CONGRE suscita un saint homme nommé Manegolde de Lutembach, GATION DE pour la faire revivre en ces quartiers. Ce fut environ l'an 1093. MARBA qu'il commença à prêcher publiquement contre le Schifme, ROLAISE. exhortant le Peuple à rentrer dans la bonne voïe & à fe foumettre au Chef de l'Eglife. Quoique ses discours, qui estoient animés d'un grand zele, fissent impression sur les cœurs des Schifmatiques, une mortalité qui arriva dans ce tems-là, & qui enleva en pen de tems une infinité de monde, les toucha plus sensiblement, la pluspart changerent veritablement, ils accouroient en foule pour recevoir l'absolution de l'excommunication, & Manegolde suivant le pouvoir qu'il en avoit reçu d'Urbain II. la leur donnoit & leur enjoignoit une penitence: ainsi on vit en peu de tems de grands changemens, & presque toute la Province se soumit à l'obeïssance du Pape. Comme le Clergé estoit tombé dans un grand relachement pendant le Schisme, il se trouva plusieurs Prestres qui après leur converfion se retirerent dans les bois & les folitudes, tant pour y mener une vie penitente & retirée, que pour ne point communiquer avec ceux qui perfistoient d'obeïr a l'Empereur: • Mais Manegolde en rassembla quelques-uns avec lesquels il voulut vivre en commun suivant l'exemple des A poftres & des Chrestiens de la primitive Eglife; il fit à ce sujet bastir un Monastere à Marbach qui est une ville d'Alface, aïant esté aidé dans cette sainte entreprise par un Gentilhomme du païs nommé Burchard de Gebeluifler, qui contribua beaucoup par ses liberalités à l'édifice de ce Monastere dont Manegolde fut premier Prevost. - Ils renoncerent à toute proprieté, ne mangeoient point de viande, ne portoient point de linge, gardoient un étroit filence, & pratiquoient beaucoup de mortifications: ce qui les rendit si recommandables, que plufieurs autres Monafteres s'eftant joints à celui de Marbach, il devint Chef d'une Congregation trés confiderable, qui commença à suivre la Regle de Taint Augustin dans le douziéme fiécle à l'exemple des autres Communautés de Chanoines qui avoient embrassé la defapropriation;mais je doute fort qu'il y ait eu près de trois cens Monafteres qui en dépendoient, comme Mauburne & quelquesautres ont avancé; & supposé que cette Congregation ait esté si florissante, il ne reste plus de memoire d'aucun de ses Monasteres, elle est presentement sur le pied de celle de faint Vi Tome II. Q CONGRF- ctor à Paris & de quelques-autres qui sont desunies & dont il ne MARBACH reite plus que l'Abbaïe qui en eftoit le Chef, qui ait conservé GATION DE FT D'A- les anciennes pratiques & constitutions de l'Ordre, & d'où dépendent quelques Prieurés qui ne font que de simples Cures. L'abbaïe de Marbach en a plufieurs, & eft en possession conjointement avec les Chanoines Reguliers de la Congregation de Lorraine, de la Cure de faint Louis à Strasbourg. Ils font habillés de noir avec une banderole de lin lorsqu'ils ne sont point dans l'Abbaïe; mais dans l'Abbaïe ils ont une foutane blanche avec un rochet pardessus. Ils portent l'efté au Choœur une Aumuce noire fur les épaules qui pend en pointe derriere le dos, & defcend un peu plus bas que la ceinture, s'attachant pardevant avec un ruban bleu; & ils ont pour armes d'afur à un cœur de gueules couronné d'or Quant à Manegolde de Luttembach après avoir fondé cette Congregation, il ne discontinua pas ses predications pour ramener les Schifmatiques au sein de l'Eglife: ce qui lui attira beaucoup de perfecution, principalement de la part de l'Empereur qui le firmettre en prison l'an 1098. c'est tout ce que nous sçavons de la vie de ce faint homme qui au rapport d'Y-. ves de Chartres passoit pour un des plus sçavanshommes du onziéme fiécle, Voiez Francifc. Guilliman. Hift. de Epifcopis Argentinentibus in vita Othonis.Episcap.43. Y v. Carnot, Epist. 40. apud Du Chesne Veter. Hift. Franc. Tom. 4. pag. 89. Disquisit. de ord. Canonicor. Regul. pag. 363. 366. Penot, Hift.tripart Canonic. Regul. lib.2. cap. 66. Tambur. de fur. abb. difp. 24. quest. 