1 P R E F A CE. I Es Ordres Religieux n'aïant pas moins esté de tout tems l'ornement de l'Eglise , qu'ils lui ont este utiles dans les differents besoins où elle s'est trouvée;il ne faut pas s'estonner si la pluspart des Historiens Ecclesiastiques & des Theologiens qui ont traité des matieres Regulieres , & melme quelques Historiens prophanes , ont parlé de leur Origine & de leur Fondation; & il s'est trouvé plusieurs Escrivains qui en ont fait des Histoires particulieres. Les uns, comme Middendorp , Recteur de l'Université de Cologne, dans son Histoire des Ordres Mo. nastiques, n'ont touché que fort legerement ce qui regarde leur Fondation, & se sont plus estendus sur la Discipline & sur l'Observance Reguliere ; & d'autres au contraire n'ont escrit que pour donner connoissance de leur Origine , de leur Fondation & de leurs progrés. Paul Morigia , de l'Ordre des Jeluates, donna en 1569. unc Histoire de toutes les Rcligions qui est assez succinte , & qui fut traduite de l'Italien en François l'an 1578. Silvestre Marule, ou Maurolic , de l'Ordre de Cisteaux & Abbé de Rocmador en Sicile, en donna une plus ample l'an 1613. qui n'est pas neanmoins si estenduë que le titre de Mer Oceane de toutes les Religions du monde, sembloit le promettre. Pierre Crescenze, qui ne prend que la qualité de Patrice de Plaisance, & qui se donne allez à connoistre pour Religieux de n l'Ordre de saint Jerôme , crut avoir exprimé le grand nombre d'Ordres Religieux & Militaires , & les differentes Congregations, en donnant pour titre à son Hiftoire des Ordres Religieux qu'il publia en 1648. celui de Troupes Romaines ,ou Milices Ecclesiastiques , ego Religions Militaires & Claustrales. Mais il auroit pû aug. menter cette Milice , s'il n'ayoit pas omis un grand nombre d'Ordres & de Congregations dont il ne parle point. Silyestre Maurolic auroit pû grossir sa Mer Oceane , s'il y avoit fait aussi entrer plusieurs Ordres dont il ne parle point ; & Paul Morigia auroit pû donner avec plus de justice à son Livre le titre d'Histoire de toutes les Religions, s'il l'avoir augmenté de plus d'un tiers, en y ajoutant aussi plusieurs Ordres & plusjeurs Congregations dont il ne parle point , tous Ordres neanmoins qui estoient déja establis lorsque ces Auteurs ont escrit. Je ne parle point d'Aubert le Mire, Doïen de l'Eglise d'Anvers, qui outre les Origines Monastiques que nous ayons de lui, a encore fait des Histoires & des Chroniques particulieres de quelques Ordres, sur lesquels il ne s'est pas assez estendu ; de Pierre le Gris, Chanoine Regulier de l'Abbaïe de saint Jean des Vignes ; & de plusieurs autres Esçrivains qui ont escrit des Ordres Religieux & de leur Origine. Comme ces Auteurs n'ont traité que de la Fondation de ces Ordres & de leurs progres, ils n'ont parlé qu'en passant des Vies de quelques-uns de leurs Fondateurs. Mais Annibal Canale de la Compagnie de Jesus enfreprit une Histoire assez ample des Patriarches & des Fondateurs de Religions , dont il ne donna en 1623. que la premiere Decade qui commence à Jesus-Christ, & finit à saint Antoine , & qu'il auroit pû continuer plus avant, s'il n'avoit pas mis au nombre des Fondateurs d'Ordres , faint Pierre, saint Clet, faint Ignace Evefque d'Antioche , saint Crescenze, saint Polycarpe, & quelques autres qui ne doivent pas estre compris dans ce rang. Mais soit qu'il n'ait pas achevé son Ouvrage avant que de mourir, de mourir, soit pour quelques autres raisons, l'on n'a pas veu les neuf autres Decades. Le Pere Louis Beurier , de l'Ordre des Celestins, donna en 163 5. les Vies de ces Fondateurs d'Ordres, depuis saint Paul premier Ermite, jusqu'à faint François de Sales; mais il n'a pas esté assez exact pour qu'il ne lui en soit pas eschappé quelques-uns ; & quoiqu'il se trouve aussi une Histoire sous ce Titre, composée par le Pere Estienne Binet de la Compagnie de Jesus, elle ne comprend neanmoins que les Vies de ceux qui sont representés dans les Tableaux que l'on voit dans le Chœur de la magnifique Abbaïe de Lieslies dans le Hainaut. L'intention de ces Auteurs & des autres Catholiques qui ont traité des Ordres Monastiques, a esté de faire connoistre aux Religieux la sainteté de leurs Peres, de leur proposer leurs vercus pour modele, afin qu'ils les imitassent; & de faire revivre dans leurs esprits cette ferveur & ce zele dont ces saints Patriarches d'Ordres estoient animés lorsqu'ils les ont establis; & en delcrivant la maniere de vivre des Religieux pleine d'aufterités & de mortifications, ils ont voulu confondre les Mondains qui menent une vie toute sensuelle , & qui trouvent à redire ( comme remarque un sçavant Fleury , Éscrivain) à leur exterieur fiéloigné de celui des autres Chrestiens. hommes & si distingué dans leurs veltemens, dans la pag. 323. a nouriture, dans les heures du sommeil, dans leurs lo- & des bienfaits. C'est ce que plusieurs disent & ce que Ibid. p.344. plusieurs pensent , parce qu'ils jugent temerairement . La pluspart des Heretiques qui ont écrit sur le mel- que les Escrivains Catholiques, & encherissant sur ce que pensent & di. sent les mondains sensuels, ils n'ont écrit que pour rendre les Religieux odieux & meprisables , & ont cru pouvoir y reussir par les impostures dont leurs Ouvrages sont remplis. Hospinianus entr’autres s'est montré fort éloquent en invectives, lorsqu'il a parlé des Religieux dans son Histoire de l'origine des Moines & des Ordres Monastiques, imprimée à Zurich pour la premiere fois l'an 1588. en quoi ila esté imité par Gil- . bert Pomerose, Ministre de Bordeaux , dans le Traité qu'il a fait du væu de Jacob, opposé aux væux des Moines , qui fut imprimé à Bergerac l'an 1611. où il est aussi parlé de l'origine & de la fondation des Ordres Religicux. Hofpinianus a fait neanmoins paroistre un peu plus de moderation , lorsqu'il est entré dans le detail de la fondation de quelques Ordres Mais comme s'il se repentoit de n'avoir pas assez temoigné d'animofité contre les Religieux dans son Ouvrage, & de n'y |