GRECS. MOINES veut dire, bons Anciens. Il y a de l'apparence que l'on appelloit ainsi dans les commencemens ceux qui étoient avancés en âge, & leurs fuperieurs ; & que peu à peu ce nom qui n'étoit que comme un titre d'honneur, a été donné indiferemment à ceux qui faifoient profession de la vie monastique. Ils regardent tous faint Basile pour leur pere & pour leur fondateur & ce feroit un crime parmi eux de suivre d'autre regle que celle de ce faint docteur. Comme il y a trois fortes de degrès parmi eux, des novices appellés vulgairement Archari : des profez ordinaires appellés Microchemi : & des plus parfaits appellés Megalochemi: il y a aussi trois differens habillemens pour eux; dont nous parlerons dans la suite. Ils font encore divisés en Cœnobites, Anachoretes & Reclus. Les Reclus s'enferment dans des grottes ou cavernes au fommet des montagnes, d'où ils ne sortent jamais, s'abandonnant entierement à la Providence. Ils ne vivent que des aumônes que leur envoïent les Couvents voisins, & ne mangent qu'une fois le jour des legumes bouillis dans de l'eau sans fel ni huile, & des fruits secs, avec du pain cuit sous la cendre, à la reserve des fêtes folemnelles, qu'ils font deux repas: & de tems en tems, il y a des prêtres qui les vont visiter & leur administrer les Sa cremens. Les Anachoretes se retirent de la conversation du monde, & habitent aux environs des Monasteres, dans des ermitages, où il y a quelque petit enclos qu'ils cultivent, & d'où ils ne fortent que les Fêtes & les Dimanches, pour aller au Monaftere voisin faire leurs devotions, & assister à l'Office, s'occupant le reste de la semaine à la priere & à l'oraison, faisant de grandes abstinences, & ne vivant que de leur travail. Les Cœnobites ont toutes les heures de leur office reglées depuis un office particulier qu'ils chantent à minuit, jusqu'à complies qui se disent après le soleil couché. La veille des fêtes folemnelles, ils restent au chœur jusqu'à la pointe du jour emploïant toute la nuit à reciter le pseautier, matines & laudes, & à lire des homelies: comme il est impossible que le sommeil ne les accable, il y a un religieux qui a soin de les éveil. ler, & ils font obligés d'aller faire trois genuflexions à la por. te du sanctuaire, & en s'en retournant, la reverence à droite & à gauche à leurs freres. Cet office est fort grand, il leur faut plus de fix heures durant la journée pour le pouvoir seulement lire, ce qui est MOINS cause que plusieurs s'en dispensent facilement, soit parce qu'ils GRECS. n'ont pas le tems ou la volonté d'y fatisfaire, soit parce qu'ils n'ont pas de quoi acheter les livres qui font necessaires pour rendre leur breviaire complet. Ces livres font au nombre de fix presque tous in folio, imprimés la plupart à Venise. Le premier est le Tiridion, quel'on dit en carême. Le second l'Eucologion, où sont toutes les oraisons. Le troisiéme se nomme Paraclitiki, où sont toutes les hymnes, cantiques & antiennes qu'ils disent en l'honneur de la fainte Vierge, dont ils ont un très-grand nombre. Le quatriéme est le Penticostarion ce livre contient seulement l'Office qui se dit depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte. Le cinquiéme est le Mineon, qui est l'office de chaque mois. Et le fixieme est l'Horologion, qui se doit dire tous les jours, par. ce que c'est dans ce livre que sont contenues les heures canoniales. La longueur de cet Office & le prix de ces livres, sont cause que presque tous les évêques, les prêtres & la plupart des Caloyers ne le disent jamais. Il n'y a gueres qu'à Monte-fanto ou Mont-athos, ou bien à Neamogni dans l'ifle de Chio & dans quelques couvents bien reglés, que l'on dit regulierement cet office; car tout le reste du clergé Grec prend de lui-même la dispense de ne le point dire, sans l'attendre du patriarche, à qui on ne s'avise pas même de la demander; parce que n'aiant pas lui-même le loisir de reciter un si long office, il montre aux autres l'exemple d'en retrancher une bonne partie, ou de n'en rien dire du