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Fêtes & Dimanches, qu'il n'étoit point occupé de fon tra- FRERIS vail. Il les inftruifoit des principaux myfteres de la Foi: il CODONles encourageoit à bien entendre l'exhortation ; il tâchoit de TAILLEURS. les difpofer à la Confeffion & à la Communion, qu'il recevoit fouvent avec eux, témoignant reffentir une confolation particuliere de se voir à la table de Jefus Chrift, au milieu de ces pauvres & de ces penitens. S'il s'y rencontroit des Hérétiques, ou des pecheurs endurcis,il s'efforçoit de vaincre leur obftination, & d'amollir la dureté de leur cœur par la ferveur de ses difcours. S'il y voïoit des enfans de famille, (ce qui étoit affez frequent) des Apprentifs ou des Serviteurs débauchés & fugitifs, il les ramenoit à leurs parens ou à leurs Maîtres, dont il appaifoit le reffentiment, les exhortant à la paix & à une bonne intelligence.

Quelques perfonnes de diftinction & de pieté, fe joignirent à M. de Renti afin d'obliger le bon Henri à fe faire paffer maître Cordonnier, à quoi ils contribuerent par leurs aumônes, afin qu'aïant la permiffion de prendre plufieurs Apprentifs & Compagnons,il pût,en apprenant fa profeffion aux premiers,les élever à la pieté & à la vertu, & en faifant gagner la vie aux autres, leur enseigner la science du falut, en les exhortant de l'accompagner dans fes bonnes œuvres les Fêtes & Dimanches, de vivre dans le celibat, de s'attacher au service de Dieu & de travailler à leur avancement dans la vie spirituelle : ce qu'il executa avec zele d'abord qu'il eut obtenu permiffion d'ouvrir boutique. Il y avoit parmi les Compagnons Artifans de chaque mêtier certai nes maximes execrables & facrileges qu'on appelloit vulgairement le Compagnonage, d'autant plus dangereufes qu'elles étoient cachées fous le voile d'une pieté apparente, & qu'on pouvoit les embraffer avec une entiere affurance d'impunité, parce qu'elles étoient ignorées des Juges Ecclefiaftiques: mais en aïant été informés par le ferviteur de Dieu qui n'avoit pu les détruire par fes charitables remontrances, ils les condamnerent à fa follicitation, & deffendirent fous peine d'excommunication,les Affemblées pernicieufes de ces Compagnons. Ils les avoient transportées dans le Temple au Marais comme dans un lieu exempt de la jurifdiction de l'Archevêque; mais ils en furent chaffés par Sentence du Bailly du Temple,à la Requête du bon Henri qui obtint auffi une

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FRERES Sentence d'excommunication de l'Archevêque de Toulouse CORDON- contre ceux de fon Diocêfe qui fe laiffoient aller dans ces TAILLEURS. excès de libertinage; & il eut enfin la confolation de voir le Compagnonage entierement aboli, malgré toutes les oppofitions qu'il trouva dans cette fainte entreprise.

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Ce fut pendant le tems qu'il s'emploïoit fi utilement à détruire ces abominables Affemblées, que M. de Renti & plufieurs perfonnes de pieté,lui confeillerent d'établir une fainte Societé de gens de fa profeffion, qui en gagnant leur vie du travail de leurs mains, ferviffent Dieu, en obfervant certaines pratiques de devotion qui leur fuffent communes. Le bon Henriavoit déja sept garçons qui l'accompagnoient dans toutes fes œuvres de pieté, & demeuroient continuellement avec lui fans autre intention que celle de s'animer reciproquement à la pratique des vertus ; mais fon humilité ne lui permettoit pas de fonger à cet établissement, jufqu'à ce que Dieu voulant fe fervir de lui & de fes Compagnons pour en attirer d'autres à son service, lui donna de fi fortes infpirations de l'entreprendre principalement dans le tems de fes Oraifons, qu'il fe réfolut d'obeïr à la voix du Seigneur. Il consulta néanmoins fon Directeur & plufieurs perfonnes de science & de probité, qui tous d'un commun confentement après avoir examiné fon deffein l'approuverent,& jugerent que c'é toit la volonté de Dieu, & qu'il devoit s'y foûmettre. Il le fit enfin,aïant demandé par de ferventes prieres les fecours du Ciel pour réüffir dans cette fainte entreprise, qui commença de la maniere fuivante.

