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regarde les Therapeutes non feulement comme Chreftiens, mais encore comme les premiers Anachoretes. Nous ne parle rons point de tous les autres Escrivains Catholiques, aussi du moïen ordre, qui ont esté de mesme sentiment, parce qu'ils font en trop grand nombre. Mais l'authorité d'Eufebe, de faint Jerôme, de Sozomene, de Cassien, de plusieurs FP. de l'Eglife, & de Sçavans Escrivains des premiers fiécles, doit l'emporter fur tous ces témoignages; & ainsi nous ne croïons pas pouvoir nous tromper, si, en suivant le sentiment de ceux qui ont reconnu feulement pour Chrestiens les Therapeutes, & de ceux qui, en les reconnoiffant pour Chrestiens, les ont auffi regardés comme les Instituteurs de la vie Monaftique, nous faisons remonter jusques à eux fon origine & fon Institution.

PARAGRAPHE II.

Qu'il y a toûjours eu une Succession de Moines & de Solitaires depuis les Therapeutes jusques à Saint Antoine.

Lyena qui pretendent qu'il n'y a point eu de succession de Moines & de Solitaires depuis les Therapeutes, jusques au tems que l'Eglife jouïffant d'une parfaite liberté, l'on vit les Monafteres se multiplier, & les deserts habités,par une multitude innombrable de Solitaires, sous la conduite de faint An-toine, de faint Pachome & de leurs Disciples. Je ne prétens point prouver cette fuccession sans interruption par les actes de plusieurs Saints, qu'on a prétendu avoir vêcu en Communauté pendant les trois premiers fiécles de l'Eglife; non plus que par le Livre de la Hierarchie Ecclesiastique attribué à faint Denis l'Areopagite, dont l'Auteur, auffi bien que tous ces Saints desquels il est fait mention dans les Menologes des Grecs, font reconnus par de Sçavans Critiques pour ne point appar-tenir à ces trois premiers fiécles. Leur sentiment eft néanmoins combattu par d'autres Sçavans. Toutes les Apologies qui ont esté faites en faveur des ouvrages attribués à faint Denis l'A-reopagite, fur lesquels Dom David Religieux Benedictin de la Congregation de faint Maur, donna encore une Differtation en 1702. & le Probleme proposé aux sçavans & imprimé en 1708. touchant les mesmes ouvrages, font affez connoistre que

cette question n'est pas encore decidée.

Mais on demeurera aisément d'accord de cette fucceffion, si en quittant toute prevention, l'on veut reconnoiftre pour Disciples des Therapeutes, les Afcetes qui se renfermoient auffi dans des folitudes, où ils gardoient la continence, & mortifioient leur corps par des abstinences & des jeusnes extraordinaires, portant continuellement le cilice, dormant fur la terre, lifant l'Escriture Sainte, & priant fans cefle: & on les doit comprendre dans l'Estat Monaftique, puisque, comme remarque le Cardinal Bellarmin, les Grecs ont donné plusieurs noms à ceux qui l'ont embraffé; de Therapeutes, pour les raisons que nous avons déja dites; d'Afcetes, c'est-à-dire Athletes, ou Exercitans, parce que le devoir d'un Moine eft un exercice continuel; & c'est le nom dont se sert faint Bafile, appellant Ascetiques son Traité de l'Institution des Moines. On les nomma aussi Supplians, parce que leur principale occupation estoit la priere & l'oraifon. Saint Chryfoftome & quelques autres les ont appellés Philosophes. Enfin le nom le plus commun & que les Latins ont retenu, est celui de Moine, qui fignifie proprement Solitaire ou Ermite, que faint Augustin prétend devoir aussi appartenir aux Coœnobites, comme en effet il leur est resté. On a encore ajousté à tous ces noms celui de Religieux, qu'on donne indifferemment à tous ceux qui se consacrent à Dieu par la folemnité des vœux. Quelquesuns disent qu'avant Salvien de Marseille, qui vivoit dans le Ann. 398. cinquiéme fiécle, il n'estoit pas en usage. Il paroist néan- Can. 104. moins par un des Canons du quatriéme Concile de Carthage, & par la traduction de la Regle de faint Bafile par Ruffin, que dans le quatriéme fiécle l'on donnoit déja ce nom aux perfonnes qui se consacroient à Dieu.

