me, & par confequent avec le Christianisme; ces deux Re ligions estant alors presque les mesmes en ce qui regardoit l'exterieur. Nous voïons encore aujourd'huy des vestiges de ces observations Judaïques parmi les Coptes ou Chrestiens d'Egypte qui compofent l'Eglise d'Alexandrie, & qui ont retenu jufques à present la Circoncifion, de mesme que les Ethiopiens ou Abissins à qui ils ont communiqué leurs observances en les esclairant de la lumiere de la foi; puisque c'est par le moïen des Egyptiens que les Abissins ont esté instruits des verités Chreftiennes, & que depuis ce tems-là le Patriarche d'Alexandrie est reconnu pour Chef de l'Eglise d'Ethiopie; principalement depuis que ces deux Nations se sont soustraites de l'obeissance qu'elles devoient au Souverain Chef de l'Eglise Universelle. Mais les uns & les autres ne regardent pas la Circoncifion comme un précepte de Religion, ils ne la font pas le huitiéme jour comme les Juifs; & mefme ils ne font pas tous circoncis, ne pouvant recevoir la Circoncision après le Baptefme. Il y a quelques Sçavans Escrivains qui croïent que les Therapeutes formoient veritablement une Secte Juive qui embrassa le Chriftianisme après la predication de saint Marc dans l'Egypte. M. Baillet qui est de ce nombre, dit dans la vie de ce Saint, qu'on peut supposer qu'ils eurent beaucoup moins Vies des ss. de chemin à faire que les autres pour parvenir à la veritable 25. Avail. Religion, & qu'aïant trouvé dans la doctrine de saint Marc, Hift.Ec & dans sa conduite, un modelle de perfection beaucoup plus achevé que celui qu'ils suivoient; ils n'eurent aucune peine à l'embraffer. C'est, ajouste-t'il, tout ce qu'on a lieu de croire, de gens quifuïoient la vanité & l'orgueil comme la source des vices, qui pratiquoient la continence, qui aimoient la retraite, le filence, la priere, la meditation, l'estude des Livres saints, qui jeusnoient austerement, qui estoient unis par le lien de la charité, & qui avoient une grande conformité avec les preelef. Tom. miers Chreftiens de Jerufalem. M. l'Abbé Fleury est de mef1. pag. 174. me fentiment, & dit que faint Marc assembla à Alexandrie une nombreuse Eglise, dont il est à croire que les Juifs firent dabord la meilleure partie, principalement les Thera peutes. S'il est vray que Philon ait escrit son Livre de la Vie Contemplative, templative, aprés que faint Marc eut establi l'Eglise d'le Axandrie, & qu'il y avoit auparavant une Secte de Juifs sous le nom de Therapeutes, qui embrassa le Christianisme, & fut du nombre de ceux qui compoferent l'Eglise d'Alexandrie, Philon auroit pu faire l'eloge de ces Therapeutes, quoique Chrestiens, les croïant toûjours Juifs; puisqu'ils n'abandonnerent point les observances Judaïques, & que celles qu'ils pratiquoient n'avoient rien d'incompatible avec le Christianifme : & ainsi il n'y auroit plus lieu de s'estonner comment les Therapeutes pouvoient estre répandus en tant d'endroits, parmi les Grecs & les Barbares du tems de saint Marc; puifqu'il y en pouvoit avoir en plusieurs endroits avant que ce Saint eust formé l'Eglise d'Alexandrie, & que ceux qui de meuroient aux environs de cette Ville eussent embrassé le Christianisme. Mais c'est de quoi M. B*** ne demeurera pas non plus d'accord, puisqu'il ne peut croire qu'ils fussent Chreftiens & qu'ils pratiquassent des observations Judaïques. En neles reconnoissant point Chrestiens, il prétend avoir de son costé le plus grand nombre de Sçavans du premier ordre qui ont esté de mefme sentiment. Ces Sçavans font, Joseph Scaliger, Blondel, Saumaise, Grotius, Henry de Valois, Estienne le Moine, Cotelier, le P. Pagi, & M. Basnage, parmi lesquels il ne se trouve que trois Catholiques; les autres eftant Proteftans, qui apparemment n'ont pas voulu reconnoistre les Therapeutes pour Chreftiens, afin de ne pas accorder à l'Etat Monastique une aussi grande antiquité que celle qui lui est deuë. Mais à ce nombre de Sçavans, on peut en opposer