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rier, & même quoiqu'ils foient Prêtres : ce que leurs évêques MOINES tolerent malgré eux, car s'il y en a quelques uns qui s'oppo- JACOBIILS sent à cet abus, les Religieux qui veulent fe marier en demandent permiffion au bacha;& pour lors l'évêque eft obligé d'y confentir, de crainte que celui qui la demande ne fe fasse Furc. Voilà ce que caufe l'herefie, le fchifme, & le peu de difcipline qu'il y a parmi la plupart des Religieux d'Orient qui fe font fouftraits de l'église Romaine, & qui font plûtôt Religieux de nom que d'effet. Le peu qu'il y a de Religieux Neftoriens dans les Monafteres qui font la plupart abandonnés,fait qu'on ne leur fait point faire de noviciat. Après qu'ils ont refté quelques jours en habit feculier, on leur donne l'habitMonaftique,& ils declarent en le prenant qu'ils prétendent être de l'Ordre de faint Antoine, ou de ce faint ermite dont nous avons parlé. C'est en quoi confifte toute leur profeffion, celui qui leur donne l'habit,mettant le nom d'un de ces Saints dans les oraisons qui fe difent en ces fortes de ceremonies, le tout en langue fyriaque, ou caldéenne, qui eft la langue dans laquelle les Neftoriens officient. C'eft ce que j'ai appris de M. Abdelahad qui étoit lui-même Neftorien, ou plûtôt Caldéen, nom que les Neftoriens convertis à la Foi prennent,en quittant celui de Neftorien comme un nom infame.

L

CHAPITRE VI I

Des Moines Jacobites.

Perpetuité

1. chap. 7.

Es Jacobites que l'on devroit plûtôt appeller Monophy- Renaudot, fites, puifque ce nom convient particulierement à ceux de la Foi qui croyent qu'il n'y a qu'une nature en Jefus-Chrift, font Tom.4.liv. profeffion de fuivre la doctrine de Diofcore patriarche d'Alexandrie, de Severe d'Antioche, & de Jacques furnommé Zanzale. Ils disent anathême à faint Leon & au concile de Calcedoine, & ne reconnoiffent qu'une nature en JefusChrist, comme une feule perfonne & une feule volonté. Ils ont pris leur nom de ce Jacques dont nous venons de parler; parce qu'il a le plus contribué à maintenir cette herefie, & à l'étendre en Orient. Le furnom de Zangale, ou de Bardaï,selon les Arabes, & que les Grecs expriment par celui de Baradat, lui fut donné à cause qu'il n'étoit ordinairement habillé

MOINES que de haillons, ou de pieces de ces groffes étofes dont on cou JACOBITES Vre les chameaux. Il fut fecretement ordonné archevêque

Du Solier

par les évêques de fa fecte qui étoient en prifon, en execution des édits des empereurs contre les heretiques; & après avoir reçu d'eux une entiere autorité,il alla dans toute la Syrie, la Mefopotamie, & d'autres provinces. Par tout où il ne trouvoit point d'évêque, il en ordonnoit ainfi que des prêtres & des diacres, & il en ordonna un fi grand nombre, que le nom de Jacobites demeura à ceux de fa communion, qui l'ont toûjours eu en fi grande veneration, qu'ils l'ont même inferé dans leur calendrier.

Mais comme il y a quelques auteurs qui difent qu'il étoit difciple & contemporain de Severe patriarche d'Antioche, qui vivoit à la fin du cinquième fiecle, & qui foutenoit, à ce qu'ils prétendent, les erreurs d'Eutychés & de Dioscore ; le Tract Hift. P. Du Solier de la compagnie de Jefus dans fon traité histode Patriar- rique des patriarches d'Alexandrie, prétend que ce ne fut ch. Ale- dans le feptiéme fiécle que ce Jacques Zanzale employa xandrin. que tous les foins à rassembler & à réunir les reftes difperfés des fectateurs d'Eutychés & de Diofcore divifés en plufieurs branches,connus fous les noms de Severiens, de Theodofiens, de Gaïnaites & de Julianiftes, & fort affoiblis par les perfecutions qu'avoient excitées contr'eux les Melchites où Orthodoxes, fous l'empire de Juftinien,de Juftin dit le jeune, de Tibere & de Maurice, & que des debris de ces heretiques, il forma un nouveau parti fous fon nom. Il avoue que ce Jacques Zanzale peut être appellé difciple de Severe patriarche d'Antioche, qui certainement vivoit à la fin du cinquiéme fiecle, mais feulement en ce fens, qu'il étoit un des plus zelés défenfeurs des dogmes foûtenus par ce patriarche, & qu'il ne s'enfuit nullement de là qu'ils ayent été contemporains.