M. Baillet, qui ne veut pas se declarer en faveur de ceux qui croïent que les Therapeutes estoient Chreftiens, & qui, comme nous avons dit dans le paragraphe précedent, croit que l'on peut supposer au moins qu'ils eurent beaucoup moins de chemin à faire que les autres, pour parvenir à la veritable Religion; ne laisse pas de reconnoistre dès le tems de saint Marc, des Chreftiens qui se diftinguoient des autres par un genre de vie particulier; car il dit que, quand il ne seroit pas vrai que les Therapeutes euffent embraflé pour lors la foy de Jesus-Chrift; il est certain que dès le tems de saint Marc il y avoit plusieurs

vies des

S5 25 Αυγ. dans la vie

des. Marc. Chrestiens que le defir de vivre plus parfaitement que le commun, portoit à se retirer à la campagne dans le voisinage d'Alexandrie, & à demeurer enfermés dans des maisons, priant, meditant l'Escriture sainte, travaillant de leurs mains, faisant des abstinences de plufieurs jours de suite, & ne pre

nant leur nourriture qu'après le foleil couché. C'est ce que dit Fleury bit auffi M. l'Abbé Fleury dans son histoire Ecclefiaftiques mais 1. page 17. M. B*** n'en convient point, & prétend que dans les deux

Ecrief.stom.

Replique

premiers fiécles de l'Eglise il n'y avoit point de Chreftiens qui se diftinguassent par aucun genre de vie particulier, & par consequent point de Therapeutes ni de Moines. Il ne trouve pas que faint Clement & Origenes aïent parlé, nide Therapeutes, ni de Moines. Il tire avantage du filence qu'il a cru remarquer dans ces Peres, quri estant tous deux d'Alexandrie, vivant par confequent au milieu des Therapeutes, ou habitant les mefmes lieux, devoient en avoir parlé; & il ajouste qu'on peut 243. Pa dire la mefme chose de saint Athanafe, qui fut Patriarche de la mesme Ville foixante-dix ans après la mort d'Origenes, qui a parlé de l'origine de la vie Monaftique, & qui n'auroit pas manqué de parler des Therapeutes, s'il estoit vrai que ces pieux Solitaires eussent esté des Sectateurs de J. C.

au Pere

de Mont

ge

In num.

ham. 25.

456

A cela je respons: que ces grandes afsemblées des Therapeutes,telles que les descrit Philon, ne fubfifterent pas longtems; que les perfecutions ne leur permirent pas de les continuer; qu'ils se contenterent de vivre en retraite dans leurs propres maisons, ou à la campagne dans le voisinage des villes; qu'en quelques endroits, il y en avoit qui demeuroient cinq, fix, ou dix dans un mesme lieu; que pour lors on leur donna le nom d'Afcetes ; & que ceux qui demeuroient en Egypte ont pu encore conferver quelques observances Judaïques.

Comment ne pouvoir pas se perfuader que c'est la vie des Therapeutes, ou des Afceres de son tems, qu'Origenes a deferite dans une de fes Homelies, & qu'il a marquée comme un eftat diftingué entre les Chreftiens, lorsqu'il dit qu'il y en a qui font attachés uniquement au fervice de Dieu, degagés des affaires temporelles, combattans pour les foibles par la pricre, le jeufne, la justice, la pieté, la douceur, la chafteté & par toutes les vertus. C'est ainsi des successeurs des Therapeutes Stromm. que faint Clement d'Alexandrie, a voulu parler, lorsqu'il ap-Page pelle vie folitaire, la vie de ceux qui gardoient la continence,

& c'est ce que pratiquoient les Afcetes. Si nous n'avions pas perdu le Traité de la continence que faint Clement dans fon Livre du Pedagogue dit avoir compofé, on y auroit sans doute trouvé qu'il y parloit amplement de la vie des Afcetes, puisqu'il appelle vie folitaire, la vie de ceux qui gardoient la continence.

