a déja long1. lib.2.1.6. tems que les Centuriateurs de Magdebourg avoient fait cette de Monach, objection: & le Cardinal Bellarmin leur avoit refpondu que faint Jean Chryfoftome parloit seulement de l'Eglise de Corinthe; puisque c'est au sujet de ces paroles de saint Paul aux Corinthiens : fi quis frater nominatur in vobis: que ce faint Pere avoit dit cela. Le P. de Montfaucon avoit aufli refpondu à M. B *** que cela ne regardoit que la Syrie où saint Jean Chryfoftome prefchoit, ou la Judée où faint Paul adressoit fa Lettre, Lettre. Mais M. B*** dans fa replique au P. de Montfaucon, prétend que faint Jean Chryfoftome s'est servi des termes les plus generaux qu'il a pû emploïer, & qu'il ne s'est pas reftraint au tems où saint Paul escrivoit, & auquel faint Marc formoit l'establissement des Monafteres. Mais que M. B*** fasse reflexion sur les autres Homelies de ce mefme Pere de l'Eglife, citées par le Cardinal Bellarmin, entr'autres l'Homelie 17. à fon Peuple, & il y verra que ce Saint qui appelloit les Moines des Philosophes, dit que Jesus-Chrift en a efté l'Inftituteur: tanti est Philofophia à Christo introducta; & dans le Traité qu'il fit contre ceux qui blasmoient la profession de la vie Monastique, il dit que les Apoftres avoient pratiqué ce que les Moines pratiquoient. Or fi faint Jean Chryfoftome croïoit que la vie Monaftique avoit esté instituée par JefusChrist, & que les Apoftres en avoient fait profession; comment auroit-il pù dire qu'il n'y avoit aucun vestige de Moines au tems de faint Paul & de faint Marc ? N'a-t-on pas lieu de croire qu'il n'entendoit parler que de l'Eglise de Corinthe, comme dit le Cardinal Bellarmin; ou de la Syrie, ou de la Judée, comme prétend le Pere de Montfaucon ?

mm po.r.

M. de Tillemont avouë qu'il y a toûjours eu dans l'Eglise De Tillem. des Afcetes qui faifoient profession d'une austerité & d'une iht. Ecretraite particuliere, les uns dans les villes, & la pluspart dans clef tome 7. les villages, ou dans des lieux qui n'en estoient pas efloignés; Page 177. & il reconnoift mesme qu'entre ces Afcetes il y en avoit qui demeuroient cinq, ou fix, ou dix au plus, dans un mesmelier, qui se soustenoient, dit-il, les uns les autres; mais fans aucune fubordination, & fans autre difcipline, que les regles generales de la crainte de Dieu; & qui ne se maintenoient ainsi qu'avec beaucoup de peine dans la pieté.

Page jo

On croiroit peut-estre qu'il n'a voulu parler de ces fortes de Communautés, qu'après la perfecution de Diocletien qui arriva l'an 303. Mais il fait affez connoistre qu'il en reconnoissoit avant cette perfecution, lorsqu'il dit qu'il faut avoüer qu'on ne trouve aucun vestige des Cocnobites dans les Auteurs des trois premiers fiécles, durant lesquels on ne voit pas qu'il y eust des Chreftiens qui fiffent profeffion d'un Estat different & plus retiré que les autres, excepté les Afcetes & les Anachoretes, qui vivoient en leur particulier, ou au moins, qui ne faifoient pas de Communautés confiderables; && l.

Ibid.

ce n'est qu'après avoir dit qu'il est difficile de croire qu'il y ait eu une fucceffion deMonasteres & de Moines dans l'Eglife, depuis saint Marc jusques à saint Antoine.

Pour moi je croy qu'il est bien plus difficile de se perfuader que pendant les trois premiers siécles de l'Eglise que tous les Chreftiens eftoient parfaitement unis : que dans ces tems heureux, où ils n'avoient tous qu'un cœur & qu'une ame, où leurs joïes & leurs afflictions estoient communes; en forte que fi quelqu'un avoit receu de Dieu quelque grace particuliere, tous y prenoient part; & fi quelqu'un estoit en penitence, tous demandoient mifericorde;où tous les Chreftiens vivoient comme parens, s'appellant peres, enfans, freres & fœurs, felon l'âge & le sexe; il est très difficile, dis-je, de croire que les Afcetes, qui embrassoient la vie Afcetique par un defir de plus grande perfection, se retirassent ensemble cinq, ou fix, ou dix au plus, pour vivre sans aucune fubordination, & ne se maintenir qu'avec beaucoup de peine dans la pieté, en vivant ainsi en

commun.