d'autres aussi du premier ordre qui ont esté de sentiment contraire; & je ne crois pas que M B * * * refuse la qualité de Sçavans du premier ordre aux Cardinaux Bellarmin & Baronius, à M. Godeau Evesque de Vence, au P. Papebroch, à M. de Tillemont dont l'authorité seule , comme il dit à la pag. 295. de sa replique, en vaut plusieurs, & enfin au P. de Montfaucon. On peut leur oppofer ausli un Sçavant du premier ordre parmi les Proteftans, c'est Ifaac Voffius ; auquel on peut joindre d'autres Sçavans du moïen ordre qui ont esté aussi Proteftans comme Thomas Bruno, qui a fait un Traité particulier pour prouver que les Therapeutes eftoient Chreftiens; Bevereggius, & M. МасKenfie, qui dans sa deffense de l'ancienne Monarchic d'Ecoffe, Tome I. B regarde les Therapeutes non seulement comme Chreftiens, mais encore comme les premiers Anachoretes. Nous ne parle rons point de tous les autres Escrivains Catholiques, auffi du moïen ordre, qui ont esté de mesme sentiment, parce qu'ils font en trop grand nombre. Mais l'authorité d'Eufebe, de saint Jerôme, de Sozomene, de Cassien, de plusieurs PP. de l'Eglife, & de Sçavans Escrivains des premiers fiécles, doit l'emporter sur tous ces témoignages; & ainfi nous ne croïons pas pouvoir nous tromper, si, en suivant le sentiment de ceux qui ont reconnu seulement pour Chreftiens les Therapeutes, & de ceux qui, en les reconnoiffant pour Chrestiens, les ont aussi regardés comme les Instituteurs de la vie Monastique, nous faisons remonter jusques à eux fon origine & fon In-stitution. PARAGRAPHE II. Qu'il y a toûjours eu une Succeffion de Moines & de Solitaires depuis les Therapeutes jusques à Saint Antoine. Ly en a qui pretendent qu'il n'y a point eu de fucceffion: de Moines & de Solitaires depuis les Therapeutes, jusques. au tems que l'Eglife jouïssant d'une parfaite liberté, l'on vit les Monafteres se multiplier, & les deferts habités,par une multitude innombrable de Solitaires, fous la conduite de faint Antoine, de faint Pachome & de leurs Disciples. Je ne prétens point prouver cette fuccession sans interruption par les actes de plusieurs Saints, qu'on a prétendu avoir vêcu en Communauté pendant les trois premiers fiécles de l'Eglife; non plus que par le Livre de la Hierarchie Ecclesiastique attribué à sain Denis l'Areopagite, dont l'Auteur, aussi bien que tous ces Saints desquels il est fait mention dans les Menologes des Grecs, font reconnus par de Sçavans Critiques pour ne point appar--tenir à ces trois premiers fiécles. Leur sentiment est néanmoins combattu par d'autres Sçavans. Toutes les Apologies qui ont esté faites en faveur des ouvrages attribués à faint Denis l'A-reopagite, sur lesquels Dom David Religieux Benedictin de la Congregation de faint Maur, donna encore une Differtation en 1702. & le Probleme propofé aux sçavans & imprimé en 1708. touchant les mesmes ouvrages, font affez connoistre que cette question n'est pas encore decidée. Mais on demeurera aisément d'accord de cette fucceffion, i en quittant toute prevention, l'on veut reconnoistre pour Disciples des Therapeutes, les Afcetes qui se renfermoient aussi dans des folitudes, où ils gardoient la continence, & mortifioient leur corps par des abstinences & des jeusnes extraordinaires, portant continuellement le cilice, dormant fur la terre, lifant l'Escriture Sainte, & priant fans ceffe: & on les doit comprendre dans l'Estat Monastique, puisque, comme remarque le Cardinal Bellarmin, les Grecs ont donné plusieurs noms à ceux qui l'ont embraffé; de Therapeutes, pour les raifons que nous avons déja dites; d'Afcetes, c'est-à-dire Athletes, ou Exercitans, parce que le devoir d'un Moine eft un exercice continuel; & c'est le nom dont se sert saint Bafile, appellant Afcetiques son Traité de l'Institution des Moines. On les nomma aufli Supplians, parce que leur principale occupation estoit la priere & l'oraison. Saint Chryfoftome & quelques autres les ont appellés Philosophes. Enfin