Moines puisque l'abbé de ce Monastere en est non seulement le suABYSSINS. perieur,mais qu'il a aussi une jurisdiction sur les autres qui en dépendent, dans lesquels il n'y a point d'abbés, mais seulement des superieurs qu'il nomme ; & cer abbé de la Vision pourroit bien être le même qui a eu autrefois fa residence au Monastere de Debra-Libanos, & ensuite à Bagendra, qu'il aurait encore transferée au Monastere de la Vilion. A l'égard des Monasteres de l'isle de S. Claude, de Ste Anne, de Tzemba , & des autres dont parle M. Poncet, qui ont chacun un abbé, ils sont sans doute de l'institut de l'abbé Eustase, pour les raisons que nous avons dites ci-dessus, en parlant de ces deux restaurateurs de la vie monastique en Ethiopie. Tous ces Moines,selon M. Ludolf, peuvent exercer des offices civils , & même avoir des gouvernemens de province, mais il n'est permis à qui que ce loit d'entr'eux, de renoncer à à la vie monastique ; & s'ils se marient, ils sont regardés comme des infames, & leurs enfans ne peuvent jamais parvenir à la clericature, n'y ayant rien tant que les Ethiopiens souhaitent avec plus de passion que d'être prêtres, afin d'avoir la vie assurée, ce qui fait qu'il y en a un si grand nombre ; en effet, Alvarez s'étonnant de l'abus que le patriarche d'Ethiopie coinmettoit, en ordonnant un sigrand nombre de prêtres; quoique parmi ces prêtres il s'en trouvât plusieurs qui étoient aveugles, d'autres qui n'avoient qu'un bras, & d'autres qui n'avoient qu'une jambe ; ce grand nombre de prêtres раroissant d'ailleurs inutile, puisque l'on ne dit qu'une Mesle par jour dans chaque église ; il en témoigna sa surprise à celui qui faisoit la fonction de grand-vicaire du patriarche: cec homme lui répondit que l'on ne les ordonnoit prêtres, qu'afin qu'ils pussent vivre des aumônes de l'Eglise, sans quoi ils ne pourroient subsister. On peut juger par la multitude des Moines de ce pays, qu'il doit y avoir aussi beaucoup de Monasteres,n'y ayant gue. res de villes où il n'y en ait plusieurs , outre ceux qui sont à la campagne & dans les bois. Les plus fameux sont premierement celui de la Vision de Jesus, celui de fainte Anne, situé sur une montagne entre Gondar & Emfras,qui est un lieu de devotion où il vient de bien loin un grand nombre de personnes en pelerinage ; celui de Tzemba sur la riviere de Reb à une demi-lieue de Gondar, qui est très-beau & très-grand , ausli-bien que celui d'Heleni, & celui d'Alleluia. Ce dernier Mo 1888 fut ainsi nommé, à ce que disent ces Moines, par celui qui ABYSSINS. en fut le premier abbé, sur le rapport d'un ermite qui étano en oraison vit en extase & entendit des Anges qui chantoient Alleluia dans ce lieu. Il y a aussi un grand nombre de Religieuses en Ethiopie qui sont pareillement habillées de toile de coton ou de peaux jaunes, & ne portent ni manteau ni capuce. Elles ont la tête rasée,autour de laquelle elles ont un bandeau de cuir large de deux doigts, qui passant pardessous le menton, se lie sur le front, & dont les deux boutspendent sur les épaules. Il y en a qui croyent que ce n'est que l'habillement des novices,& que les professes peuvent mettre un voile & un manteau.D'autres disent que cela n'est permis qu'aux vieilles:elles ne sont point renfermées dans des Monasteres ; mais elles demeurent dans les fermes & les villages qui dépendent & obéissent au Monastere où elles ont pris l'habit. Alvarez dit avoir vû quel. ques communautés de Religieuses , qui ont néanmoins la liberté de sortir de leurs maisons pour aller où bon leur semible. Il y a de ces Religieuses qui menent une vie assez reglée; у mais il y en a beaucoup qui ne croyent pas que ce soit un deshonneur pour elles d'avoir des enfans. Schoonebek met leur institution vers l'an 1325. par la venerable mere Imata ; mais c'est apparemment sur la relation du P. Louis d'Ureta de l'Ordre de S. Dominique , qui dans l'histoire qu'il a donnée d'une province supposée de son Ordre en Ethiopie , a prétendu que presque tous les Religieux de ce pays étoient de l'Ordre de S. Dominique , & que la mere. Imata fonda un Monastere du même Ordre pour des Religieuses à Bedenagli, où il n'y en eut d'abord que cinquante ; mais dont le nombre augmen, ta jusqu'à cinq mille après la mort de cette pretendue fondatrice : ce qui n'est pas moins fabuleux que ce qu'il rapporte des couvents de Plurimanos & de l'Alleluia , où il met neuf mille Religieux de son Ordre dans le premier, & sept mille dans l'autre, sans compter les domestiques qui sont au nombre de plus de trois mille dans celui de Plurimanos, comme nous dirons plus au long , en parlant de l'Ordre de S. Domi. nique dans la troisiéme partie de cette histoire. Voyez Job Ludolf , hift. Athiop. & fon Commentaire sur la mème histoire. Franc. Alvarez, son voyage en Ethiopie. Marmol, a Moines Description de l'Afrique. Louis d'Ureta , hit de la fa grada ABYSSINS. orden. de Predic. en Ethiopia. & le P. le Gobien, 4. recueil des Lettres édifiantes des Milions Etrangeres. CH A P II R E XI I. Ethiopie. E que nous avons rapporté dans les Chapitres préce- . dens des jeûnes & abstinences des Moines Maronites Armeniens, Jacobites, & Copres,est peu de chose en comparaison des jeunes & mortifications des Moines Ethiopiens,qui commencent avec les seculiers le carême de l'église universelle à la Sexagesime, & qu'ils observent très-rigoureusement , ne mangeant pendant tout le tems qu'il dure, que du pain & ne buvant que de l'eau. Il est vrai qu'ils trempent leur pain dansune espece de sauce qu'ils font avec de la graine de cauffa qui est fort cuisante à la bouche.Ils se servent encore d'une autre graine qu'ils nomment Tebba qu'ils accommodent en maniere de moutarde. Il se trouve beaucoup de cesReligieux qui par devotion ne mangent point de pain pendant tout le carême, quelques-uns même s'abstiennent d'en manger toute leur vie , & mangent seulement de l'agrinos, qui est une herbe qu'ils font cuire dans de l'eau, sans fel ni beure , & sans autre assaisonnement. Quand ils n'en peuvent pas trouver , ils usent de quelques legumes,comme feves, lentilles , & autres semblables, qu'ils font seulement amollir dans de l'eau.Quelques-uns portent un habit de cuir sans manches ayant les bras tout nuds: plusieurs ont sur leur chair une ceinture de fer large de quatre doigts, avec des pointes qui entrent bien avant dans la chair:d'autres ne s'asseoient point pendant tout le tems du carême, mais demeurent toûjours debout. Il y en a aussi qui pendant ce tems-là se vont renfermer dans des cavernes , où ils vivent d'herbes & de lentilles seulement. Il y a encore beaucoup de Religieux & de Religieuses,qui tous les Mercredis & Vendredis du carême passent la nuit dans l'eau. François Alvarez dit qu'il avoit de la peine à le croite ; mais qu'ayant écé avec plufieurs personnes sur le bord d'un lac, ils yirent qu'il y en avoit une infinité dans ce lac,& que quelques uns |