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ARME.

NIENS.

terres qui dependent du Sophi de Perfe; outre quinze Con- MOINS vents de filles de la mesme Nation, les uns & les autres estant Schifmatiques & Heretiques à l'exception des Monasteres de Naxivan & de la Province qui porte ce nom, où les Religieux & Religieuses sont Catholiques. Il y a encore deplus, environ dix Convents d'Armeniens dans les lieux qui sont sous la dépendance des Turcs.

Quoiqu'ils foient pauvres dans la pluspart de leurs Convents, ils font neanmoins très riches à Jerufalem, & les plus puissans parmi les Schifmatiques. Ils y possedent trois EgliTes, dont la premiere estoit autrefois en la maison de Caïphe, laquelle eft hors l'enceinte de la ville: la seconde, dans la ville à l'endroit où estoit la maison d'Anne ; & la troifiéme au lieu où saint Jacques fut decapité. Cette derniere leur fert de Paroiffe & eft ornée fort proprement. Ils ont aussi le champ appellé Haceldama, qu'ils ont acheté, & où ils ensevelissent leurs pelerins; & dans l'Eglise du saint Sepulcre, il y a trois arcades qui leur appartiennent. D'une ils en ont fait une chapelle, où ils celebrent la Messe, & font leur Office ; &les deux autres fervent de demeure à quelques Religieux qui y logent. Outre cela, ils ont fait baltir une chapelle au lieu où les habits de Noftre-Seigneur furent tirés

au fort.

Ils font tous grands ennemis des Grecs, avec lesquels ils ont toûjours quelque dispute. Ils s'accordent mieux avec les Latins, & vivent en bonne intelligence avec les Religieux de faint François qui font en Terre fainte. Comme on accusoit ces Religieux de n'avoir pas voulu reconnoistre le Conful François que le Roi envoïa à Jerufalem en 1700. & d'avoir esté cause du tumulte qui arriva dans cette ville à fon occasion; les Armeniens donnerent un certificat que j'ai veu, signé de plus de quarante, tant Evesques que Vartabieds, & des principaux de leur Nation, pour la juftification des Religieux de S. François,qui avoient reconnu avec soumission le Conful. Le sceau du Convent de S. Jacques est à la teste de ce certificat, accompagné du cachet de chaque particulier, qui a signé le certificat, lequel est daté du 7. Juin de l'année Armenienne 1149. qui répond à l'an de Jesus-Chrift 1700.

L'Evesque qui est à Jerufalem, prend la qualité d'Evesque de cette ville, & obeit au I atriarche refidant à Cis, qui tient

ARME

MOINES un Vicaire à Jerufalem, avec environ vingt-cinq Religieux dans les lieux dont nous avons parlé ci-dessus. La pluspart de NIINS leurs Eglises sont propres & ornées de tableaux; mais ils abhorrent les figures en relief. Ils recitent l'Ofice, & celebrent la Messe en langue Armenienne, felon le Rit particulier à cette Nation, & confacrent avec du pain azime, de la grandeur d'un escu, épais d'un demi doigt. L'orsqu'ils celebrent une Messe haute, les Religieux & les Prestres, à la cadance de leur chant avec les seculiers, frappent des Cimballes l'une contre l'autre. Ces Cimbales sont comme des affiettes de cuivre, & d'autres frappent aussi avec un morceau de fer sur une espece de timbre d'horloge.

De tous les Orientaux, ils font les plus zelés pour la Reli gion Chreftienne; car de cette Nation,il y en a peu qui se fasse

Baillet, Wies Turc. M. Baillet les veut faire passer pour les plus grands jeûdes ss Tom. neurs de la Chrestientés à cause, dit-il, de la multitude de 4. Edit. in leurs caresmes, qu'il ne reduit néanmoins qu'à huit, quoi las-ptuagef. qu'ils en aïent onze, comme nous allons montrer. Les Grecs

fol. Hift. de

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ont cependant plus de jeûnes que les Armeniens, quoiqu'ils naïent pas tant de caresmes differents; & il y a des années où ils ont quelquefois quinze jours de jeûne plus qu'eux, felon que la Feste de Pâques est plus ou moins avancée, ou reculée ; puisque le caresme des Apostres chez les Grecs, commence huit jours après la Pentecofte...

Comme de plusieurs Auteurs que j'ai leus, & qui traitent de la Religion des Armeniens je n'en ai trouvé aucun qui s'accorde touchant leurs jeûnes; je m'en suis informé à des Armeniens mesimes, & voici ce que m'ont dit encore ces Pre--stres d'Andrinople, dont j'ai parlé, & qui se trouve auifi con forme à ce que j'en ai appris de M. l'Evefque d'Hifpaham. Les Armeniens ont onze caresmes. Le premier qui s'appelle Surpe-SarKifi-bas, le jeûne de faint Sergius, est de cinq jours. Ils Te nomment aussi des Ninivites ou de Jonas: mais le nom d'ArtZibure, que quelques-uns lui donnent, est une pure calomnie que les Grecs, qui font les ennemis irreconciliables des Armeniens, ont inventée. Ces Prestres d'Andrinople m'ont assuré qu'il n'y avoit que les Evesques, les Prestres, & les Religieux, qui scussent la signification de ce mot d'Artzibure, & que le Peuple ne sçauroit ce qu'on lui voudroit dire, fi on lui parloit din caresme d'Artzibure, ne connoissant ce premier caresme,,