le nom le plus commun & que les Latins ont retenű, est celui de Moine, qui signifie proprement Solitaire ou Ermite, que faint Augustin prétend devoir aussi appartenir aux Cenobites, comme en effet il leur est resté. On a encore ajousté à tous ces noms celui de Religieux, qu'on donne indifferemment à tous ceux qui se consacrent à Dieu par la folemnité des vœux. Quelquesuns disent qu'avant Salvien de Marseille, qui vivoit dans le Ann 3988 cinquiéme fiécle, il n'estoit pas en usage. Il paroist néan- Can. 104. moins par un des Canons du quatriéme Concile de Carthage, & par la traduction de la Regle de faint Bafile par Ruffin, que dans le quatriéme fiécle l'on donnoit déja ce nom aux perfon- vies des nes qui se consacroient à Dieu. 55 25. Αυτό dans lavie M. Baillet, qui ne veut pas se declarer en faveur de ceux des. Marc. qui croïent que les Therapeutes estoient Chreftiens, & qui, comme nous avons dit dans le paragraphe précedent, croit que l'on peut supposer au moins qu'ils eurent beaucoup moins de chemin à faire que les autres, pour parvenir à la veritable Religion;ne laisse pas de reconnoistre dès le tems de saint Marc, des Chreftiens qui se diftinguoient des autres par un genre de vie particulier; car il dit que, quand il ne feroit pas vrai que les Therapeutes eussent embrasse pour lors la foy de Jesus-Chrift; il est certain que dès le tems de saint Marc il y avoit plusieurs Chreftiens que le defir de vivre plus parfaitement que le com-mun, portoit à se retirer à la campagne dans le voifinage d'Alexandrie, & à demeurer enfermés dans des maisons', priant, meditant l'Escriture sainte, travaillant de leurs mains, faisant des abstinences de plufieurs jours de suite, & ne pre nant leur nourriture qu'après le foleil couché. C'est ce que dit Fleury.bit. auffi M. l'Abbé Fleury dans son histoire Ecclesiastique; mais 1. page 17. M. B*** n'en convient point, & prétend que dans les deux Eco'efstom. Replique premiers fiécles de l'Eglise il n'y avoit point de Chrestiens qui se diftinguassent par aucun genre de vie particulier, & par consequent point de Therapeutes ni de Moines. Il ne trouve pas que faint Clement & Origenes aïent parlé, ni de Therapeutes; ni de Moines. Il tire avantage du filence qu'il a cru remarquer dans ces Peres, qui estant tous deux d'Alexandrie, vivant par consequent au milieu des Therapeutes, ou habitant les mefmes lieux, devoient en avoir parlé; & il ajouste qu'on peut 243. Pa dire la mefme chose de saint Athanafe, qui fut Patriarche de la mefme Ville foixante-dix ans après la mort d'Origenes, qui a parlé de l'origine de la vie Monaftique, & qui n'auroit pas manqué de parler des Therapeutes, s'il estoit vrai que ces pieux Solitaires eussent esté des Sectateurs de J. C. au Pere de Mont ge In num. hom. 25. A cela je respons: que ces grandes affemblées des Therapeutes, telles que les descrit Philon, ne subsisterent pas longtems; que les perfecutions ne leur permirent pas de les conti-nuer; qu'ils se contenterent de vivre en retraite dans leurs propres maisons, ou à la campagne dans le voisinage des villes ; qu'en quelques endroits,il y en avoit qui demeuroient einq, fix, ou dix dans un mesme lieu; que pour lors on leur donna le nom d'Afcetes ; & que ceux qui demeuroient en Egypte ont pû encore conserver quelques obfervances Judaïques. Comment ne pouvoir pas se perfuader que c'est la vie des Therapeutes, ou des Afcetes de fon tems, qu'Origenes -a def crite dans une de ses Homelies, & qu'il a marquée comme un eftat diftingué entre les Chreftiens, lorsqu'il dit qu'il y en a qui font attachés uniquement au service de Dieu, dégagés des affaires temporelles, combattans pour les foibles par la priere, le jeufne, la justice, la pieté, la douceur, la chafteté & par toutes les vertus. C'est aussi des successeurs des Therapeutes Stromat. que faint Clement d'Alexandrie, a voulu parler, lorsqu'il ap1. pase pelle vie folitaire, la vie de ceux qui gardoient la continence,, |