C CHAPITRE XXV I. Des Religieuses Chanoinesses Premontrées. E ne furent pas des hommes seuls qui voulurent embrafser les Regles étroites de la perfection fous la conduite de saint Norbert, il y eut aussi un trés grand nombre de veuves & de filles qui suivirent cet exemple. Les premiers Monafteres qu'il establit estoient communs pour les personnes de lun & de l'autre sexe qui n'eftoient separés que par un mur de clôture. La Bienheureuse Ricovere femme d'un Gentil homme nommé de Clastre, fut la premiere qui reçut le Voile des mains de ce faint Fondateur, & elle fut fuivie par un fi grand nombre de personnes de son sexe, que du vivant de faint Norbert il y avoit plus de dix mille Religieuses de fon Ordre. Elles vivoient dans les commencements avec beaucoup d'austerité & gardoient un étroit filence; elles ne chantoient pas au Chœur ni à l'Eglise, mais recitoient en particulier le Pfeautier ou l'Office de la Vierge. Elles ne pouvoient pas fortir du Monaftere lorsqu'elles y estoient une fois entrées. Il ne leur estoit pas permis de parler à aucun homme, non pas mesme à leurs plus proches parens, qu'en prefence de deux Religieuses & de deux freres Convers qui devoient entendre leur entretien. On leur coupoit les cheveux jusqu'aux oreilles. Un mechant morceau détoffe noire leur servoit de voile, & leurs habits n'estoient que de laine grofsiere ou de peaux de brebis, ce qui n'empefcha pas les Bien-heureuses Anaftafie Princeffe de Pomeranie, Gertrude fille de Loüis Lantgrave de Hesse & de Turinge, Gude Comtesse d'Arnstin, Agnés Comteffe de Brienne, & plusieurs autres Dames de mesme distinction, d'embraffer cet Institut, & l'an 1219 huit foœurs fille d'un Gentil homme de Brabant nommé Reinere, prirent en mesme tems P'habit de cet Ordre dans le Monaftere de Pellebergue proche de Louvain. PREMON- : Le Bienheureux Hugues des Foflés premier Difciple de faint Spond. ann Norbert qui lui fucceda dans le gouvernement de don Ordre, Ecclef. an. voïant que cemeflange de personnes de l'un & de l'autre sexe E que ce faint Fondateur avoit non seulement establi dans le • RELIGIEUSES PREMONTRE'S. Monaftere de Premontré, mais encore dans tous les autres de l'Ordre, pouvoit nuire beaucoup à la Regularité, fit ordonner par un Decret du Chapitre General de l'an 1137. qui fut confirmé par le Pape Innocent II. que l'on ne recevroit plus à l'avenir des Religieuses dans les Monafteres d'hommes, & que celles qui y estoient déja, seroient transferées ailleurs. C'est pourquoi Barthelemy Evesque de Laon, dont nous avons déja parlé dans les Chapitres precedens, transfera celles qui estoient à Premontré au Monaftere de Fontenelle qui en estoit éloigné d'une lieuë, comme il paroist par ses Lettres de l'an 1181. Les Papes Innocent & Celestin II. Eugene III. & Adrien IV. ordonnerent que les Religieuses qui avoient esté ainsi transferées seroient entretenuës aux depens des Monasteres d'hommes dont elles estoient sorties. Mais ce grand nombre de Religieuses que nous avons dit avoir esté de plus de dix mille du vivant mesme de saint Norbert, est presentement bien diminué; de cinq cens Monasteres qu'elles ont eus, il n'en est resté que fort peti par l'avarice de plusieurs Abbés, qui retenant leurs revenus, en les unissant à leurs Abbaïes, dont ils estoient fortis, n'ont plus voulu recevoir de Religieuses dans la suite, ce qui fait qu'en France il n'y a aucun Monastere de ces Religieuses. Il n'estoit resté que celui de la Rochelle sous le nom de sainte Marguerite qui a eu le mesme fort des autres, & est maintenant occupé par les Prestres de l'Oratoire. Quelques Abbés d'Allemagne voulurent aussi les supprimer en ce païs. Dicteric Abbé de Stingade au Diocese d'Ausbourg en 1281. qui n'avoit alors que le nom de Prevost, resolut du confentement de ses Religieux de ne recevoir plus de Religieuses afin de supprimer leurs Monafteres. Conrad quatorziéne Abbé ou Prevost de Marchtal au Diocese de Constance, prit la mefme resolution en 1273. & s'engagea par ferment avec son Chapitre de n'admettre aucune fille à la Profeffion Religieuse pendant cinquante ans. Cela n'a pas empesché que la pluspart des Relegieuses d'Allemagne n'y soient toûjours demeurées, & qu'elles n'y aïent des Monasteres très considerables. Il se trouve mesme quelques Monafteres dont les Abbesses font Princesses Souveraines. Il y en a aussi plusieurs dans le Brabant, en Flandres, en Pologne, NES REGU CONIMBRE. en Boheme, où elles vivent avec édification, quoi qu'un peu de- CHANOIchuës du premier esprit de severité que faint Norbert leur Inf- LIERSDESTE tituteur leur avoit inspiré. On admire encore en elles un defin- CROIX DE teressement toûjours égal, & elles se font un point essentiel de leurs observances de ne point prendre de dot des filles qu'on reçoit dans les Monafteres, à ce que dit le P. Hugo dans la vie de faint Norbert. Dans quelques-uns de leurs Monafteres, elles portent seulement au Chœur un grand manteau, & dans quelques autres elles ont aussi une aumuce blanche sur le bras avec leur manteau. Il y a des Religieuses Premontrées en Espagne qui ont embrassé la Reforme qui a esté introduite dans cette Cyrcarie, comme nous avons dit dans le Chapitre precedent. Voiez le Paige, Biblioth. Premonst. Bolland, Tom. 1. Junii. pag. 818. & le P. Hugo, Vie de faint Norbert. HAPITRE XXVII. Des Chanoines Reguliers de sainte Croix de Conimbre en C ETTE Congregation de Chanoines Reguliers n'a pas à la verité tiré son origine de celle de saint Ruf, mais c'est fur cette Congregation qu'elle s'est entierement conformée : elle en a pris les Constitutions, les Reglemens, la forme & la maniere de gouvernement, & elle y avoit appris cette observance Reguliere dont elle a fait profession pendant un longtems, qui l'a rendu si celebre en Portugal, & dans quelques Provinces d'Espagne, avant qu'elle fust tombée dans le relâchement qui y a fait introduire une Reforme en 1527. qui l'a fait mettre au rang des Ordres les plus austeres. Cette Congregation commença l'an 1131. par le zele d'un Chanoine & Archidiacre de la Cathedrale de Conimbre nommé Tellon, qui fut aidé dans cette entreprise par onze perfonnes d'une très grande pieté qui avoient refolu de se consacrer à Dieu. Tellon nâquit à Conimbre le trois Mai de l'an 1070. son pere s'appelloit Odoart, & fa mere Eugenie, qui eftoient des personnes illuftres par leur noblesse, si on en veut croire D. Nicolas de sainte Marie Chanoine de cette Congregation, qui en a fait l'histoire. Cependant selon plusieurs Auteurs ils Tome II. |