MOINES

10. Annal.

Quaresm,

qite sous le nom de Surpe-SarKifi-bas, caresme de S. Sergius. ARME-
Ce mot d'Artzibure, fignifie Precurseur ou Avant-cou-NIENS.
reur, qui annonce une chose prête à arriver. Les Grecs pre- Baron. To.
rendent que c'estoit le nom du chien de l'Heresiarque Sergius, adam.863.
dont les Armeniens ont esté les Disciples, & que ce chien fut n. 52.
ainsi nommé, parce qu'il avoit accoutumé de courir devant Francise.
eet Herefiarque, & avertissoit par ce moïen que son Maistre Elucid.Ter.
estoit proche, afin qu'on le vînt recevoir. Ce chien se perdit rasancta To.
un jour dans un bois, & Sergius s'estant mis en chemin le len- 1.lib. 1. cap.
demain à fon ordinaire, pour aller au lieu où il l'avoit envoïé, Baillet Vies
il fut furpris de ce que personne ne venoit au devant de lui; des Ss. Tom.
mais sçachant qu'Artzibure n'estoit point vemu, il fe douta fol. Hist.
que quelque loup l'avoit mangé dansle bois; ce qui se trouva lafeptuages.
vrai. L'affliction qu'il en eut fut fi grande (à ce que prétendent art. 7.
les Grecs) qu'il ordonna un jeûne general, qui se devoit re-
nouveller tous les ans durant toute une semaine.

45.

4. Edit. in

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chien de

Les Armeniens ne regardent cette fable, que comme une imposture inventée par les Grecs ; à caufe qu'ils observent ce jeune en memoire de saint Sergius Martyr, qui estoir Grec & que les Grecs ne veulent point reconnoistre pourtel; di-. sant qu'un Grec qui s'estoit mis au service des Armeniens, ne pouvoit pas estre Saint, ni avoir remporté la Couronne du martyre; & qu'ainsi ils n'ont inventé la fable du l'herefiarque Sergius, que pour rendre ce jeûne odieux à tou tes les Nations. Ce faint Sergius Martyr selon lesArmeniens, estoit, comme nous avons dit, Grec de naissance, & Officier dans les troupes d'un Roi d'Armenie qui estoit Idolâtre. H acquit, à cequ'ils prétendent, beaucoup de gloire dans plusieurs actions, où il eut le commandement de quelques troupes, ce qui lui attira l'estime & l'amitié du Prince, & donna en mefme tems de la jaloufie aux Armeniens qui le denoncerent à ce Prince comme un Grec, que ceux de sa nation avoient envoïé en Armenie pour servir d'espion. Le Roi, pour s'assurer de la fidelité de Sergius, voulut l'obliger desacrifier aux Idoles i ce qu'aïant refusé de faire, il le fit Mourir, & les Armeniens l'ont honoré comune Martyr, prétendant que c'est en fon.honneur que ce jeûne à esté institué.

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Le second-caresme, qu'ils appellent Miez-bas: c'est-à-dire, le grand caresme, commence au Lindi de la Quinquagefime, & dure cinquante jours, pendant lesquels ils ne mangent ni

de

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ARME

MOINES laitage, ni huile, ni poiffon, & ne boivent point de vin. Le troifiéme s'appelle Surpe-Eliai-bas le caresme de saint Elie, & NIENS. dure cinq jours. Le quatriéme en l'honneur de faint Gregoire l'Illuminateur Surpe-Gregori-bas, eft encore de cinq jours. Le cinquiéme, qu'ils nomment Vartivari-bas, de carefme de la Transfiguration, dure auffi cinq jours, & ils peuvent manger des œufs & du laitage le Samedi. Le fixieme, de l'Afsomption de la fainte Vierge, Aftouvasasna-bas, est de mesme que le précedent. Le septiéme de l'Exaltation de la sainte Croix qu'ils nomment Surpe-Kaggi-bas, eft pareillement de cinq jours, aussi-bien que celui qui le suit, & qu'ils obfervent en l'honneur de l'Invention d'une croix qui fut trouvée sur le MontVarak, le nommant pour ce sujet VaraKa-Kaggi-bas, le carefme de la Croix du Mont-Varak. Voici comme ils racontent l'origine de ce jeûne.

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Ils disent que fainte Rupfimée, Vierge Romaine, pour éviter la perfecution de l'Empereur Licinius, vint se refugier en Armenie; & se retira fur le Mont-Varak, avec environ trente autres Vierges qui l'avoient fuivie: que le Roi Tiridate, l'aïant voulu époufer & l'obliger de sacrifier aux Idoles, elle n'avoit pas voulu y confentir, aimant mieux souffrir la mort: que voïant qu'on alloit se saisir d'elle, elle ôta de fon cou une croix qu'elle portoit; & qu'apprehendant qu'elle ne fût profanée, elle la posa sur une pierre qui s'ouvrit pour la recevoir & se referma en mesme tems: qu'à quelque-tems de là, le Roi aïant esté converti à la Foi avec tout le Peuple, on avoit veu une grande lumiere au lieu où cette croix estoit; ce qui y aïant attiré le peuple, on trouva que la pierre s'estoit ouverte: qu'on découvrit la croix de sainte Rupsimée: qu'en memoire de çe miracle, le Roi Tiridate avoit fait bastir, auprès de ce lieu, un fameux Monastere qui subsiste encore, où il y a un grand nombre de Religieux, & qu'on institua aussi un jeûne de cinq jours,qui s'appelle, comme nous avons dit, VaraKaKaggi-bas. Comme les Armeniens donnent beaucoup dans la fable auffi-bien que les autres Orientaux; il y en a quelquesuns qui disent: qu'après que le Roi Tiridate eut fait mourir fainte Rupsimée, il fut changé en pourceau, & qu'il demeura en cet eftat jusques à ce qu'il en fust tiré par les prieres de faint Gregoire l'Illuminateur: c'est ce que leurs Vartabieds font accroire au peuple.

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