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ORDRE DI jamais de Prédicateur fi rempli de fageffe, de fcience & d'éPULSANO. loquence. Il étoit l'admiration de tous fes Auditeurs: & fes difcours étoient fi vifs & fi touchans, que plufieurs perfon

nes fe convertirent & changerent leurs moeurs deréglées en une vie fainte & exemplaire.

On rapporte que faint Pierre lui étant apparu, & luiaïant commandé de rétablir une Eglife dédiée en fon nom proche Genofa, qui tomboit en ruine, il engagea auffi-tôt plufieurs perfonnes à l'aider dans cette entreprise, que les pierres & la chaux manquant aux ouvriers, il leur dit de foüiller dans un endroit qu'il leur indiqua, qu'ils obéïrent, & qu'ils en trouverent fuffifamment pour finir leur ouvrage. Une découverte fi miraculeufe devoit fans doute lui attirer l'eftime des hommes & le faire regarder comme un ami de Dieu : mais par une fecrette difpofition de la diyine fageffe, qui veut quelquefois éprouver fes Saints, elle eut un effet tout contraire: car elle lui attira une perfecution de la part de Robert Comte de Sicile, auprès duquel il fut fauffement accufé d'avoir trouvé dans ce lieu un grand Tréfor. Il fut jetté dans une obfcure prifon,où il fut chargé de chaînes,qui en fe rompant miraculeufement, fervirent à faire connoître fon innocence & la malice de fes accufateurs. Il ne fortit pas pour cela de prifon, quoiqu'il le pût faire facilement : mais en fin aïant été averti par un Ange d'enfortir, il paffa au milieu des Gardes fans qu'ils s'en apperçuffent.

Jean en aïant rendu graces à Dieu, réfolut de quitter la Poüille & vint à Capoue, où quelque tems après qu'il y fut arrivé il reconnut par revelation divine qu'il devoit retourner dans la Poüille & qu'il y gagneroit à Dieu un grand nombre de perfonnes de l'un & de l'autre fexe. Il retourna donc dans cette Province, & alla trouver faint Guillaume qui s'étoit retiré fur le Mont Laceno,avec lequel il demeura quelque tems. Il voulut perfuader à faint Guillaume de quitter ce lieu & de fe féparer,prévoïant le fruit qu'ils devoient faire chacun de leur côté ; mais faint Guillaume n'aïant pas donné d'abord dans fon fentiment, ils refterent encore quelque tems en ce lieu, jufqu'à ce que Dieu qui avoit parlé à Guillaume par la bouche de fon Serviteur, lui déclara fa volonté par un figne fi manifefte, qu'il lui ôta tout fujet d'en dou ter; car un jour qu'ils s'entretenoient enfemble des chofes

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celeftes, ils virent en un inftant leurs cellules confumées par ORDRE DE le feu. Un prodige fi étonnant fit connoître à faint Guillaume PULSANO. le tort qu'il avoit eu de ne pas fuivre le confeil de faint Jean de Matera, & le fit enfin refoudre d'abandonner le MontLaceno pour aller avec lui fur celui de Cogno. Ils y resterent encore quelque tems ensemble; mais faint Jean pouffé par un fecret mouvement de la grace, & animé d'un faint zele pour la converfion du prochain,aïant pris congé de faint Guillaume, vint à Barry. Il y prêcha fortement, & déclama contre les mœurs corrompues; mais bien loin que ses difcours fiffent impreffion fur les efprits, on le regarda au contraire comme un Heretique, qui femoit une mauvaise Doctrine; & il fut déferé à l'Archevêque. Le Prince même en voulut prendre connoiffance, & l'aïant fait interroger fur sa Doctrine, il fut renvoïé abfous du crime dont on l'accufoit. Après avoir demeuré quelque tems dans un Monaftere, il alla au Mont- Gargan, où les habitans, par fes prieres, obtinrent une grande abondance de pluïe, dont la campagne brûlée par la féchereffe, avoit un extrême befoin; & à une lieuë ou environ de cette ville, il jetta les fondemens de l'Abbaïe de Pulfano. Il n'eut d'abord que cinq ou fix Difciples;mais en peu de tems le nombre s'augmenta jufqu'à cinquante. Il bâtit enfuite d'autres Monafteres en differens endroits. L'Auteur de fa Vie n'a pas marqué quels étoient ces Monafteres, il s'eft contenté de faire connoître qu'il y en avoit plufieurs, en difant dans un endroit que le Saint aïant connu, quoiqu'abfent, le peril où quelques-uns de fes Religieux qui demeuroient loin de fon Monaftere, étoient expofés, de fe laiffer corrompre par un autre Superieur qu'il leur avoit envoïé, & qui femoit parmi eux une méchante Doctrine, il alla les trouver, & raffura de telle forte par fa présence les efprits chancelans, qu'ils ne purent être ébranlés,& refterent attachés à la verité. Il eft auffi marqué dans un autre endroit qu'un Bourgeois du Mont- Gargan aïant ufurpé une Eglife proche Pulfano, touché de repentir, fit profeffion de cet Ordre entre les mains du faint Abbé, en lui faifant don de tous fes biens, & que le Saint fit de cette Eglife un Monaftere de Religieufes. L'Auteur ajoûte qu'il y en avoit auffi un autre fous le titre de faint Barnabé, qui étoit auffi rempli de Religieufes. Nous avons déja parlé ci-devant d'un autre

