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ANCIENNE vanité passée, travailla à se corriger lui-même, & à reformer CONGRE- les abus qui s'étoient glissés dans son Monaftere, commenS.DENISEN çant par retrancher tout ce qui ressentoit en sa personne la

GATIONDE

FRANCE.

pompe & les manieres du siécle. Il eut bien souhaité quitter entierement la Cour; mais le Roi qui avoit besoin de ses conseils, n'y put jamais consentir. Obligé de rester malgré lui dans le Ministere, il parut à la Cour avec une modestie qui édifioit toute la France. De cette maniere il persuada aifément la Réforme à ses Religieux. La ferveur & l'exactitude avec laquelle ils s'acquittoient de tous leurs devoirs, les mit bien-tôt en grande réputation; & cette renommée fut suivie d'une si grande prosperité, qu'il sembloit que toutes fortes de biens vinssent fondre en abondance sur ce Monastere: il ne fut jamais plus florissant que sous le gouvernement de l'Abbé Suger, qui en soûtint tous les interêts avec une fermeté tout-à-fait noble. Il lui fit restituer le Prieuré d'Argenteüil, qui lui avoit appartenu originairement. Il rentra dans plusieurs biens qui avoient été alienés. Il redima de la vexation, differentes terres opprimées depuis longtems ; & lon compte vingt-deux Terres & Seigneuries, qui furent beaucoup augmentées par les foins de cet Abbé. Pour conserver les Droits de fon Abbaïe, & non par oftentation, comme quelques-uns l'ont avancé mal-à-propos; il fit faire une Chasse au cerfs dans la forêt Iveline, où il passa une semaine entiere sous des tentes, avec Amauri de Montfort, Simon de Neaufle, Evrard de Villepreux, plusieurs autres Seigneurs de fes amis, & quantité de Vassaux. Le gibier fut porté à saint Denis: on le servit aux Religieux convalefcens & aux étrangers, qui mangeoient au logis des Hôtes, & le reste fut distribué aux Soldats de la ville. Il fonda aussi le Prieuré d'Efssone, où il mit une Communauté de Religieux ; & celui de Chaumont en Vexin, fut à sa confideration soûmis à l'Abbaïe de saint Denis.

Le credit qu'il avoit en France augmenta encore davanrage, lorsque le Roi Loüis VII. étant prêt de partir pour la Croisade l'an 1147. le nomma pour Regent du Roïaume pendant son abfence. Ce Prince avoit resolu avec le Pape Eugene III. de réformer l'Abbaïe de fainte Genevieve: mais n'en aïant pas eu le tems, l'execution en fut refervée à Suger, qui s'en acquita de la maniere que nous avons

CONGREGA

FRANCE.

rapportée en parlant de cette Abbaïe. Le Roi étant de re- ANCIENNE tour, cet Abbé fut chargé d'une nouvelle Commission par FONGRES le Pape: c'étoit de mettre des Moines dans l'Eglise de saint DENIS EN Corneille de Compiegne, desservie alors par des Chanoines d'une vie peu reglée: ce qu'il executa, en y établisfant une Communauté de Religieux tirés de saint Denis. Enfin après avoir rendu de grands services à l'Etat, qui lui firent donner le titre de Pere de la Patrie, & avoir gouverné fon Abbaïe pendant vingt-neuf ans, il mourut l'an 1151. Il n'est pas le seul Abbé de saint Denis qui ait été Regent du Roïaume. L'Abbé Matthieu de Vendôme le fut aussi, lorsque faint Loüis alla pour la seconde fois en Orient l'an 1269. Ce Prince étant mort dans ce voïage, fon fils Philippe III. qui l'avoit accompagné, non seulement continua la Regence à l'Abbé Matthieu; mais le fit à fon retour fon Ministre d'Etat.