Monfieur de Renti qui prioit auffi jour & nuit pour ce fujet, vint prendre le bon Henri & fes Compagnons le jour de la Purification de la fainte Vierge de l'an 1645. & les mena chez le Curé de faint Paul, qui avec fon Vicaire tous deux Docteurs en Theologie, les aïant interrogés en préfence de M. de Renti & de quelques autres perfonnes de pieté & de condition, déclarerent que leur vocation venoit de Dieu qui vouloit être honoré & fervi par cette fainte Societé que les follicitations de tant de gens de bien les engageoient à former, afin que fuivant les maximes de l'Evangile, ils puffent renouveller l'efprit des premiers Chrétiens par la fainteté & l'innocence de leur vie. Ainfi cette Societé fut résoluë & formée l'an 1645. le jour de la Purification de

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Nôtre Dame & ils mirent en pratique la même année les FRERES Reglemens qui leur furent prefcrits par le Curé de faint Paul. On leur donna pour Protecteur M. de Renti que chacun TAILLEURS, regardoit comme l'homme le plus digne & le plus propre pour les œuvres de Dieu,& comme l'Inftituteur & le Fondateur de cette Societé conjointement avec le bon Henri. Ce pieux Gentilhomme s'emploïa avec beaucoup de zele à étendre cet Inftitut auquel il procura trois Communautés dans Paris ; mais étant mort peu de tems après, il ne lui fit pas tout le bien qu'il auroit defiré.

L'Archevêque de Paris Jean-François de Gondi, après avoir appris & confideré les fruits que cette Societé produifoit principalement à l'égard des Artifans de fon Diocêse, où elle avoit pris naiffance,& qu'elle s'étendoit dans d'autres, l'approuva & confirma les Reglemens qu'on lui avoit donnés; mais voïant que ces Freres qui n'avoient pas encore de Maison à eux étoient expofés à changer de Directeurs felon qu'ils changeoient de Paroiffe, il leur donna pour Dire &eur fpirituel un Abbé dont la vertu, la fcience & la capacité étoient connues, & qui les fuivant par tout où ils alloient demeurer, pût les maintenir toûjours dans une parfaite union d'efprit & fous une même Regle. Ce même Prélat approuva le choix qu'ils avoient fait de M. de Mesme Préfident à Mortier au Parlement de Paris pour leur Pro

tecteur.

La Societé étant ainfi formée, le Directeur, le Protecteur & les Freres déclarerent d'une commune voix pour Superieur le bon Henri, qui accoûtumé à regarder les garçons comme fes freres, continua à les traiter de même que s'il n'eût point eu cette qualité, les confiderant plûtôt comme fes maîtres, que comme fes égaux. On ne peut s'imaginer avec quel foin & quelle charité il les fervoit. Il achetoit tout lui même,il préparoit àmanger,il lavoit les écuelles,il balaïoit la maison & il n'y avoit rien de penible à quoi il ne fe crût obligé le premier. Il faifoit toûjours l'office d'Infirmier, & fa tendreffe étoit admirable dans le foulagement des malades. Nonobftant toutes fes charitables occupations & fes forties frequentes pour faire des achats, communiquer fes affaires au Protecteur, confulter le Directeur fur les graces & les infpirations qu'il recevoit du Ciel & fur ce qui regar

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FRERES doit l'état de sa conscience, il ne laissoit pas de travailler enNURS ET Core plus que pas un des freres, comme ils l'ont eux-mêmes TAILLEURS reconnu. Plufieurs garçons demanderent d'être admis dans

fa Communauté, la confiderant dans fes exercices comme une image de la primitive Eglife, & comme une idée de la vie Monaftique, par la regularité qu'on y garde, fans fortir de l'état Laïque; & d'autres demanderent feulement à y entrer, afin qu'en travaillant de leur mêtier, ils appriffent à fe fauver. Ce fuccès donnoit tant de joïe au bon Henri,qu'il ne penfoit plus qu'à joüir du fruit de ses travaux lorfque Dieu qui ne vouloit point qu'un fi bon Ouvrier demeura. oifif dans fa vigne, & qu'un fi généreux Serviteur fut inutile dans fon Eglife, lui préfenta une occafion nouvelle de travailler pour la gloire par l'établissement d'une Communauté de Tailleurs, femblable à celle des Cordonniers : ce qui arriva de la forte.