ORDRY DIS

MITES.

pour des hommes, qui étoit dédié à l'Apôtre faint Jacques. GUILLEL- Ainfi la Congregation de Pulfano étoit compofée de Monafteres de l'un & l'autre fexe. Saint Jean gouverna cette Congregation jufqu'en l'an 1139. qu'il quitta la terre pour aller dans le Ciel recevoir la récompenfe de fes travaux. Ce fut dans le Monastere de faint Jacques qu'il mourut le 20. Juin. Ses Religieux voulurent le porter à Pulfano: mais quoique le tems fut fort ferein, comme ils vouloient le mettre fur le chariot qui avoit été préparé, il vint un fi grand orage,mêlé de grêle, que perfonne n'ofa fortir de l'Eglife. Les Religieux fe reffouvinrent pour lors qu'il leur avoit dit qu'il vouloit être enterré dans cette Eglife: ainfi fes dernieres volontés furent executées.

par

Son Chef fut depuis porté à Pulfano, où il eft en grande veneration, & où il s'eft fait beaucoup de miracles par l'interceffion de ce Saint, & de plufieurs autres Religieux de cette Congregation, qui y font enfevelis, & aufquels donné le titre de Bienheureux. Cette Eglise fut confacrée le Pape Alexandre III. on ne fçait point le tems qu'elle tomba en Commende ; mais les Abbés Commendataires ont mis à leur volonté de tems en tems des Religieux de differens Ordres ; & quoique l'Abbé joüiffe de plus de feize mille ducats de revenu, il n'y a préfentement qu'un petit nombre de Religieux Conventuels qui deffervent cette Eglife: ainfi l'Ordre de Pulfano a été éteint & aboli ; & afin d'en conferver la memoire, les Continuateurs de Bollandus promettent d'inferer dans leur Supplement du mois de Juin les Bulles & les Privileges qui concernent cet Ordre, s'ils en

peuvent recouvrer.

Bollandus, Tome IV. Junii die 20.

CHAPITRE XVII I.

Des Moines Guillelmites, avec la Vie de faint Guillaume le Grand, Ermite de Malaval leur Fondateur.

D

E tous les Auteurs qui ont écrit de l'Ordre des Guillelmites & de leur Fondateur, il y en a très peu qui l'aient fait conformément à la verité, faute apparemment de s'être donné la peine de la chercher dans l'Histoire, ou

GUILLEL
MITES.