tout. Dans les grands Monasteres les religieux se levent à minuit, comme nous avons dit, pour dire un office particulier qu'ils appellent Mefonyfticon. Cet office dure pour l'ordinaire deux heures; mais quand il arrive quelque grande fête, soit d'obligation, foit de devotion, le Mefonyfticon se change en OlyniEticon; c'est-à-dire qu'on le fait durer toute la nuit. Après le Mefonyfticon ou Office de minuit qui dure deux heures, les religieux se retirent chacun dans sa cellule juf. qu'à cinq heures qu'ils reviennent à l'église pour y dire matines & laudes avec prime, qui se chante toujours au commencement du jour. Ils disposent tellement leur office, que prime se trouve toujours au lever du soleil, ensuite de quoi GRECS. MOINES chacun se retire dans sa cellule ou à son travail, jusqu'à neuf heures, que l'on retourne à l'église pour y dire tierce, sexte & la messe; après laquelle on va au refectoire, où l'on fait la lecture pendant le dîner. Mais au sortir du repas, tantlema. tin que le foir, le cuisinier se met à genoux à la porte du refectoire; & comme s'il demandoit la recompense de ses peines ou le pardon de ses fautes, il dit de tems en tems aux religieux: Eulogite pateres: benissez moi, mes peres, & chacun d'eux le saluant, lui répond : ò Theos fincoresi, que Dieu vous beniffe; puis tous s'étant retirés à leurs chambres, ils y demeurent s'ils veulent, ou vont travailler jusqu'à quatre heures, qu'ils s'afsemblentàl'église pour dire vêpres; après quoi ils font quel. que petit exercice, & viennent fouper à fix heures. Le souper étant fini, ils rentrent a l'église pour y dire un office qu'ils nomment Apodipho, l'après soupé, qui est ce que nous appellons complies, lequel étant fini environ les huit heures du foir, chacun se retire à sa chambre pour se coucher & se relever à minuit. Tous les jours après inatines le superieur se tient à la porte de l'église où les religieux se prosternent à ses pieds pour dire leur coulpe. C'est ce qui s'observe dans les couvens bien reglés; & il y en a beaucoup plus de ceux où regne le defordre, que de ceux où l'observance reguliere est en pratique, la plupart faisant consister toute l'observance, dans les austerités & les mortifications, car ilsne mangent jamais de viande, & jeûnent trois fois la semaine, le lundi, le mercredi, & le vendredi, pendant lesquels jeûnes, & ceux de leurs carêmes, ils nemangent qu'à deux heures après midi. Ils retournent neanmoins après complies au refectoire, où on leur prefente de petits morceaux de pain dansun panier avec de l'eau; mais il n'y a ordinairement que les jeunes qui en prennent par necessité, & ils repassent à l'église pour rendre graces à Dieu & faire la priere du foir, après laquelle le superieur fait le signal, & chacun se retire en filence à sa cellule. Ils ont quatre carêmes qui leur sont communsavec le reste du peuple de leur même rit. Le plus grand & le premier, est celui de la resurrection de Notre-Seigneur qu'ils appellent la grande quarantaine, & qui dure huit semaines. Pendant la premiere ils peuvent manger du poisson, des œufs, du lait, du fromage; c'est pourquoi il nomment cette semaine la Tirini, qui fignifie fromage. Pendant les sept semaines qui suivent, ils ils ne peuvent point manger de tous ces alimens. Il y a nean- MOIN moins quelques poissons qui leur font permis comme ceux qui Gracs. n'ont point de sang, tels que font les huitres, les polypes, les petalydes, les seches, les moules, les escargots de mer, & les poissons à coquilles: il leur est aussi permis de manger de la boutargue qui est faite d'œufs sechés d'un poisson appellé Tétard ; & du caviard composé aussi d'œufs d'un autre poisson appellé Maroni qui vient de la Mer-noire. Mais le jour de l'Annonciation de Notre-Dame, pourvû que cette fête n'arrive point dans la semaine Sainte, ni le Dimanche des Rameaux, ils peuvent manger du poisson de toute forte d'espece. Ainsi leur nourriture pendant ce tems-là est de choses mal saines & de dure digestion, avec des legumes, du ris, du miel, des