Quoique Suger eût assez de credit pour obtenir du Pape Eugene III. d'user d'ornemens Pontificaux, cependant soit par modestie, ou pour quelqu'autre raifon,il ne s'en fervit pas: ce ne fut que l'Abbé Guillaume II. qui l'an 1176. obtint cet honneur du Pape Alexandre III. Du tems d'Eudes II. qui fucceda immédiatement à Suger, l'Abbaïe de saint Denis acquit plusieurs Eglifes & Prieurés, entr'autres, de Prieuré de Fornalos, qui lui fut donné l'an 1156. par le Roi d'Espagne Alfonse VII. & fous le Gouvernement d'Henri V. On lui foûmit encore le Prieuré de Grand-puis. Le Pere Felibien rapporte un Poüillé de cette Abbaïe, tiré d'un ancien Cartulaire de l'an 1411. où il y a dix-huit Prieurés, & environ quatre-vingt Cures à la nomination de l'Abbé, sans les Canonicats & les petits Benefices; & il paroît par ce même Poüillé que dès ce tems-là cette Abbaïe avoit déja perdu plusieurs Monafteres de sa dépendance; comme ceux de Toussenval, de Plaisir, celui de S. Michel, changé depuis en Abbaïe, & plusieurs autres, dont il est fait mention dans l'Histoire de saint Denis, quoiqu'ils ne se trouvent point dans ce Poüillé. Ces Monasteres qui étoient de sa dépendance, & dont les Prieurs étoient obligés de se trouver aux Chapitres Generaux qui se tenoient dans cette Abbaïe, n'étoient que trop suffisans pour lui faire donner le nom de Chef d'Ordre & de Congregation; mais elle a

ANCIENNE merité ce titre avec plus de fondement par ce que nous al CONGRE lons dire.

GATION DE

S DENISEN
FRANCE.

Dès l'an 1580. quelques Monafteres de Benedictins pour fatisfaire au Decret du Concile de Trente, qui obligeoit les Monafteres immédiatement soumis au saint Siége, de s'unir en Congregation, s'ils n'aimoient mieux se resoudre à la visite de l'Ordinaire, s'étant associés ensemble, sous le titre de Congregation des Exemts, les Religieux de saint Denis qui n'avoient point encore obéï fur ce point au Concile de Trente, & se voïoient pressés d'entrer en Congregation, aimerent mieux, sans s'assujettir à une autre Congregation, chercher eux-mêmes à en composer une, dont leur Monastere pût être le Chef, & faire en forte par ce moïen de ne changer à leurs Usages ( quelque abusifs qu'ils fussent) que ce qu'ils voudroient. La chose concluë, la Communauté députa plusieurs Religieux, pour aller folliciter divers Monasteres de s'unir à celui de saint Denis, pour faire un même Corps de Congregation. Ils en trouverent jusqu'à neuf, qui furent ceux de faint Pierre de Corbie, de faint Magloire de Paris, de faint Pere de Chartres, de Bonneval, de Coulombs, de Jofaphat, de Neauphle le Vieil, de faint Lomer de Blois, & de Monstierender. On dressa des Statuts, qui n'étant la plupart que des Regles ou Maximes affez generalement reçuës dans les Cloîtres, sans déroger aux Coutumes de chaque Monaftere, furent aisément admises par les Procureurs de toutes ces Abbaïes, assemblés à Paris le 6. Mars 1607. au Prieuré de saint Lazare au fauxbourg de saint Denis, où se conclut le Traité d'Association.

On en poursuivit ensuite les Lettres Patentes, & le Roi Henri IV. les accorda dans le même mois. Elles furent enregistrées & homologuées au Farlement le 5. Septembre de la même année, nonobstant l'opposition de l'Abbé de saint Corneille de Compiegne, dont les Religieux demandoient d'être associés à la même Congregation, à laquelle ils furent aussi aggregés. La Cour trouva seulement à propos d'avancer le tems des Chapitres Generaux ; & au lieu que les Statuts n'en mettoient que de fix en fix ans, elle determina qu'ils se tiendroient tous les quatre ans. Le premier Chapitre General avoit été indiqué à saint Denis le 28. Juillet : mais quelque incident survenu, obligea de le differer jufqu'au

GREGA

S.DI NISEN

qu'au 21. Octobre suivant; comme il paroît par les Actes ANCIEN Capitulaires de cette année-là. Nicolas Hesselin, qui étoit CON Prieur de saint Denis, fut élu General de la nouvelle Con-TION DE gregation. Le Pape Paul V. la confirma l'an 1614. sous le FRANGE. titre de Congregation de faint Denis, & donna à tous les Monasteres, immédiatement soumis au saint Siége, la liberté de s'y associer, dans l'esperance de rétablir par ce moïen la Discipline Monastique en France.