de faire une jufte combinaison des lieux, des tems & des ORDRE DEG perfonnes qui faifoient la matiere du fujet qu'ils traitoient. Mais entre ces Auteurs M. Herman, Curé de Maltot, eft celui qui a le plus erré dans ce qu'il dit de cet Ordre ( dans fon Livre de l'établissement des Ordres Religieux) tant au fujet du nom de Blancs-Manteaux ( qu'il prétend leur avoir été donné par rapport aux manteaux qu'ils portoient de cette couleur) qu'au fujet de leur Fondateur. Sa premiere erreur au fujet du nom, eft facile à détruire, puifqu'il n'est pas vrai que ces Religieux aïent jamais porté de manteaux blancs, & qu'il eft très sûr qu'il n'y eut que ceux qui demeuroient dans le Monaftere de Paris qui portaffent ce nom, par rapport aux Religieux qui l'avoient occupés avant eux, qui étant Servites ou Serfs, portoient des manteaux blancs. & laifferent le nom de Blancs-Manteaux au Monaftere, & non pas à la Congregation qui vint s'y établir après eux,dont le veritable nom étoit celui de faint Guillaume du Defert, comme il eft facile de le voir par l'Acte de la confecration de l'Eglife des Billettes à Paris, faite l'an 1408. par un Evêque de Naffau, qui demeuroit pour lors à ce Monaftere de faint Guillaume, Joannes miferatione divina Epifcopus Naffovienfis P. refidens in domo Religioforum fancti Guillelmi de Defertis, alias de Albis Mantellis. La feconde erreur de cet Ecrivain n'eft pas moins grande, lorsqu'il dit que les Auteurs ont confondu leur Fondateur avec celui du MontVierge. Il ne cite aucun de ces Auteurs ; & il a raison en cela, car il auroit bien de la peine à en nommer aucun il confond lui-même, puifqu'il n'eft pas vrai que les Auteurs aïent confondu faint Guillaume de Malaval avec S. Guillaume, Fondateur du Mont-Vierge ; mais bien avec un autre Saint du même nom, Fondateur du Val-des-Ecoliers, comme le remarque for: bien le Pere Henschenius, dans la Differtation qu'il a fait ajouter à la Vie de faint Guillaume Ermite, qui fe trouve dans le second Tome de Février des Actes des Saints de Bollandus au 10. de ce mois.

:

Ce n'est pas feulement avec faint Guillaume, Fondateur du Val-des-Ecoliers, que l'on a confondu faint Guillaume, Fondateur des Guillelmites, puifque Krantius, dans fon Histoire de Saxe, Liv, V. dit qu'il croit qu'il étoit Guillaume ! V. furnommé le Fier à bras. Quelques-uns l'ont pris

ORDRE DIS pour Guillaume VIII. Duc de Guienne: quelques autres

GUILLEL
MITES.

pour fon fils Guillaume IX. & plufieurs pour Guillaume le
Debonnaire, Fondateur de Cluni: en forte qu'il n'y a pref-
que aucun Duc de Guïenne, à commencer depuis Guillau-
me II. dit Téte d'Etoupe,qui n'ait été pris pour le Fondateur
des Guillelmites. Enfin fi l'on veut croire les Religieux de
cet Ordre, ils n'ont point eu d'autre Fondateur que S. Guil-
laume IX. Duc de Guïenne, converti faint Bernard:
par
mais ils ne font pas mieux inftruits que les autres: car ils
n'en ont point eu d'autre que celui du defert de Malaval,
furnommé le Grand ; comme il paroît par cet Acte de l'Evê-
que de Naffau, que nous avons rapporté ci-dessus.

Il eft vrai qu'il eft fort difficile de débrouiller la verité, du grand nombre de fables dans lesquelles elle fe trouve enveloppée, par la faute de plufieurs Auteurs, qui attribuant les actions de faint Guillaume I. Duc d'Aquitaine, & de faint Guillaume IX. Duc de Guïenne, à faint Guillaume de Malaval, & appropriant réciproquement les actions de celui-ci à ces deux faints Ducs, les ont tellement confondus, que des trois ils n'en ont fait qu'un, auffi bien que l'Auteur des Leçons de l'Office de faint Guillaume, qui fe trouve dans le Breviaire des Ermites de faint Augustin,qui ne pouvant fouffrir les contrarietés qui s'y trouvent, ont cru être obligés de les corriger : mais dans l'idée qu'ils ont que c'est faint Guillaume IX. qui eft de leur Ordre, ils ont corrigé

une erreur par une autre erreur.

page

Il faudroit une trop grande Differtation pour faire voir ces erreurs, auffi-bien que celles des Auteurs qui ont écrit fur ces Saints. Bollandus dans l'endroit que j'ai cité à la précédente, traite cette matiere fi amplement, que le Lecteur y trouvera de quoi s'y fatisfaire. Pour moi il me fuffit de croire avec cet Auteur que le Fondateur des Guillelmites eft different de ces deux Saints Ducs: ce qui n'eft pas pas difficile à concevoir, fi on examine attentivement quelques traits de l'Hiftoire qui font particuliers à chacun de ces Saints principalement pour ce qui regarde leur converfion, & le tems & le lieu de leur mort: je les rapporte ici en deux mots, pour la fatisfaction de ceux qui ne voudront pas fe donner la peine de lire tout ce que dit Bollandus à ce fujet.

Le premier de ces Saints eft faint Guillaume I. Duc d'Aquitaine

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