lorsque l'on ne m'a fait que la description d'un habillement par écrit, & qu'il estoit difficile de le bien representer sans avoir un modele, j'ay mieux aimé ne le point faire graver que de le representer mal, ce qui me seroit arrivé, par exemple, à l'égard des habillemens des Religieuses Benedictines des Abbayes de Bourbourg en Flandres, du Ronceray à Angers, de Moizevaux en Alface & de plusieurs autres, si j'avois fait graver leur coëffure sur un simple recit : car il auroit este impossible de la bien representer sans avoir cu un modele: ainsi nous n'avons pas voulu imiter Schoonebeck, qui sur un simple recit a gravé des habillemens qui n'ont nulle ressemblance à ceux qu'il a voulu representer. Comme il n'y a que quatre Regles principales qui sont celles de saint Bafile, de faint Augustin, de faint faint Benoist, & de saint François; en parlant de ces saints Fondateurs, selon l'Ordre des tems ou ils ont vecu. Je les ferai suivre par tous les Ordres tant Ecclesiastiques que Militaires qui professent leurs Regles, & je diviserai cette Histoire en six parties. La premiere comprendra les Moines de saint Antoine, de faint Bafile, des autres Fondateurs de la vie Monastique en Orient, les Ordres qui ont aussi pris naissance en Orient & les Ordres Militaires qui ont suivi leur Regle. Dans la seconde je parlerai des Chanoines Reguliers de saint Augustin. J'y joindrai aussi ceux qui sont reconnus pour tels, quoi qu'ils n'aïent pas suivi la Regle de ce Saint, ou qui s'attribuent le titre de Chanoines, & je ne separerai pas les Ordres Militaires qui ont quelque liaison avec eux... Comme la Regle de ce faint Docteur de l'Eglise est suivie par un tres grand nombre d'Ordres & de Congregations de l'un & de l'autre sexe, je traiteray dans la troisieme Partie de leurs Origines, de leur progrés & des Ordres Militaires qui sont compris sous la mefme Regle, La quatriéme renfermera aussi tous les Ordres tant Ecclesiastiques que Militaires qui suivent la Regle de faint Benoist. Dans la cinquiéme je joinderai aux Congregations qui suivent la Regle de saint François, les Ordres qui vivent sous des Regles qui leur font particulieres. Et enfin la sixiéme comprendra toutes les Congregations Seculieres, & les Ordres Militaires & de Chevalerie qui ont esté établis, non seulement pour la defense de la Religion Catholique, ou qui ont reçu leurs approbations des Souverains Pontifes; mais encore ceux qui ne font que des marques d'honneur & de distinction, dont quelques Souverains ont voulu recompenfer des Seigneurs de leurs Cours. Je ne pretens pas neanmoins par cet ordre que je garderai, decider sur la préseance que certains Ordres veulent avoir au dessus des autres. Je ne veux point entrer dans leurs differens : il y a trop long-tems que celui des Chanoines Reguliers & des Ermites de saint Augustin touchant le droit d'aînesse dure, pour estre sitost terminé. Jean XXII. pour les mettre d'accord, leur donna en commun l'Eglise de saint Pierre au Ciel d'or de Pavie, où repose le corps de leur Pere, & on leur affigna à chacun un costé pour en estre le maistre. Mais au lieu que cela auroit deu conserver l'union & la charité entr'eux, cela ne servit au contraire qu'à augmen ter leurs divisions par rapport aux offrandes & aux oblations des Fidelles, de forte que l'on fut contraint depuis ce tems-là, de leur donner à desservir cette Eglise à l'alternative pendant un mois ce qui a esté observé pendant un long-tems sans que les divisions aïent ceffé. Mais comme elles augmenterent l'an 1695. au sujet du corps de ce saint Docteur que l'on pretendoit avoir decouvert dans cette Eglise, ils la desservent presentement à l'alternative pendant huit jours. Il est vrai que ces divisions ne sont pas si grandes qu'elles le furent sous le Pontificat de Sixte IV. l'an 1484. lorsqu'ils disputerent ensemble de l'habit & du portrait de leur Pere. Il y eut plusieurs escrits de part & d'autre. Dominique de Trevise & Eufebe de Milan prirent la défense des Chanoines, & Paul de Bergame celle des Ermites. Ce Pape leur imposa filence, mais la dispute estoit trop échauffée pour que les uns & les autres pussent demeurer dans le filence; car nonobstant le Decret du Pape, Ambroise Coriolan General des