Deux ans après l'établiffement de la Communauté des Freres Cordonniers, deux Maîtres Tailleurs des plus pieux de Paris, charmés de la pieté & de la vie exemplaire de ces Freres Cordonniers, refolurent d'en établir une semblable pour les garçons de leur mêtier. Ils en choifirent quelquesuns qu'ils connoiffoient propres pour cela, & allerent tous enfemble le dernier jour du Carnaval de l'an 1647. chez le bon Henri, qu'ils trouverent occupé à fon travail avec ses freres, qui tous ensemble chantoient les louanges de Dieu, passant ainfi ce tems de débauche & de déreglement dans des occupations fi agréables à sa Majefté divine. Une conduite fi Chrêtienne confirma les Tailleurs dans la pensée: que cette Affemblée étoit une œuvre du Ciel : ils fe fentirent enflammés d'un nouveau defir d'entreprendre l'execution de leur projet qu'ils communiquerent à ce faint homme, avec lequel ils conclurent que lui, M. de Renti, & les deux Maîtres Tailleurs, iroient confulter le Curé de faint Paul & fon Vicaire : ce qui fut executé. Ces deux Docteurs aïant été d'avis que ces garçons Tailleurs vêcuffent à la maniere des Freres Condonniers, & fe miffent en Communauté : elle commença comme l'autre par fept perfonnes, le jour de fainte Pudentienne de l'an 1647. & le bon Henri leur aïant fait avoir les mêmes Obfervances & les mêmes Reglemens, les unit par les liens de la charité Chrêtienne avec les Cordon

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niers dans une même maifon, où ils pratiquoient les mêmes FRERES exercices : mais jugeant dans la fuite qu'il étoit plus à propos NIERS pour éviter l'embarras, que ces deux Communautés fuffent TAILLEURS, Téparées: il s'appliqua à former celle des Tailleurs, qui répondirent fi fidellement à fa charité, à fes ordres & à fes confeils, qu'il les mit en état de fe conduire eux mêmes : ce qui fit qu'ils le regarderent toûjours comme leur Pere, l'appellerent dans leurs affaires importantes, & demanderent tous enfemble fa benediction au dernier moment de fa vie.

Il fe forma auffi en peu de tems de pareilles Communautés de Cordonniers & de Tailleurs à Toulouse & à Soiffons, qui cauferent de nouvelles fatigues au bon Henri: car quoiqu'il fût dans un âge fort avancé, & fujet à des infirmités qui auroient dû l'obliger à prendre du repos, il entreprit à pied deux cens lieuës de chemin pour fe rendre à Toulouse, où l'appelloit une affaire importante de la Communauté, que les Freres avoient dans cette ville, & fit encore deux ou trois fois à pied le voïage de Soiffons pour l'établissement d'une autre Communauté. Enfin après avoir ainfi travaillé pour la gloire de Dieu, il fut attaqué d'une maladie de poulmon qui dura deux ou trois ans ; mais dont il fut fi violemment tourmenté pendant les fix derniers mois de fa vie, qu'il étoit contraint jour & nuit de fe tenir affis dans fon lit, où il fouffrit pendant tout ce tems-là des peines interieures qui lui étoient plus infupportables que fon mal, &dont il ne fut délivré que quelques jours avant fa mort. Elle arriva le 9. Juin 1666. après avoir reçu les Sacremens de l'Eglife, & donné la benediction à fes freres qui ne fupporterent qu'avec beaucoup de peine la perte de leur pere. Ce fut dans la Communauté des Freres Cordonniers qu'il mourut, & il fut enterré le lendemain dans le cimetiere de faint Gervais fa Paroiffe.

Il y a prefentement de ces Communautés dans plufieurs villes du Roïaume ; mais particulierement à Paris où il y en a deux de Freres Cordonniers & une de Tailleurs: les uns & les autres ont le même habillement qui confifte en un jufteau-corps,un manteau de ferge de couleur tannée & un rabat. Leurs exercices font auffi communs : ils fe levent le matin à cinq heures: ils font d'abord la priere en commun & vont enfuite au travail, pendant lequel lorfque l'horloge fonne, le Superieur prononce tout haut en langue vulgaire, une

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