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VIE DES. n'estoit qu'une natte, quelquefois la terre nuë, & ne se frotANTOINE. toit jamais d'huile, qui estoit en ce païs-là une grande auf

terité.

Antoine, qui ne cherchoit qu'à s'avancer de plus en plus dans la perfection, crut que le voisinage du bourg de sa naissance, qui estoit proche de sa retraite, estoit un empefchement pour y parvenir: c'est pourquoi aïant communiqué le dessein qu'il avoit pris à un de ses amis, qu'il pria de lui apporter du pain de tems en tems ; il alla s'enfermer dans un sepulchre très efloigné, dont l'Egypte estoit pleine, & qui eftoient tous des baftimens confiderables. Mais le demon, qui jusques alors n'avoit fait que des efforts fur fon cœur, l'attaqua visiblement l'aïant fi cruellement tourmenté fur fon corps, qu'il le laissa étendu par terre, sans pouvoir parler, & fouffrant des douleurs exceffives. Son ami estant venu le lendemain pour lui apporter du pain à son ordinaire, fut contraint de le porter sur Ton dos dans le bourg pour le faire guerir defes plaïes; mais le Saint estant revenu à lui, le pria de le reporter dans ce sepulchre, & ne pouvant se tenir sur fes jambes, à caufe des coups qu'il avoit reçus: couché par terre, il deffioit les demons, & les attaquoit lui-mefme.

Pour lors il entendit un grand bruit, tout le bastiment en fut ébranlé, les murailles de la chambre s'estant ouvertes, les demons y entrerent en foule fous des formes monftrueuses de toutes fortes d'animaux; & continuant à les mepriser, un raïon de lumiere qui venoit à lui, dissipa tous ces esprits de tenebres; ses douleurs cefferent, le bastiment se trouva rétabli ; & il entendit une voix du Ciel, qui lui promit de l'assister toûjours, & de le rendre celebre par toute la terre. Après cela il demeura encore un très long-tems en ce lieu.

Ainsi se passerent les quinze premieres années de fa retraite, ou felon quelques-uns les vingt premieres années. Mais suivant le mouvement qu'il fentit de se retirer dans un Defert plus écarté, pour se cacher davantage aux hommes, il fortit de ce fepulchre pour aller sur la montagne. Le demon lui tendit plufreurs pieges fur le chemin, le tentant d'avarice en lui faisant paroistre un plat d'argent qui s'evanoüit comme de la fumée, lorsqu'il se fut apperçu de l'artifice de ce malin esprit qui s'eftoit fervi de cetre rufe croïant qu'il le ramasseroit dans le deffein d'en faire l'aumône. Un peu plus loin, il vit une grande quantité d'or,

ANTOINE.

mais il passa par dessus avec le mefme mépris, & redoublant sa VIE DE S marche il arriva enfin à la montagne, ou il trouva un vieux Chasteau abandonné des hommes, dans lequel plusieurs animaux faifoient leur demeure, qui s'enfuirent aufssi-toft que le Saint y fut entré, dans la resolution d'y demeurer. Ilen ferma la porte, aïant fait sa provision de pain pour fix mois. Ses amis qui le venoient visiter, & qui estoient contraints de paffer souvent les jours & les nuits au dehors à cause qu'il ne se laissoit voir à personne, lui en jettoient pardessus le toit deux fois l'année; & il demeura ainsi vingt ans dans cette retraite. Plusieurs personnes qui vouloient suivre ses exemples & fe joindre à lui, & ses amis mesme, aïant voulu rompre la porte; il en fortit pour devenir le Pere d'une infinité de Solitaires qui peuplerent l'Egypte. Les uns demeurerent auprès de lui à l'Orient du Nil en un lieu nommé Pisper; les autres à l'Occident vers la ville d'Arfinoé; & ce fut pour lors, c'est à dire vers l'an 305.que plusieurs embrassant la vie Monastique par les frequentes exhortations de nostre Saint, il se fit plusieurs Monafteres, qu'il gouvernoit tous comme leur Pere. Ces faints Solitaires s'ocCupoient continuellement au chant, à l'étude, au jeûne, à la priere & au travail, pour pouvoir donner l'aumosne; conferVant entr'eux une grande charité & une grande union, Saint Antoine leur faisoit des discours de tems en tems, pour les exeiter à vivre dans leur profession avec toute la ferveur qu'ils devoient ; & ces Disciples instruits par un si sçavant Maistre, devinrent comme des Anges sur la terre.

Environ l'an 311. la perfecution estant allumée contre les Chrestiens par la fureur du Tiran Maximin; Antoine qui brusloit du defir du martyre, quitta son Desert, où les autres fe retiroient pour l'éviter, & vint à Alexandrie. Il ne voulut Pas neanmoins se livrer lui-mesme; mais il servoit les ConfefTeurs dans les mines & dans les prifons, il encourageoit devant Les Tribunaux ceux qu'on y faifoit venir; & les accompagnoir jusques au fupplice. Le Juge voïant sa fermeté & celle de Les Compagnons, deffendit à aucun Moine de paroistre dans les jugemens, & de sejourner dans la ville. Antoine méprifant cette Ordonnance, se mit le lendemain dans un lieu élevé, & avoit exprès lavé fon manteau qui estoit blanc, afin qu'on Le vit plûtost: mais Diett qui le refervoit pour l'instruction des Solitaires ne permit pas qu'il fouffrist le martyre.

VIE DES.

