MOINES Outre le Caresme dont nous avons parlé qui dure cinquante ABTSSINS. jours; M. Poncet dit qu'ils en ont encore trois autres, de mefme que le reste dupeuple: sçavoir celui de saint Pierre & de faint Paul, qui dure quelquefois quarante jours & quelquefois moins, selon que la Feste de Pâques est plus ou moins avancée; celui de l'Afsomption de Notre-Dame, qui est de quinze jours; & celui de l'Advent, qui est de trois semaines. François Alvarez marque neanmoins ces Caresmes d'une autre maniere que M. Poncet. Outre le Caresme de la Resurrection de NotreSeigneur qui commence à la Sexagefime, il dit: qu'ils jeûnent depuis le Lundi de la Trinité jusqu'au jour de la Nativité de Notre-Seigneur: que depuis ce jour-là jusqu'à la Purification de Notre-Dame, ils ne jeûnent point, mais que les trois jours qui suivent cette Feste, ils ne mangent qu'une fois en ces trois jours, ce qu'ils appellent la Penitence de Ninive. Nous aimons mieux ajoûter foi à Alvarez qui estoit plus inftruit que M. Poncet de ce qui regardoit la Religion & les mœurs des Ethiopiens. Dans tous ces Caresmes on ne se sert ni d'œufs, ni debeure, ni de fromage; on jeûne avec la mefme rigueur tous les Vendredis de l'année. On ne difpenfe perfonne du jeûne, les jeunes gens, les vieillards, & mesme les malades y font obligés.. 1 Mais avec tant d'austerités & de mortifications, ces Religieux sont si attachés à leurs erreurs, qu'ils n'ecoutent point les Missionnaires qui vont chez eux pour les faire rentrer au fein de l'Eglife. Ils se font toûjours oppofés à leurs bons deffeins en empefchant que les peuples ne se convertissent. Ils leur inspirent tant d'aversion pour les Européens qui font blancs par rapport à eux, qu'ils leur font mépriser, & mefme haïr tout ce qui est blanc; c'est pourquoi s'ils reprefentent faint Michel terrassant le Diable, faint Michel est de couleur olivâtre qui est celle des Abyssins, & le Diable eft blanc. Le Pape Clement VII. afin d'attirer ces Peuples à la Foi OrAbb azt thodoxe & les ramener au sein de l'Eglife, leur accorda en 1525. l'Eglise de saint Estienne qu'on nomme des Indiens ou des Maures, à costé de laquelle il y a un Hôpital, où ceux qui viennent à Rome font logés & entretenus aux dépens du PaIbid. Tratt. pe. Gregoire XIII. ordonna que lorsqu'il y auroit des Abys-sins à Rome on leur fourniroit du Palais tout ce qui leur fe-roit neceffaire. Innocent XII. imitant la pieté de ses Frede- za, per. pie di Roma Trett 24 eap. 3.. 11. cap. 3. MILITAI cesseurs, a eftabli un fond de cinquante mille écus Romains ORDRE de revenu pour envoïer des Missionnaires en Ethiopie & dans RE DE S. les autres Provinces de l'Afrique. ANTOINE PLE. Ils ont une Chapelle à Jerufalem dans l'Eglise du faint Sepul- ENETHIO cre où ils font l'Office suivant leur Rit;& felon les Relations de plufieurs voïageurs, ils le font avec tant d'indevotion & d'irreverence, qu'ils s'attirent le mepris de tous les Etrangers. Mais comme il y a peu de voïageurs qui s'accordent ensemble, M. Poncet parlant de leurs ceremonies de la Messe, dit qu'elles font majestueuses. Il y avoit autrefois plufieurs Moines Ethiopiens qui alloient tous les ans en grand nombre en pelerinage à Jerufalem, & faifoient ensorte de s'y trouver la semaine fainte. Alvarez dit: qu'estant à Barua dans le gouvernement du Bernagas, il y eut une Caravane composée de trois cens trentefix Moines & de quinze Religieuses, qui partit pour ce voïage; mais qu'ils furent pris par les