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& fa mere eftoient des Païens qui l'éleverent dans leur fu perftition; mais dès fon enfance il témoigna tant d'oppolition à l'idolatrie, qu'aïant goûté du vin offert aux Idoles, il le rejetta à l'heure mefme ; & un jour que fes parens l'avoient mené à certains Sacrifices qu'on faifoit aux faux Dieux pour confulter leurs oracles, il donna tamt de fraïeur aux Demons, qu'ils ne voulurent jamais parler devant lui: de quoi les Sacrificateurs étonnés & irrités, s'écrierent qu'il falloit chaffer cet ennemi de leurs Dieux.

A l'âge de vingt ans il fut pris pour eftre enrollé dans l'ar mée de l'Empereur Maximin, qui fe préparoit à faire la guerre à Conftantin & à Licinius. On l'embarqua fur un Vaiffeau avec plufieurs autres, & le foir ils arriverent dans une ville, dont les habitans touchés de compaffion de la plufpart de ces Soldats qui eftoient de jeunes gens qu'on menoit à la guerre contre leur gré, leur donnerent tous les fecours dont ils avoient befoin. Pachome demanda qui estoient ces gens fi charitables. On lui répondit que c'eftoit des Chreftiens. Il demanda ce que vouloit dire ce nom, & quel Dieu ils adoroient. On lui dit qu'ils n'en reconnoiffoient point d'autres, que celui qui a fait le Ciel & la Terre, & fon Fils unique Jesus-Chrift en qui ils croïoient, & qu'ils efperoient une récompenfe en l'autre Vie pour les biens qu'ils leur faifoient. Pachome touché de ce difcours fe retira à l'écart, & élevant les yeux & les mains au Ciel, il promit à Dieu de le fervir parfaitement, & de s'attacher à fui tout le refte de sa vie, s'il lui donnoit une connoiffance de fa Divinité. Il continua fon voïage, & auffi- toft qu'il reffentoit quelque mouvement déreglé de la nature corrompuë, il avoit recours à la priere.

La guerre eftant finie & les Soldats aïant efté congediés, il retourna en Thebaïde. Il alla à l'Eglife d'un Bourg nommé Chenobofque où il fut fait Cathecumene, & peu de tems après il reçut le Baptefme. Aïant enfuite appris qu'un vieillard, nommé Palemon, fervoit Dieu dans le Defert, il alla le trouver à l'heure mefme, & frapa à la porte de fa Cellule; le Vieillard l'entrouvrit, & aïant fceu qu'il vouloit estre Solitaire, il lui dit d'un ton fevere que la vie Monaftique n'efroit pas une chofe facile: que plufieurs l'avoient embraffée, mais n'avoient pas perfeveré: qu'il ne pouvoit pas eftre re

ORDRE

S PACHOMA.

CHOME.

ORDRE gu dans fon Monaftere, à moins qu'il n'eût fait quelque pe BES PA.. nitence dans un autre ; mais qu'il confideraft qu'il ne mangeoit que du pain & du fel, & qu'il n'ufoit jamais d'huile : qu'il ne buvoit point de vin : qu'il veilloit la moitié de la nuit: qu'il l'emploïoit à méditer l'Efcriture-fainte, à pfalmodier, & qu'il la paffoit mefme quelquefois fans dormir. Ces paroles fi→ rent trembler Pachome; toutefois il s'engagea à tout avec tant de foi , que Palemon lui ouvrit la porte, & lui donna l'habit Monaftique, ce qui arriva au plus tard l'an 314.

Il demeura quelque tems avec ce faint Vieillard, travaillant à filer du poil & à en faire des Cilices pour avoir de quor nourrir les pauvres ; mais s'eftant avancé affez loin dans un canton nommé Tabenne; comme il eftoit en prieres, il entendit une voix qui lui dit : demeure ici', Pachome, & fais-y un Monaftere; car plufieurs te viendront trouver, & tu les conduiras felon la Regle que je te donnerai. Auffi-tost unAnge lui apparut & lui donna une Table où eftoit efcrite cette Regle qui y fut obfervée depuis.