N'a-t-on pas lieu de croire que les Monafteres de ces Afcetes estoient de veritables Monasteres, les perfecutions ne permettant pas qu'ils fussent si peuplés qu'ils l'ont esté dans sa suite ? Ne trouvera-t-on pas une suite d'Afcetes & de Solitaires, en remontant depuis faint Antoine jusques à saint Marc, auquel tems tous les Therapeutes, que M. de Tillemont reconnoift avoir esté convertis par faint Marc, se retirerent dans la folitude ? & n'est-ce pas reconnoistre pour Moines ces Therapeutes, & leurs demeures pour de veritables Monafteres, lorsqu'il dit qu'il est impossible de trouver une succession de Moines & de Page 176. Monafteres depuis ce tems-là jusques à saint Antoine s puisque toute fuccession suppose un commencement ? Cependant il ne veut point reconnoistre de Monafteres avant faint Pachome, qui, à ce qu'il dit, n'a fondé les premiers que l'an 325. quoique par ce qu'il avance lui mesme, cela ne peut estre arrivé

Page 107. que l'an 340. comme nous ferons voir. Et dans un autre endroit au sujet de la fœur de saint Antoine, il dit qu'elle fe retira l'an 270. dans un Monaftere de Filles, qui est (à ce qu'il pretend) le plus ancien dont il soit fait mention dans l'Eglife. Ainfi, felon le mesme Auteur, il y auroit eu de veritables Monasteres soixante-dix ans avant faint Pachome, quoiqu'il le nie en plusieurs endroits, comme nous le prouverons dans la suite..

Page 102

Saint Athanase dans la vie de saint Antoine, aïant dit que les Monafteres n'estoient pas si frequens lorsque ce Saint seretira vers l'an 270. M. de Tillemont pretend que le mot de Monaftere en cet endroit, marquoit souvent en ce tems-là la demeure d'un seul Solitaire; d'où l'on doit conclurre qu'il s'entendoit aussi quelquefois d'un Monastere où plusieurs personnes demeuroient ensemble. En effet dans ses notes sur faint Pachome, prevoïant bien qu'on pourroit tirer cette consequence, il s'explique au sujet de ces mesmes Monasteres, en disant que par le terme de Monaftere on ne doit pas entendre une Congregation de Religieux qui vivoient ensem- Page 679. ble; mais seulement une demeure d'un petit nombre de Solitaires, souvent mesme d'un seul; & un peu plus bas au sujet de ceux de Chenobosque & de Moncose, ou Mochans, qui se soûmirent à la Regle de faint Pachome, il dit que c'estoit sans doute de cesMonafteres de huit ou de dix Religieux, qui se voïoient avant saint Pachome, & qui estoient moins des Cœnobites que des Ermites.

Il est en cela bien efloigné du sentiment de M. Bulteau, qui Bult. bijft. appelle ces Monafteres de Chenobosque & Moncose des Abbaïes, Monastia & qui, bien loin de les mettre au nombre de ceux où M. de Til-puge 830 lemont dit qu'on vivoit sans aucune fubordination, & où on ne se maintenoit qu'avec beaucoup de peine dans la pieté, prétend au contraire que ce n'estoit pas pour eftre reformés qu'ils se soûmirent à saint Pachome; car parlant de celui de Chenobosque, il dit que le venerable Eponyche qui en eftoit Abbé, l'offrit à faint Pachome, & qu'il n'avoit pas besoin de reforme, 18. cap. 5. puisqu'il estoit habité par des Religieux très anciens & très avancés dans la perfection.

d'Orient

Caff. Col.

Mais l'on pourroit demander à M. de Tillemont qu'il eust à fournir lui-mesme des preuves, comme il n'y a pas lieu de douter qu'il n'y ait pas eu plus de huit ou dix de Religieux dans ces Monafteres de Chenobosque & Moncose, & qu'ils y eftoient moins des Coœnobites que des Ermites; puisque Caffien aïant pretendu que les Cœnobites sont plus anciens que les Anachoretes, qu'ils ont commencé avant saint Paul Ermite & De Tillem. faint Antoine; & mesme qu'ils ont toûjours esté dans l'Eglife tip. pag. depuis les Apostres, M. de Tillemont veut qu'il justifie cette

pretention.

Il seroit plus aisé à Cassien de la justifier, qu'à M. de Tille

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