Arabes, que les vieux furent tués, les jeunes vendus pour esclaves, & qu'il n'y en eut pas plus de quinze qui se sauverent. Depuis ce tems-là ils n'ont point esté à Jerufalem en Caravane, il y en a seulement quelques-uns qui y vont comme passagers. Nous donnons l'habillement de ces Religieux & Religieuses tel que le decrivent Al varez & M. Poncet. Voïez Fran. Alvarez, Voïage d'Ethiopie. Le Gobien, Lettres édifiantes des Missions 4. Vol. Le Monde de Davity; & Morigia, Hift. de toutes les Religions.c.70. CHAPITRF XIII. De l'Ordre Militaire de saint Antoine en Ethiopie. COMME OMM E plusieurs Auteurs ont parlé d'un Ordre Militaire de faint Antoine en Ethiopie, nous ne pouvons pas nous dispenser d'en parler auffi; ce ne sera pas neanmoins pour le proposer comme un Ordre veritablement existant, mais feulement pour faire connoistre que tout ce qu'on en a avancé, n'est qu'une pure fable inventée par un certain Jean Baltafar, se disant Abyssin de nation, & Chevalier de cet Ordre; ce qui n'a pas empesché l'Abbé Giustiniani, M. Herman & Schoone beck, de parler de cet Ordre dans leurs Histoires des OrdresMilitaires, comme d'un Ordre veritable, dont ils ont accom- ORDRE pagné le recit, avec des circonstances qui servent au contraiMILITAI- re à en faire connoistre la fausseté. C'est ce que nous ferons ANTOINE remarquer après avoir parlé de la prétenduë origine de cet ENETHIO-Ordre, qu'ils ont rapportée en cette maniere.. RE DE S. Environ l'an 370. disent ces auteurs,un Empereur d'Ethiopie, quiselon quelques-uns s'appelloit Jean, & à qui les Empereurs qui lui ont fuccedé, font redevables du nom de PreteJean qu'ils portent, voulant affermir son trône & maintenir la Religion Catholique dans son Empire, institua un Ordre Militaire sous le nom de S. Antoine, pour s'opposer à la malice des Heretiques, qui tâchoient de semer par tout le venin de leurs. herefies. Il acquit en peu de tems beaucoup de luftre après la mort de fon Instituteur par les privileges que Philippes VII.. fon fils lui accorda, qui voulut aussi que la Croix qu'ils portoient fur l'eftomac, qui est bleuë & dela forme d'un T, fût ornée de fil d'or. Ce Prince ordonna encore que toutes les familles de fon Empire, dans lesquelles il se trouveroit trois garçons, feroient obligées de donner le second à la Religion : ce qui s'observoit avec tant d'exactitude, que son propre fils n'en fut pas exemt; ce qui a esté pareillement pratiqué sous ses succeffeurs; il n'y a feulement que les enfans des medecins & les habitans de l'ifle de Meroée qui ne font pas foumis à cette loi. Ces auteurs prétendent que S. Leon le Grand approuva cet Ordre, & qu'il a esté confirmé dans la suite par le Pape Pie V. par une Bulle authentique, où il lui donne beaucoup. de loüanges. La ville de Meroée, qu'on dit avoir esté bâtie par Cambises, & qui est située dans une ifle qui porte fon nom au mi lieu du Nil, est la demeure du Grand-Maistre de cet Ordre (felon ces mesmes auteurs :) le Prete-Jean Claude la donna à l'Ordre, & un autre Empereur des Abyssins, nommé Alexandre III. confirma cette donation, à condition que l'Abbé General des Religieux de S. Antoine de ce païs-la, y teroit aussi sa residence. Ce Grand-Maistre a par dessus son vestement qui lui defcend jusqu'aux genoux, & qui est brodé de fleurs d'or & de foïe, une veste ou foutanelle noire: fon manteau est bordé d'hermine comme ceux des Princes. Il a la teste couverte d'un riche capuce en broderie, semé de pierreries, & dou- |