Il communiqua cette Vifion à faint Palemon qui le fortifia dans ce deffein, & lui confeilla d'executer l'œuvre que Dieu lui ordonnoit d'entreprendre. Il fut mefine avec lui jufqu'à Tabenne, & ils y demeurerent quelque tems dans une petite maifon qu'ils y bastirent ensemble. Palemon retourna enfuite dans fon Ermitage, où il mourut dans une heureuse vieilleffe. Saint Pachome l'aïant cfté vifiter, il l'affista julqu'à la mort & lui donna la fepulture.

Pachome eftant retourné à Tabenne, Jean fon frere, qui s'eftoit fait Chreftien, l'y vint trouver. Ils vefcurent enfem→ ble dans une trés-grande aufterité. Ils donnoient aux pauvres le fruit de leur travail, fans rien referver pour le lendemain. Ils ne changeoient d'habits que pour la neceffité de les laver. Pachome portoit continuellement un Cilice, & ne dormoit que debout dans fa Cellule, fans s'appuïer contre la muraille. Jean eftant mort, il demeura quelque tems feul & fouffrit quantité de tentations & d'illufions du Demon. Cependant il baftiffoit un Monaftere affez fpacieux pour recevoir cette grande multitude de Moines, fuivant la promeffe qu'il avoit reccue du Ciel. Enfin le tems eftant venu qu'elle devoit s'accomplir, un Ange lui apparut une feconde fois pour l'en avertir. Il commença à recevoir ceux qui se presentoient à lui

:

CRDRE DE
S. PACHO

pour embraffer l'Etat Monaftique. Il eut bientoft jufqu'à cent
Difciples, dont les trois premiers furent Pfentaefe, Sur, & ME.
Plois. Les plus diftingués enfuite furent Pecufe, Corneille,
Paul, un autre Pachome, & Jean. Il les conduifit suivant la
Regle que l'Ange lui avoit apportée du ciel. Il eftoit permis à
chacun de manger & de jeûner felon fes forces, & on mefu-
roit le travail à proportion. Ils logeoient trois à trois, en dif-
ferentes Cellules; mais la cuifine & le refectoire eftoient en
commun. Leurs habits confiftoient en une tunique de
gros
lin faite en forme de fac, nommée Lebitonne elle n'avoit
point de manches, alloit jufqu'aux genoux, & eftoit ferréé
d'une ceinture. Ils avoient pardeffus une peau blanche cor-
roïée, d'un cuir de chevre qu'ils appelloient melottes, quoi-
que ce nom appartient plûtoft à une peau de mouton. Elle cou-
vroit les épaules depuis le cou, defcendoit par derriere jus
qu'au bas des cuiffes, leur tefte eftoit couverte d'un capucè
de laine de la maniere que les enfans de ces quartiers la le por-
toient. Il eftoit fort petit & fans poil, n'alloit que jufqu'au
haut des épaules, & eftoit garni de petites croix. Ils avoient cet
habit tant de nuit que de jour; mais venant à la Communion,
ils oftoient la melotte & la ceinture, ne gardant que la tuni-
que. Pendant le repas ils fe couvroient la tefte de leurs capu-
ces pour ne fe point voir les uns les autres, & obfervoient le
filence. Les hôtes ne mangeoient point à la Communauté, &
les Novices eftoient éprouvés pendant trois ans.

Saint Pachome animoit fes Religieux à l'obfervance de la Regle plus par fes exemples que par fes paroles. Tout le Monaftere eftoit divifé en vingt quatre troupes, dont chacune por toit le nom d'une des lettres de l'Alphabet grec avec un raport fecret de ceux qui la compofoient. Les plus fimples par exemple eftoient rangés fous l'Iota, les plus difficiles à conduire fous le Xi, afin que l'Abbé pût aifément s'informer de l'état d'un chacun dans une fi grande multitude,en interrogeant les Supe rieurs par ce langage myfterieux qui n'eftoit connu que des plus fpirituels. Enfin l'Ange qui parloit à faint Pachome, lui ordonna de faire douze Oraifons le jour,douze le foir, & douze la nuit. Il trouvoit que c'eftoit peu; mais l'Ange lui refpon, que c'eftoit afin que les foibles les puffent accomplir fans peine, & que les plus parfaits n'avoient pas befoin de cette Loy, parce qu'ils ne ceffoient de prier dans leurs Cellules

dit,

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