4. art. 9. Si la Congregation de Marbach eut pour Fondateur un homme zelé pour la gloire du faint Siege & qui s'oppofa fortement au Schifme causé par l'Empereur Henry IV. la Congregation d'Aroüaise eut auffi pour un de ses Fondateurs un faint homme qui ne fut pas animé d'un moindre zele, & qui aïantesté élevé au Cardinalat par le Pape Pafchal 11. & fait Evesque de Palestrine, fut emploïé par ce Pontife en plusieurs Legations pour foutenir l'interest de l'Eglife contre le mesme Empe reur. Aroüaise situé proche Bapaume en Artois, estoit un lieu qui fervoit de retraite aux voleurs; mais environ l'an 1090. il fut fanctifié par la demeure de trois faints Ermites, fçavoir Heldemar de Tournay, Conon ou Conrad qui fut depuis Cardi GATION DE ROLLAISE. nal, & Roger d'Arras, qui bastirent en ce lieu une Cellule ou CONGRE Oratoire qu'ils dedierent en l'honneur de la sainte Trinité & de MARBACH faint Nicolas. Lambert Evesque d'Arras confirma cet établis- Er D-Asement par ses Lettres du 21. Octobre 1097. adressées à Conon. C'est ce qui fait que plusieurs ne mettent le commencement de cette Congregation qu'en cette année; mais il paroist par ces mesmes Lettres qu'Heldemar estoit déja mort, & il est marqué comme premier Prevost establi par Conon en 1090. dans le catalogue des Abbés de cette Abbaïe donné par MM.de Ste. Marthe, qui ont aussi rapporté son Epitaphe, où il est qualifié de Fondateur de cette Abbaïe, qui fut gouvernée par des Prevosts jusqu'au tems de saint Bernard, que Gervais qui estoit le troifiéme Prevost, & qui avoit fuccedé en 1124. à Richer, prit la qualité d'Abbé, qui a esté aussi donnée à fes fuccesseurs. Ce Gervais eft qualifié Instituteur de la Congregation, peut-estre à cause que fous fon gouvernement cette Abbaïe devint Chef de vingt-huit Monafteres; mais il y a long-tenis qu'elle ne subsiste plus, & le dernier Chapitre General se tint l'an 1470. Les Monafteres de Hennein Leïtard à trois lieuës de Douay, de faint Nicolas à Tournay, de Choques & de Mareles en Artois, en dependoient aussi-bien que ceux de Wernefton, Zunebeck & Sætendal en Flandres, de saint Jean à Valenciennes, de faint Crepin & de saint Leger à Soiffons. Elle avoit aussi quatre Prieurés en Irlande, deux à Dublin, un à Rathoy dans le Comté de Keri, & à Rathkele dans le Comté de Limerik, & quelques autres en Angleterre. Ils estoient habillés de blanc, & au rapport du Cardinal de Vitry ils estoient aufteres, ne mangeoient point de viande, ne portoient point de linge & gardoient un étroit filence. Voiez Sammarth. Gall. Christian. Tom. 4. pag. 95. Penot, Hift. tripart Canonic. Regul. lib. 2. cap. 62. Lemire, Origine & institution de diverses Congreg. sous la Regle de faint August. Tambur, de jure abb. Tom. 2. difpu. 24. quaft. 4. art. 7. Cardinalis de Vitriaco, Hift. Occident. cap. 23. RELIGIGUX VIENNOIS. Hift. de CHAPITRE XVI. Des Religieux de l'Ordre de saint Antoine de Viennois. C E fut l'an 1093. sous le pontificat d'Urbain II. que cet Ordre prit naissance pour le foulagement des malades. attligés d'une certaine maladie dont on n'a jamais pu donner la definition, & que le vulgaire a toujours appellée feu sacré ou feu de faint Antoine, & dans un Acte de l'an 1254. concer nant l'hôpital qui estoit autrefois dans l'Eglise de saint AnDe Ruffy, toine à Marseille, cette maladie est appellée feu d'enfer : corum Marseille qui igne infernali laborare dicuntur. Ce fut principalement tom. 2. liv. dans le onziéme &le douziéme fiécle qu'elle eut plus de cours. 10. Chap. 3. Elle causoit entierement la pertedu membre qui en estoit at taqué, qui devenoit noir & fec comme s'il avoit esté brûlé, & l'on voit encore aujourd'hui de ces fortes de meinbres desechés dans l'hôpital du bourg de faint Antoine en Dauphiné où est l'Abbaïe Chef de tout l'Ordre : quelquefois aussi elle fe formoit en putrefaction qui faisoit tomber la partie offensée. Il y avoit pour lors dans le Dauphiné un Gentilhomme nommé Gaston, aussi illustre par sa naissance que par les grands biens qu'il possedoit. Il n'avoit qu'un fils nommé Girinde ou Guerin qui tomba dangereusement malade. Il emploïa pour sa guérison tous les remedes humains ; & aïant efte inutiles il voulut se servir de remedes spirituels; il eut pour ce sujet recours à faint Antoine dont il avoit lui mesme éprouvé le secours dans une maladie qu'il avoit eu. Il courut au bourg de faint Antoine qui s'appelloit pour lors faint Didier-la-Mothe, où l'on conservoit dans une Chapelle dediée à la fainte Vierge Ies sacrées Reliques de ce Saint: il le pria humblement de vouIoir bien obtenir de Dieu la santé pour son fils, & lui promit que s'il recevoir cette grace, ils se consacreroient tous les deux avec leurs biens au foulagement des pauvres malades attaqués de ce feu facré, & logeroient les pelerins qui venoient déja de toutes parts pour implorer l'intercession de celui dont le nom feul, comme dit faint Athanase, faisoit trembler & fuir les Demons, & que Dieu avoit donné à l'Egypte comme un fouverain Medecin. |