olives, & des herbages. A Zante la plupart des Grecs ne veulent pas même user d'huile, parce qu'elle est grasse, quoiqu'ils ne fassent pas de difficulté de manger des olives; mais en Grece il n'y a que les Religieux, les Religieuses, & quelques devots qui s'en abstiennent. Pendant ce carême les Religieux ne boivent point de vin, ou du moins n'en doivent point boi. re, excepté le Samedi & le Dimanche; & leur abstinence est si grande, que si durant le carême ils font obligés, en parlant, de nommer seulement du lait, du beure ou du fromage, ils ajoûtent toûjours la parenthese de Timitis agias faracoftis, sauf le respect du saint carême, & le peuple à leur exemple en fait autant. Le second carême est celui des SS. apôtres, qui commence huit jours après la Pentecôte sans être borné par des jours fixes; car en certaines années il dure trois semaines, & quelquefois plus long-tems. Ils boivent du vin pendant ce jeune, & mangent du poisson, mais ils s'abstiennent de laitages, & des autres choses qui ont rapport à la viande. Le troifiéme carême est celui de l'Assomption de Notre-Dame: il dure quatorze jours, pendant lesquels il ne leur est pas permis de manger du poisson, excepté le Dimanche & le jour de la Transfiguration de Notre-Seigneur. Le quatrième carême est celui que nous appellons de l'Avent, qu'ils commencent quarante jours avant Noël, & qu'ils observent de la même maniere que celui des Apôtres. Outre ces carêmes, qui comme nous avons dit, sont communs avec les seculiers, ils en ont encore trois autres, dont le premier commence avant la fête Tome I. Aa GRECS. MO INÉs de S. Dimitri, & dure vingt-fix jours. Le second est de quinze jours avant la fête de l'Exaltation de la fainte Croix ; & le troisiéme de huit jours avant la fête de S. Michel. Tous les Grecs jeûnent encore les Vendredis & les Mercredis, & quelques-uns les Lundis; mais ils ont en horreur le jeûne des Ninivites ou de Jonas, que quelques Orientaux observent,com. me nous avons dit dans les chapitres précedens. Ils le regardent comme superstitieux; c'est pourquoi pendant la semaine que les autres jeûnent, ils mangent de la viande. Lorsqu'il se présente quelqu'un pour embrasser la vie mo. nastique, on le fait poftuler quelque tems, & étant admis on le fait venir à l'église, où le superieur lui demande, si c'est de son propre mouvement qu'il vient à Jesus-Christ: s'il n'y est point contraint par la necessité: s'il renonce au monde & à tout ce qui luiappartient : s'il perseverera dansle Monaftere & dans les exercices de la vie monastique : s'il sera soûmis à ses superieurs: s'il gardera la chasteré jusqu'à la mort. Il l'exhorte de bien prendre garde aux engagemens qu'il va contracter avec Jesus-Christ; il l'avertit que les Anges font prêts de recevoir fon vœu, dont on lui demandera compte au jour du Jugement. Le poftulant ayant répondu qu'il se soumet à tout ce qu'on lui propose, le superieur dit: Notre frere N. prend le commencement du faint & monaftique habit;disons pour lui que le Seigneur lui fasse mifericorde. Les Religieux repetent toûjourspar trois fois, que le Seigneur lui fasse mifericorde. Il lui coupe les cheveux en forme de croix en commençant par le sommet de la tête; il coupe ensuite le devant, le derriere, & les côtés en disant: Notre frere N. a les cheveux coupés, au nom du Pere, du Fils, & du faint Esprit ; disons pour lui que le Seigneur lui fasse mifericorde. En lui donnant la tunique: Notre frere N. eft rem větu de la tunique de justice pour gage du saint & angelique habit; disons &c. En lui donnant le bonnet: Notre frere N. reçoit le casque sur sa tète, au nom du Pere, du Fils, & du saint Esprit ; disons pour lui &c. Voilà en quoi consiste l'habit des Religieux de la premiere classe'; & lorsqu'ils l'ont porté pendant trois ans, on leur donne l'habit des profez, que l'on nõme le petit habit, & qui se donne avec les ceremonies qui suivent. Les Religieux ayant commencé leur office, le sacristain conduit hors de l'Eglise celui qui doit prendre l'habit ; & |