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ORDRE DE tement de l'Evesque Hermogene, il fonda un magnifique S. BASILE. Monaftere proche de cette Ville: qu'aprés avoir afssemblé plu

sieurs Anacoretes, & quelques autres personnes qui renoncerent au fiecle ; il fit le premier profeffion de sa Regle entre les mains de ce Prelat, & s'engagea aux trois vœux essentiels, voulant que ses Moines fissent la mesme chose, leur perfuadant de vivre en paix & en bonne union, puisqu'ils n'avoient tous qu'une mefme fin; & qu'enfin ses propres freres, faint Naucrace, faint Gregoire de Nisse, saint Fierre de Sebaste & Paul, furent les premiers à suivre fon exemple.

Les mesmes Historiens ajoûtent encore, que l'année sui vante il se dechargea du soin de ce Monaftere & de celui que sainte Macrine sa sœur avoit fondé à fon imitation pour des Vierges, fur faint Pierre son frere qu'il établit Superieur de ces deux Monafteres, & se retira dans les Deferts de Pont appellés Cimer, où il fixa sa demeure dans un lieu appellé Matazze: que ce fut là où son fidelle ami faint Gregoire de Nazianze le vint trouver, aussi-bien que faint Amphiloque, où ils furent suivis par une infinité de personnes, qui vou lant acquerir la perfection. Evangelique, se mirent sous la direction d'un si sçavant Maistre.

Voilà de quelle maniere les Historiens de l'Ordre de faint Bafile, rapportent son origine, ce qu'il est impossible de pouvoir accorder avec les escrits du mesme S. Bafile & de fon ami faint Gregoire de Nazianze, qui ne parlent en aucune maniere des trois mille Moines que l'on pretend que faint Bafile assembla dans la Syrie proche de la Ville de Seleucobol; &

ce Saint n'a pas pû faire profession de fa Regle entre les mains D: Titlem. de l'Evefque Hermogene; puisque felon le fentiment des plus Hift. Eccle. habiles critiques, ce Prelat estoit mort dès l'an 340. ce qu'il

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est aifé de prouver, puisque l'Evesque Dianée qui fit faint Bafile Lecteur à fon retour des voïages qu'il fit pour aller voir les Solitaires, avoit déja succedé à Hermogene en 340. & qu'en qualité d'Evesque de Cefarée, il avoit assisté au Concile d'Antioche au cominencement de l'an 341.

Il n'est point vrai aussi que faint Bafile de retour de fes voïages, ait d'abord fondé un Monastere à Cefarée, ni que celui de fainte Macrine fafœur fuft proche de la mesine Ville. Ce fut dans la Province de Pont & à quelques milles de Neocefarée, qu'il jetta les fondemens de fon Ordre, où sainte Macrine Macrine avant lui avoit déja fondé un Monastere pour des ORDRE DA Vierges. Et leur frere Naucrace ne peut pas avoir esté un des S. BASILE. Disciples de ce Saint; puisqu'il estoit mort en 357. dans une Solitude de la mesme Province, où nostre Saint ne se retira que l'an 358. qui est le tems auquel on doit fixer l'etablissement de fon Ordre. Il aura de cette maniere quelques années d'antiquité de plus que les Historiens du mesme Ordre ne lui donnent; & ce que nous allons rapporter de fon origine, sera plus conforme aux escrits de ce Saint, & à ceux de faint Gregoire de Nazianze, comme M. Herman, M. de Tillemont, & d'autres Sçavans ont remarqué dans la Vie de saint Bafile qu'ils nous ont donnée.

Saint Bafile aïant pris la resolution d'embrasser la vie Monastique, resolut de se retirer dans un Defert de la Province de Pont, pour éviter le trouble & le tumulte des Villes. Il y fut attiré par la confideration de sa sœur sainte Macrine qui y demeuroit déja avec leur mere sainte Eumelie, & qui y avoit formé un Monaftere dont elle prenoit la conduite, ne recevant pas peu d'assistance de faint Pierre leur frere, qui fut depuis Evesque de Sebaste, dont la vertu rendoit déja celebres les Solitudes de Pont.

Notre saint Fondateur fut bien-tofst suivi par saint Gregoire de Nazianze, & les Deferts les plus reculés devinrent une Ville par la prefence de faint Bafile, à cause d'un grand nombre de personnes qui cherchoient à profiter de ses instructions & de ses exemples; de sorte que ces Deserts se trouvant trop resserés pour recevoir ceux qui accouroient à lui de divers endroits, il forma un Monaftere, vis-à-vis celui de sa fœur.

