RE DE S. ANTOINE ENETHIOPIE. Ordre pagné le recit , avec des circonstances qui servent au contrai. MILITAI-re à en faire connoître la faussere. C'eft ce que nous ferons remarquer après avoir parlé de la prétendue origine de cer Ordre , qu'ils ont rapportée en cette maniere. Environ l’an 370. difent ces auteurs, unempereur d'Ethio. pie,qui selon quelques-uns s'appelloic Jean, & à qui les empereurs qui lui ont succedé, sont redevables du nom de PrereJean qu'ils portent voulant affermir son trône & maintenir la religion Catholique dans son empire, institua un Ordre militaire sous le nom de S. Antoine, pour s'opposer à la malice des heretiques, qui tâchoient de femer par tout le venin de leurs heresies. Il acquit en peu de tems beaucoup de lustre après la mort de son instituceur par les privileges que Philippe VII. son fils lui accorda , qui voulut aulli que la croix qu'ils portoient sur l'estomac , qui est bleue & de la forme d'un T, fit ornée de fil d'or.. Ce prince ordonna encore que toutes les familles de son empire , dans lesquelles il se trouveroit trois garçons, seroient obligés de donner le second à la religion : ce qui s'obser. . : voit avec tant d'exactitude , que son propre fils n'en fut pas exemt ; ce qui a été pareillement pratiqué fous ses fuccel: seurs ; il n'y a seulement que les enfants de medecins & les habitans de l'ille de Meroće qui ne sont pas soumis à cette : loi. Ces auteurs prétendeat que S. Leon le Grand approuva cer Ordre, & qu'il a été confirmé dans la suite par le pape Pie V: par une bulle authentique, où il lui donne beaucoup de louanges. La ville de Meroée , qu'on dit avoir été bâtie par Cambifes, & qui est située dans une ifle qui porte son nom au miJieu du Nil, est la demeure du grand-maître de cet Ordre, (selon ces mêmes auteurs :) le Prere. Jean Claudela donna à l'Ordre., & un autre empereur des Abyslins , nommé Alexandre III. confirma certe donation, à condition que l'abbé general des Religieux de S. Antoine de ce pays là, y feroie ault fa residence: Ce grand - maître a par deslüs son vêrement qui lui defa cend jusqu'aux genoux, & qui est brodé de fleurs d'or & de foye, une veste ou soucauelle noire : son manteau est bordé d'hermine comme ceux des princes. Il a la tête couverte d'un richecapuce en broderie, semé de pierreries , & dou a ORDRE PIE. ble d'une belle fourure; & la marque de l'Ordre est un co. lier eorichi de pierreries, auquel pend une croix bleue fleur- Militardelisée par les bouts, & garnie au tour d'un fil d'or. C'est RE DE ANTOINE ainsi que l'abbé Giustiniani & Schoonebeck en font la de ENETHIOS scription , quoique d'autres disent que la croix est seulement pie en forme de T. avec un fil d'or. La cour de ce grand maître est pompeuse & magnifique, fon conseil est composé de douze chevaliers & de douze religieux. Si l'on en veut croire ces auteurs, tous les mois il change d'officiers , & cent commandeurs de l'Ordre & aui tant de freres servans ou de simples chevaliers , sont toujours au tour de sa personne pour lui servir de gardes. Il n'y a point de villes dans ce grand empire , où on ne voye une commanderie ou un couvent de Religieux , dont le supe: rieur porte le nom d'abbé. Ceux qui vont à la guerre font pourvus d'armes , de chevaux & de valers , qui les suiveno aux dépens de l'abbaye ; & quand ils ne peuvent plus servir la religion à cause de leurs blessures ou de leur vieillesse, ils à vont demeurer dans un couvent avec les Religieux, dont ils prennent l'habit , fans neanmoins s'assujectir à leur maniere de vivre. Ils ajoutent que certe religion possede de grands biens. Le revenu que le grand-maître tire de l'ille de Meroée , se monte à plus de deux millions , qui sont levés sur les mines d'or , d'argent, de cuivre , de fer, sur les autres marchandises, & sur les tributs qu'on fait payer aux Juifs & aux Turcs qui vont d'Afrique à la Meque ; & afin que la dignité de grand maître ne puifle jamais comber entre les mains de l'empereur ; il n'est pas permis d'en revêtir quelqu'un de fa famille, mais on la confere cour-a-tour à un Religieux & à un seculier. Le premier doit avoir été superieur ou abbé de quelque Monastere ; & le seculier doir auflir avoir été chevalier abbé de quelques-uns de ces couvents. Ils font veu , selon ces mêmes væu auteurs, de sacrifier leuri vie pour la religion Catholique, de procurer l'avancement: de l'églife Romaine , dont ces chevaliers reconnoillent (à: ce qu'ils disent ) le chef pour leur vrai & legitime pasteur d'observer les décisions du concile de Florence , tenu sous le : pape Eugene IV. de ne faire jamais la guerre aux Chrétiens, & de ne point prendre les Ordres sacrés sans une permission, S PIE. Ordre particuliere du pape. Ils s'obligent aussi de fournir à leur Militar- prince trois mille chevaliers quand il est obligé de faire la RE DE S. guerre. Enfin l'abbé Giustiniani & Schoonebeck disent, que ANTOINE ENETHIO les Ecclesiastiques & les Moines de cet Ordre sont vêtus de noir , & ont au lieu de la croix un T. d’asur ; que ces chevaliers ont plusieurs commanderies en France , en Espagne, en Italie & dans toute l'Europe, qui sont possedées par près de douze mille chevaliers ; & qu'il y a encore presentement à Vienne en Autriche un grand abbé de l'Ordre qui y reside. Voilà en abregé ce que disent les auteurs qui ont parlé de cet Ordre, & ce qui me persuade qu'il est imaginaire : car sans m'arrêter à ce que plusieurs écrivains * ont avancé pour prouver que le Prere-Jean n'a jamais regné en Ethiopie, mais bien dans l'Asie, où, selon quelques-uns, il faisoit la refidence à Tranchut; quelle apparence y a-t-il que saint Leon le Grand ait approuvé cet Ordre, &donné de grands privileges à ces chevaliers Abyssins: puisque cet empire fut d'abord infecté de l'heresie de Dioscore ; que ces peuples ont toûjours rejeté le concile de Calcedoine, où cet heresiarque fut déposé de la dignité episcopale & du sacerdoce ; & qu'ils ont toûjours dit anatheine à saint Leon, qui avoit prefidé à ce concile par ses legats ? Peut-on croire que les Re- . ligieux d'Ethiopie , si ennemis de l'église Romaine , & qui empêchent tous lesjours que les missionnaires ne fassent des conversions parmi ces hereciques ; fassent veu de fidelité & d'obéissance au S. siege Apostolique , de garder les decisions du concile de Florence, & de ne point prendre les Ordres sacrés sans la permission du pape, comme ces auteurs nous veulent persuader que font ces pretendus chevaliers & religieux de saint Antoine en Ethiopie ? & ne demeurera-t-on pas d'ac. cord que Schoonebeck & les autres, qui disent que ses chevaliers ont plusieurs commanderies en France, en Espagne, en Italie & dans toute l'Europe , & qu'il y a encore presentement un grand abbé de cet Ordre à Vienne en Autriche , se sont trompés, ayant sans doute confondu cet ordre imaginaire avec celui de faint Antoine en Viennois , dont l'abbé * Voyez la Chine illustrée du P.Kircher, Le voyage de la Chine du P. Avril. L'A. frique de Marmol. Les relatiins l'Ethiopie de Nicol. Godigno, de Baltazar Tellez, Damien Goëz. |