L'année précedente le General Nicolas Hesselin étant mort. Denis de Rubentel fut élu en sa place. Il remplit aussi celle de Grand Prieur de cette Abbaïe, & mourut en 1620. aprés s'être demis quelque tems avant sa mort du Grand Prieuré, entre les mains de Firmin Pingré. Comme par sa mort la Congregation de faint Denis se vit fans Géneral, & que dans le même tems Claude Louvet Prieur de Corbie qui en étoit Vicaire General vint à mourir, aussi bien que le Syndic nommé François Wast, Religieux & Chambrier de saint Magloire; Firmin Pingré convoqua l'année suivante le Chapitre General dans l'Abbaïe de saint Corneille de Compiegne où l'on fit de nouveaux Officiers. Mais cette Congregation ne subsista pas long-tems. Le Monastere de saint Magloire qui étoit un de ses membres fut donné aux Peres de l'Oratoire l'an 1628. Elle en perdit encore d'autres dans la suite, & les Benedictins reformés de la Congregation de saint Maur entrerent dans l'Abbaïe de saint Denis, chef de cette Compagnie l'an 1633. Ils eurent aussi dans la suite celle de saint Corneille de Compiegne, de Monstierender, de saint Pere de Chartres & quelques autres.

Nous avous veu ci devant que dans le nombre des Abbés Reguliers, cette Abbaïe a pit compter des Regens du Roïaume, des Chanceliers & des Ministres d'Etat. Lorfqu'elle a été entre les mains des Laïques elle a eu des Rois mêmes pour Abbés, & avant qu'elle fut tombée en commende plusieurs de ces Abbés Reguliers ont été élevés à la dignité d'Evêque, d'Archevêque & de Cardinal. Le premier Abbé commendataire fut le Cardinal Loüis de Bourbon l'an 1528. Le titre d'Abbé fut fupprimé, & la Mense Abbatiale unie à la Maison Roïale de saint Loüis à saint Cyr l'an 1691. comme nous avons dit, en parlant de cette Maison dans la troisiéme Partie decet Ouvrage.

Tome V.

P

GREGA

ANCIEN- Ses Abbés, quoique Reguliers, avoient féance au Parle NE CON- ment de Paris, & avoient grand nombre d'Officiers ReliFIONIS DE gieux & Laïques. Lorsque l'Abbé de faint Denis alloit en FRANCE. campagne, il étoit ordinairement accompagné d'un Chambellan & d'un Maréchal, dont les Offices étoient érigés en Fiefs, comme il paroît par des Actes des années 1189. & 1231. Ces Offices & ces Fiefs ont été depuis réünis au Domaine de l'Abbaïe, aussi bien que l'Office de Boütillier de l'Abbé, qui étoit pareillement un Office érigé en Fief & possedé par un Seculier Domestique de ce même Abbé, qui avoit toute jurisdiction spirituelle & temporelle dans la ville de faint Denis, & plusieurs de nos Rois lui avoient attribué la connoissance & la punition de tous les criminels qui seroient pris dans le Château & la ville de faint Denis & dans toute l'étenduë de leur jurisdiction, soit qu'ils fuffent ufuriers, faux monnoïeurs & même criminels de Leze Majefté. A certaines Fêtes de l'année on chante dans l'Eglise de cette Abbaïe, la Messe toute entiere en langue Grecque, & en d'autres seulement l'Epître & l'Evangile. Elle a aussi toûjours conservé jusqu'à present la Communion sous les deux especes à la Messe solemnelle des Dimanches & des principales Fêtes de l'année, où les Religieux non encore Prêtres communient de cette forte, non par un privilege special, comme plusieurs se l'imaginent (selon ce que dit le Pere Felibien,) mais par un usage non interrompu dans cette Eglife, aussi bien que dans celle de Cluni.

Aprés toutes les pertes que cette Abbaïe à faites, il est étonnant qu'elle soit encore aujourd'hui la plus riche & la plus florissante du Roïaume, tant par la beauté de son tréfor, qui est d'un prix inestimable, que par ses revenus, qui quoique trés grands, le feroient encore davantage sans les disgraces qu'elle a éprouvées en differens tems; dont les principales ont été celle du pillage qu'elle fouffrit en 1411. pendant la guerre civile, qui fut causée par les differens qu'il y eut au commencement du XV. fiécle, entre les Ducs d'Orleans, & de Bourgogne : ce qui aïant donné occafion aux Anglois de retourner en France, dont ils avoient été chassés, elle fut encore pillée en 1419. par ces peuples fiers & barbares : ils s'en rendirent maîtres de nouveau en 1455.

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