Saint Gregoire de Nazianze admiroit l'union & la charité mervellleuse qui lioit tous ensemble ces faints Moines; aussi bien que cette ferveur ardente avec laquelle ils s'excitoient & s'encourageoient les uns les autres à la pratique de la vertu. Ce Saint qui venoit quelquefois passer du tems dans cette Solitude avec son ami, se contentoit d'y travailler à sa sanctification propre, dans le repos qu'il y estoit venu chercher ; mais pour saint Bafile, après qu'il se fut suffisamment instruit de la verité, il alloit, dit Rufin, par les Villes & les Villages de Pont, animant par ses paroles & enflamant par ses exhortations, les habitans de ce païs, qui estoient comme dans

ORDRE DE une espece d'assoupissement & de negligence, pour les chofes 5. BASILI. qui regardoient leur salut. Il scut fi bien les éveiller & les tirer de cette negligence où ils estoient depuis long-tems, qu'il en porta plusieurs à renoncer aux foins de toutes les chofes vaines & perissables, & à s'unir ensemble pour servir Dieu. Il leur apprit à bastir des Monasteres, à y établir des Communautés, & à pratiquer tous les exercices de la vie Religieufe. Il prenoit le soin des filles auffi bien que des hommes, & il apprenoit à ces peuples grossiers comment il falloit élever des Vierges, pour les rendre de dignes épouses de Jesus-Chrift. Ainsi on vit en peu de tems changer toute la face de cette Province, qui d'un Defert sec & fterile, devint une campagne spirituelle, couverte de riches moissons & de vignes très abondantes. Presque tout le monde commença à y mener une vie pure & chaste, beaucoup de personnes renonçant au fiecle, apportoient aux pieds du Saint les biens appor qu'ils quittoient, & il prenoit le soin de les diftribuer à tous les indigens, felon le besoin que chacun en avoit.

Ce faint Fondateur, pour affeurer d'avantage la vertu & la pieté des faints Religieux qu'il formoit, leur prescrivit par efcrit l'Ordre & les Regles de ce qu'ils avoient à faire: elles sont de deux façons les unes plus étenduës, au nombre de cinquante-cinq; & les autres plus courtes; au nombre de trois cens treize. Par le discours qui precede les grandes, il paroist seulement que faint Bafile estoit chargé de l'instruction des Moines; mais par la preface des petites, il estoit chargé du miniftere de la parole de Dieu, & la préchoit au milieu du peuple dans l'Eglife; c'est-à-dire, qu'il estoit déja ou Evefque, ou au moins Prestre de Cefarée, ce qui ne peut estre arrivé qu'après l'an 361.

Son Institut se repandit bien-tost par tout l'Orient; & quoiqu'il y eust d'autres Regles, & quelques-unes mesme d'escrites, comme nous avons veu dans les Chapitres precedens, neanmoins celle de faint Basile y a tellement prevalu sur les autres, qu'elle les y a toutes obscurcies, n'y aïant que celle de ce Saint qui soit reconnuë parmy les Moines d'Orient : celle de faint Antoine n'estant pas mesie observée par ceux qui se disent de fon Ordre, qui n'en ont aucune, comme nous avons fait remarquer.

Ce ne fut pas seulement en Orient que la Regle de faint

Bafile fut reçuë; mais elle passa en Occident, auffi-tost que ORDRE DE Rufin l'eut traduite en Latin, & avant que faint Benoist eust 3. BASILE, publié la fienne, il y avoit déja des Monafteres de l'Ordre de Taint Bafile en Italie: quelques-uns ont mesme cru que faint Benoist s'y estoit soûmis; puisque par le dernier Chapitre de sa Regle où il exhorte ses Religieux à l'observer, il leur recommande celle de saint Bafile, qu'il appelle son Pere, & dont il paroist qu'il a tiré la sienne, suivant le sentiment du Cardinal de Torrecremata, lorsqu'il dit:educta eft Regula B. Benedic - In Regul. ti tanquam fluvius quidam ex fonte Religionis, ex Regula illa S. bened. toti feculo clarissima, omnium virtutum splendore ornatiffima B. Bafilii.