Ermites, fit encore en leur faveur une Apologie, & les Chanoines y répondirent. Les Moines de saint Bafile en Italie & les Carmes ne sont pas plus d'accord. Les premiers pretendent que l'Ordre des Carmes est une branche de celui de saint Basile, fur ce que les Carmes se vantoient autrefois que la Regle qu'ils ont reçuë du Patriarche Albert, estoit tirée des Ecrits de saint Bafile. C'est ce que l'on voit encore à la teste de leurs anciennes Constitutions que j'ai, & qui ont pour titre : Regula ex fancti Bafilii Joannis quadragefimi quarti Epifcopi Jerofolimitani scrip-. tis, ab Alberto Patriarcha Ferofolimitano extracta, &c. Ce qu'ils ont retranché dans les nouvelles afin de ne plus donner lieu aux Bafiliens qui les regardoient comme freres, de pretendre aucune alliance avec eux. Ils font au contraire remonter leur origine plus de douze cens ans avant la naissance de saint Bafile, soustenant qu'ils font descendus du Prophete Elie, qu'ils regardent comme le Pere & le Fondateur de leur Ordre, & mefme l'an 1670. ils intenterent procès aux Bafiliens, sur ce qu'ils avoient dans leur Couvent de Troïna en Sicile, un tableau de ce Prophete qui n'estoit pas habillé en Carme. Ce procès fut porté à plusieurs Tribunaux & ne fut terminé qu'en 1686. comme je le dirai plus au long dans mon histoire. fai Quoique saint Jerôme n'ait fondé aucun Ordre, & n'ait écrit aucune Regle, & que les Religieux qui portent son nom, ne foient qu'une production du quatorziéme fiécle, ils veulent neanmoins avoir la preséance sur tous les autres Ordres, mesme sur ceux de S. Augustin & de S. Benoist, qu'ils pretendent n'estre que des branches de celui de S. Jerôme. C'est ainsi que Crescenze en parle dans la premiere partie de son Histoire qui contient plus de quatre cens pages, sant les deux tiers du Livre, & qui n'est qu'un éloge outré de l'Ordre de saint Jerôme, qu'il compare au fleuve du Rhin qui se divise en plusieurs bras, sous differens noms : & après avoir combattu l'antiquité que pretendent les Carmes, il tombe dans le mesme excés, en disant que son Ordre a pris son origine au tems des Prophetes, qu'il a esté restabli par saint Antoine, estendu par saint Jerôme, repandu par tout • l'Univers; tantost se maintenant de lui-mesme, tantost changeant de nom & s'unissant à d'autres, sans ceffer d'estre toûjours l'Ordre de saint Jerôme. Voici cene. Prefid. ses paroles : Ecco l'Ordine Gieronimiano, originato da Pro- Pietr. Cref pheti, ristorato da san Antonio, dilatato da fan Gironamo, Romano diffuso nell' nell' universo, hor da se mantiensi, hor muta nome, ad altri so unisce, sensa mutarsi d'essere. è Part. 1.pag. 363. L'on croiroit peut-estre qu'il n'y a eu que les Carmes & les Religieux de l'Ordre de faint Jerosme, qui aïent pretendu une antiquité si éloignée, qu'ils l'ont fait remonter jusqu'au tems des Prophetes; puisque quelques Ordres Hospitaliers, qui après eux se ventent d'estre plus anciens que les autres Religieux, n'avoient ofé chercher leur origine dans l'Ancien Teftament, & s'estoient contentés de la fixer au tems de Jesus-Christ, en reconnoissant sainte Marthe pour leur Fondatrice; parce que le Sauveur du monde aïant esté la voir auffi bien que sa sœur Magdelaine, dans leur Château de Bethanie, Marthe avoit eu le soin & l'embarras de la maison pour le recevoir. Mais le frere Paul de saint Sebastien, Religieux Hospitalier de l'Ordre de faint Jean de Dieu, qui prend la qualité de Definiteur & d'Infirmier majeur, a esté plus hardi que les autres. Il est allé chercher dans l'Ancien Testament un Fondateur, & pretend que son Ordre est plus ancien de neuf cens ans que celui des Carmes. Par quel droit, dit-il, pretendent-ils estre plus anciens que nous ? par quels titres veulent-ils prendre rang au dessus de nous ? fi par le moïen de leurs Peres, ils remontent jusqu'à neuf cens ans avant la naissance de Jesus-Christ avec le Prophere Elie; pour nous nous trouvons notre origine neuf cens avant la naissance d'Elie : Quo jure pretendunt illi Apud Papeeffe antiquiores nobis, & qua veritate nobis se volunt ante ponf. ad P. poni? fienim per fuos patres attollunt fe ad nongentos annospa ance Chriftum cum Elia ; nos ad alios nongentos annos ante 16. n. 108 broch Ref Sebast. à S. |