Comme il y en a qui prétendent encore que Severe & Jacques Zanzale commencerent à brouiller en Orient fous l'empire d'Anaftafe, & que ce fentiment eft appuyé fur l'autorité d'Anastase le Sinaïte qui dans le livre intitulé le Guide ou le Conducteur, en fpecifiant les divers fectateurs d'Eutychés & de Diofcore,n'oublie pas Jacques & fes Jacobites. Le P. Du Solier répond que c'eft à tort qu'on a fixé l'époque de ce livre à l'année sso. auquel tems vivoit à la verité un Anastase

patriarche d'Antioche; mais qu'il y a eu trois Anaftafes,qu'on MOINES a confondus ensemble pour n'en faire qu'un feul; qu'il y en a JACOBITES eu deux patriarches d'Antioche, & que le dernier & le plus jeune des trois étoit Moine du Mont-Sinaï, & auteur de ce livre, où il raconte des faits arrivés depuis l'an 604. & vers l'an 630. après les commencemens du Mahometisme, d'où le P. Du Solier conclut que ce Moine n'ayant parlé de Jacques & des Jacobites que dans un livre écrit vers le milieu du VII. fiecle, on ne peut pas tirer de là un avantage, pour prouver que les Jacobites ayent été avant le feptiéme fiecle.

Quoique le P. Du Solier prétende que Jacques Zanzale ait raffemble les reftes difperfés des fectateurs d'Eutychés, & de Diofcore, divifés en plufieurs branches, connus fous les noms de Severiens, de Theodofiens, de Gaïnaites & de Julianistes; ce fentiment n'eft pas approuvé par M. l'abbé Renaudot; puifque felon cet illuftre écrivain, les Jacobites difent anatheme à Eutychés ; qu'ils regardent comme heretiques les difciples de Julien d'Halicarnaffe, qui difoit que le corps dans lequel Jefus-Chrift avoit pris chair, étoit incorruptible; & que dans leurs prieres ils louent Severe d'Antioche d'avoir détruit les imaginations de Julien.

au P.Fleu

édifiantes

de Jefus,

La principale erreur des Jacobites eft donc de n'admettre Lettre da qu'une nature en Jesus-Christ. On leur en a imputé d'autres, P. Verzean dont ils ne font nullement coupables, comme de nier la Tri- riau, dans mité, & par cette raifon de ne faire le figne de la croix qu'a- le Recueil vec un doigt. Le peu d'erreurs où ils font prefentement en- des Lettres gagés, a beaucoup contribué à la réunion de plufieurs per- des Millions fonnes de cette fecte à l'église Romaine. L'an 1662. André, de la Comp. archevêque d'Alep, qui étoit déja Catholique, & avoit en l'Epitre devoyé fa profeffion de foi au pape Alexandre VII. après avoir dic. du mêabjuré ses erreurs, fut élevé au patriarchat d'Antioche pour me recueil. la nation Jacobite. Il n'accepta cette dignité que pour travailler plus efficacement à réunir les Jacobites à l'églife Romaine, & y réuffit en partie, malgré les perfecutions que lui fufciterent les heretiques. Mais après la mort de ce patriarche qui arriva le 28. Juillet 1677. un nommé Abd-Elmefich fe mit en poffeffion du patriarchat à force d'argent, & persecuta fort les Catholiques; ce qui fit que les plus fervens & les plus zelés, firent fi bien par leur adreffe, qu'ils trouverent moyen de le faire dépofer,& de mettre en fa place l'évêque

MOINES de Jerufalem Ignace-Pierre, zelé Catholique. On employa le JACOBITES credit de l'ambaffadeur de France à la Porte, pour avoir un commandement du Grand-Seigneur,qui confirma fon élection, avec ordre à tous ceux de fa nation de lui obéir. Il fut installé dans son siege patriarchal par huit archevêques & évêques; fçavoir, un Maronite, trois Jacobites catholiques, deux Grecs, & deux Armeniens. Il envoya enfuite sa profes fion de foi au pape Innocent XI. qui lui envoya le Fallium. Cependant les heretiques Jacobites ayant employé beaucoup de fourberies pour faire confirmer par le Grand-Vifir & le Mufti d'Alep l'élection qu'ils firent en 1687. d'un patriarche de leur cabale, leur faifant accroire que le patriarche Ignace-Pierre étoit mort, ils réuffirent dans leur entreprise. Mais en 1693. le patriarche Catholique fut rétabli dans fon fiege à la follicitation du roi de France, & le patriarche IgnacePierre choifit pour coadjuteur un archevêque Jacobite catholique, qui fut reconnu en cette qualité par les Catholi ques de cette nation.

zeau au P.