C'est apparemment pour ce sujet que le Pere Dom Menniti a mis dans son Calendrier des Saints de l'Ordre de faint Bafile dont nous avons parlé, saint Benoift, aussi bien que saint Romain qui lui donna l'habit de l'Ordre de saint Basile, à ce qu'il dit; mais cette melotte ou peau de brebis dont faint Benoist estoit revestu, temoigne aflez que ce n'estoit pas l'habit de l'Ordre de faint Bafile qu'il reçut des mains de faint Romain ; & il semble que le P. Menniti ait voulu avoir sa revanche, en mettant dans son Calendrier, des Saints qui n'ont jamais esté de l'Ordre de saint Bafile; comme saint Benoist, saint Romain, saint Jerofme Docteur de l'Eglife, faint Paulin Evesque de Nole, sainte Paule & fainte Marcelle veuves Romaines, & plusieurs autres ; de mesme que Tritheme & quelques Escrivains de l'Ordre de faint Benoist en ont mis beaucoup de cet Ordre, qui n'ont jamais esté Benedic

tins.

Dom Alphonse Clavel & les autres Historiens de l'Ordre de faint Bafile, pretendent que fa Regle fut approuvée par le Pape Liberius la mefme année qu'elle fut publiée & efcrite par ce Saint l'an 363. qu'elle le fut aussi par faint Damase l'an 366. & par faint Leon sur la demande de l'Empereur Marcian. Quelques-uns rapportent au long une Lettre de ce Pape qui est une reponse qu'il fait à cet Empereur qui lui avoit escrit à ce sujet. Elle est datée de Rome du treize des Calendes d'Aoust de l'an 456. sous le Consulat d'Aëtius & de Studius. On la peut voir dans Ascagne Tambourin de l'Ordre de Vallombreuse, dans la vie de S. Bafile escrite par le P. Dom Apollinaire d'Agresta, & dans quelques autres Efcri

ORDRE DE vains qu'il cite. Cette Regle a encore esté approuvée par plu S. BASILE. fieurs souverains Pontifes dans la suite des tems; & dans ces

derniers fiecles par Gregoire XIII. qui approuva l'abregé que le Cardinal Bessarion en avoit fait sous le Pontificat d'Eugene IV. & quia esté confirmé par les Papes Clement VIII. Paul V. & Alexandre VII.

Barb. de Il y a quelques Auteurs, entre les autres Barbofa, qui prefar. Ecclef. tendent aussi que faint Bafile, avant que de mourir, se vit le Pere de plus de quatre-vingts dix mille Moines, seulement en Orient, mais les Escrivains de l'Ordre de saint Bafile ne sont pas contens de ce nombre. Le P. Apollinaire d'Agresta dir qu'en y ajoustant tous les Moines de cet Ordre qui estoient repandus dans tout le reste du monde, il doit estre bien plus confiderable. Si on en faisoit neanmoins un calcul exact & qu'on en eust retranché tous ceux qui sont compris dans ce nombre, qui n'estoient pas de l'Ordre de faint Bafile; il y auroit beaucoup à diminuer, & ce nombre ne seroit pas fi exceffif. Il faut cependant avoüer que du vivant de saint Bafile, fon Ordre fit un grand progrés, & qu'il devint encore plus confiderable après sa mort. Mais cet Ordre si florissant pendant plus de trois fiecles, diminua notablement dans la fuite par l'heresie, le Schifme & le changement d'Empire.. Le plus grand orage qu'il ent à effuïer, fut fous celuy deConftantin, surnommé Copronime, l'an 741. car ce Prince s'estant. declaré ennemi mortel des saintes images, aufli-bien que Leon son pere, il commença par perfecuter les Moines de saint Bafile qu'il regardoit comme les défenseurs de la foy Orthodoxe. Il en fit mourir une grande partie, en fit mettre en prison, & en condamna plusieurs au bannissement hors de ses. Eftats; de forte que les Monafteres resterent abandonnés & depoüillés de leurs biens ; & la pluspart des Moines de saint Bafile qui font presentement en Orient, font Schifmatiques & Heretiques, comme nous verrons dans les Chapitres fui

vans.

Les Menologes des Grees font mention de dix-huit cens cinq, tant Archevesques qu'Evesques de cet Ordre Beatifiés ou reconnus pour Saints, trois mille dix Abbés, onze mille huit cens cinq Martyrs, & un nombre infini de Confefseurs & de Vierges, dont il y auroit aussi beaucoup à retrancher la pluspart n'aïant pas esté de cet Ordre. Au commencement du

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