M. B***, pag. 264. de la mefme replique, avoiant qu'avant que faint Paul de Thebes se fust retiré dans la folitude, il pouvoit y avoir de pieux Chreftiens qui craignant leur foibleffe & la contagion du monde, avoient pris le parti de mener une vie folitaire à la campagne, & dans quelques lieux voifins de leurs demeures, ce que faint Athanase prouve dans la vie de faint Antoine; cela nous suffit pour les regarder comme Afcetes & fuccesseurs des Therapeutes, quelque nom que M. B*** leur veüille donner: ainsi nous trouvons des Moines, ou Afceres dans les trois premiers fiécles de l'Eglise ; & nous demeurons d'accord que le nom de Moine estoit inconnu pour lors; que la profession des Solitaires de ces premiers fiecles n'a pas esté fixe, qu'elle ne l'a esté que par les vœux Solemnels que l'on a faits dans la suite; & que la vie Cœnobitique parfaite n'a commencé qu'au tems de saint Antoine; ce qui nempefche pas que dans les trois premiers fiécles de l'Eglise l'on ne trouve des vestiges de la vie Monaftique & mefme Cœnobitique, qui s'est perfectionnée peu à peu, après que les perfecutions ont ceffé.

Par tous ce que nous venons de dire, l'on voit bien qu'Origenes & faint Clement d'Alexandrie ne font pas demeurés dans le filence au sujet des Therapeutes, comme prétend M. B***; puisqu'ils ont parlé de leurs successeurs qui n'ont fait que changer de nom, & que les perfecutions ont empesché de continuer leurs assemblées nombreuses, aïant esté contraints, pour éviter la fureur des Tirans, de vivre seuls ou en petit nombre, dans leurs propres maisons ou dans des folitudes.. Mais il a quelque chose de plus fort à nous opposer, à ce qu'il prétend aussi, pour faire voir que du tems de faint Juftin martyr, & de Tertullien, il n'y avoit point de ces fortes de gens; ce sont des témoignages de ces mesmes Peres, ausquels il ne croit pas qu'on puisse respondre. Il dit que faint Juftin, dans Page 247: son Epistre à Diognette, atteste que les premiers Chreftiens & 248. de n'avoient point de pareils gens parmi eux; qu'il y avance har-Jariplique diment que les Chreftiens ne differoient des autres hommes Mont faucon ni par les lieux de leur demeure, ni par leur langue, ni mefme par leurs mœurs; qu'au contraire en quelque païs qu'ils habitassent, ils se conformoient aux habillemens, à la nourriture & aux autres manieres du païs; & qu'il n'y avoit alors parmi eux aucune Secte qui fift profession de se diftinguer au dehors par une austerité de vie particuliere.

au Pere de

Avant que de citer l'Epistre de saint Justin à Diognette, il falloit qu'il prouvast qu'elle fust veritablement de saint Juftin. M. de Tillemont le nie absolument, & M. du Pin semble en douter, puisqu'après avoir parlé des deux oraisons qui font à la teste de ses ouvrages, il dit: que leur stile semble estre un peu different de celui de faint Justin, qu'on peut pourtant les luy attribuer, sans luy faire tort, & qu'on peut faire le mefme jugement de l'Epiftre à Diognette qui est aussi d'un Auteur ancien. Parler ainsi, ce n'est pas estre assuré qu'elle soit de faint Justin; en effet dans la table de la Bibliotheque des Auteurs Ecclesiastiques, dont il a parlé dans le premier Tome, entre ceux de faint Justin, il met ces deux oraisons qui font, dit-il, douteuses, & l'Epistre à Diognette, dont il dit aussi que l'on doute ; & plusieurs autres Auteurs disent la mesme chose.

Mais supposons qu'elle soit veritablement de faint Justin, nous croïons que M. B *** n'en peut tirer aucun avantage. C'est beaucoup dire que ce Saint atteste que parmi les Chreftiens il n'y en avoit point qui renonçassent à leurs biens & à leurs parens pour vivre dans la folitude & dans les deferts. Cela suppose qu'après avoir parlé de ces fortes de gens, il attestoit qu'il n'y en avoit point: cependant il n'en est parlé en aucune maniere dans cette Epistre. On y trouve seulement que les Chreftiens ne differoient des autres hommes, nipar les lieux de leur demeure, ni par leur langue, ni par leurs mœurs, & qu'en quelque païs qu'ils habitassent, ils se conformoient aux habillemens, à la nourriture, & à toutes les autres manieres du païs. Mais ce que M. B*** ajouste que saint Justin dit, qu'il n'y avoit alors parmi les Chreftiens aucune Secte qui fist profession de se diftinguer au dehors par une austerité de vie particuliere, ne s'y trouve point non plus. L'endroit M. B*** croit que l'Auteur de cette Epistre a parlé ainsi, a esté traduit en ces termes par RobertEstienne: reque vita genus habent quod re aliquâ fibi peculia ri fit notabile : ce qui est la veritable fignification, & ce qui mar

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