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Ibid. Lettre Cependant une furieufe perfecution s'éleva en 1701. contre
du P. Ver-le patriarche Ignace-Pierre.Le Grand-Seigneur Mustapha II.
de laChai- preffé par le Mufti, grand ennemi des Catholiques, qui en
étoit follicité par les heretiques, envoya un commandement
pour obliger les Jacobites qui faifoient profeffion de la reli-
gion Catholique,de retourner à l'herefie de leurs ancêtres.
Le patriarche, l'archevêque d'Alep & les principaux du
clergé de la nation Surienne ou Jacobite, n'ayant pas obéi à
cet ordre, après avoir reçû plufieurs mauvais traitemens &
une rude bastonade, furent condamnés à être renfermés le
refte de leurs jours dans le château de la ville d'Adané. Le
patriarche & l'archevêque d'Alep, eurent le bonheur d'y
mourir pour
la défense de la foi. Mais les revolutions arri-
vées dans l'empire Ottoman en 1703. le Grand - Seigneur
Mustapha ayant été dépofé, & le Mufti ayant fubi une mort
honteuse, ramenerent pour un tems la paix dans les églises
Jacobites catholiques, ou plûtôt dans les églifes Suriennes ;
car les Jacobites, après avoir abjuré leurs erreurs, prennent
le nom de Suriens, & quittent celui de Jacobites, comme un
nom infame. Celui qui fucceda au Mufti fe montra plus fa-
vorable à leur égard. Mais les perfecutions ont été renouvel-
lées quelque tems après; ce qui eft cause que la religion
Catholique

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JACOBI

Catholique ne fait pas parmi les Jacobites Schifmatiques, MOINS tout le progrès qu'on pourroit attendre du zele des prélats, qui font toujours demeurés fermes dans la foi Catholique malgré les perfecutions.

Quoique parmi les feculiers il y ait grand nombre de Catholiques, la plus grande partie des religieux font neanmoins toujours dans l'erreur. Leur principal Monaftere eft à Derzapharam, proche la ville de Mardin en Mefopotamie, dans lequel le Patriarche fait fa refidence lorsqu'il eft Schifmatique. Il y en a encore un autre proche de la même ville ; deux à une journée de la ville de Damas; deux à une journée de la ville de Ninive; un à Tauris, fur le chemin de Mardin; un autre à Edeffe, & quelques autres en differens lieux ; mais prefque tous abandonnés, & où il y a peu de religieux. Ils ne mangent jamais de viande, non pas même à l'extrémité de maladie, auffi-bien que le patriarche & les évêques ; & ils obfervent les mêmes carêmes & les mêmes jeûnes que les Maronites, excepté la veille de faint Maron, qu'ils ne reconnoiffent point, & auquel ils fubftituent Jacques Zanzale, qui les a pervertis. Je parle feulement des Schifmatiques; car il y a de l'apparence que les Catholiques jeûnent la veille de faint Ephrem, qu'ils ont pris pour patron de leur église de

Rome.

Conformément au rit que fuit cette nation, ils chantent l'Office en langue fyriaque, ont les mêmes inftrumens de mufique que les Armeniens, & confacrent avec du pain levé, de même que les Grecs, contre la pratique des Maronites & des Armeniens, mais ils ont ceci de particulier qu'ils mettent de l'huile & du fel dans leur hoftie, qui eft fi grande & fi épaiffe, qu'on en peut facilement communier plus de cent perfonnes. L'habillement des religieux eft affez semblable à celui des Maronites. Il n'y a point de Monafteres de Religieufes de cette nation, & celles qui fe confacrent à Dieu par la profesfion religieufe, demeurent chez leurs parens.

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M. Saphar, évêque de Mardin, dont nous avons déja parlé, qui demeure depuis quelques années à Rome, où il étoit venu reconnoître le fouverain Pontife comme chef de l'é glife univerfelle de la part des églifes Catholiques Suriennes, a acheté un hofpice dans cette capitale de l'univers pour les évêques & les autres perfonnes de fa nation. Il en prit pof,

Tome I.

P

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