La perfecution estant ceffée, il retourna à son Monaftere, A où il demeura quelque tems enfermé, sans vouloir ouvrir à ceux qui le venoient importuner pour estre guéris de leurs maux ; mais ils ne laissoient pas d'estre délivrés, en se tenant assis hors du Monaftere, & priant avec foi. Enfin vou'ant fu'r la vanité & conferver la retraite, il resolut d'aller dans la haute The baïde où il estoit inconnu. Comme il ne sçavoit pas le chemin, il se joignit à des Sarrafins qui alloient de ce costé-là; & aïant marché avec-eux trois jours & trois nuits, il arriva à une montagne très-haute, où il y avoit une fontaine & quelques palmiers. Ce lieu lui plut, & il y resta, aïant pris du pain de ces Sarrafins qui l'avoient conduit, & qui y repafssoient exprès pour lui en donner. Cette montagne est à une journée de la Mer-rouge, & on la nomme presentement Colzim, ou Montfaint Antoine. Il fut neanmoins encore obligé de quitter cette folitude pour retourner une seconde fois à Alexandrie, afin d'assister l'Eglise dans la guerre que lui avoient declarée les Ariens; & dans le tems que ces Heretiques dechiroient la reputation de saint Athanase, il demeura toûjours ami & attaché à ce saint Prelat,

Nous avons suffisamment parlé dans le Chapitre précedent, de la visite qu'il rendit à saint Paul Ermite; & pour ne nous pas éloigner du dessein que nous avons de faire seulement un abbregé de sa vie, aussi bien que de celles des autres Fondateurs d'Ordres; nous passons sous filence les guérisons miraculeuses qu'il a faites, ses disputes avec plusieurs Philofophes qu'il confondit, la Lettre que l'Empereur Constantin lui escrivit, & la response qu'il y fit en faveur de faint Athanase,

Il rendit visite aux Moines qui estoient dans la montagne exterieure, selon sa coûtume; & dit à deux de ses Disciples qui estoient auprès de lui, sçavoir Macaire & Amatas, qui le fervoient depuis quinze ans à cause de sa vieillesse, qu'il alloit mourir; mais qu'il leur recommandoit de ne pas permettre que fon corps fust porté en Egypte, depeur qu'on ne le gardaft dans les maisons, comme c'estoit la coûtume des Egyptiens, qui croïoient ainsi honorer leurs morts. Partagez, leur dit-il, mes habits. Donnez à l'Evesque Athanase, une de mes peaux de brebis, avec le manteau sur lequel je cuche, qu'il m'a donné tout neuf, & que j'ai ufé. Donnez à l'Evefque Serapion l'autre peau de brebis; & gardez pour vous mon cilice, Le Martyrologe des Coptes ajoute, qu'il laissa son bafton à VIE DES. faint Macaire, apparemment l'Egyptien qui avoit este son ANTOINE Disciple. Après avoir ainsi parlé, il les embraffa; & s'estant couché, il demeura quelque tems en cet estat avec un visage gai, comme s'il eust veu ses amis le venir voir, & mourut ainsi le 17. Janvier de l'an 356. estant âgé de cent cinq ans,

Hoft. Escl.

Il paroist par cette distribution que faint Antoine fit de ses habits à ceux qui lui estoient les plus chers; qu'il avoit reçu deux manteaux de faint Athanase, l'un dont il avoit envelop+ pé le corps de faint Paul Ermite lorsque quinze ans auparavant ou environ, il lui avoit donné la sepulture; & l'autre depuis ce tems, qui estoit tout ufé, & sur lequel il se couchoit; mais celui dont il se servoit ordinairement estoit une peau de brebis, qu'il mettoit pardessus sa tunique que l'on nommoit ordi- De Tillert. nairement Cilice, & qui estoit faite de poil de chevre. Il avoit Mem. pour deux de ces manteaux de peaux de brebis, qu'on appelloit feruirà mellotes; puisqu'il en donna un à saint Athanase, & l'autre à Tem.7.pa S. Serapion; l'on pretend aussi qu'il avoit un Capuce fait com- . me un casque. On a donné plusieurs fignifications au mot d'E+ pendytes dont il est parlé dans la vie de ce Saint : Lavit Ependytem fuum. Les uns ont pretendu, que cela devoit s'entendre d'un habillement qu'on mettoit pardessus les autres. Il y en a qui veulent que ce soit un scapulaire, d'autres un camail, d'autres un manteau, d'autres enfin une espece de surplis, ou d'aumuce. M. d'Andilly a néanmoins donné le nom de robe à ce mot d'Ependites dans la vie de faint Antoine. M. l'Abbé Fleury. Fleury dit: que lorsqu'il alla à Alexandrie dans le dessein d'y Tem..pag fouffrir le martyre, bien loin de se cacher comme les autres fai- 676 foient, il se mit en un lieu élevé, aïant exprès lavé fon habit Bolland. de deffus qui eftoit blanc, afin qu'il parust davantage. Mais Bol-Janv. paglandus prétend que dans la vie de ce S. Ependytes est pris pour 119. melottes & ces melottes n'estant autre chose que des manreaux faits de peaux de brebis ; c'estoient des manteaux faits de peaux de brebis blanches avec le poil, dont se servoit S.Antoine. Quant à ceux que Athanase lui avoit donnés, ils devoient estre bien plus longsspuisquel'un avoit servi à enfevelirle corps de saint Paul Ermire, & que l'autre servoit de lit à S. Antoine.

Il est resté quelques Ouvrages de ce Saint qui furent traduits en grec, & du grec en latin. Entre ces Ouvrages, il y a quelques Leures dont on n'avoit connoissance que de sepe

H ft. Ecol.

Alt. Ss. 17. ANTOINE.

VIE Dr. S. avant qu'Abraham Ecchellensis en eût publié vingt, qu'il a traduites de l'Arabe en Latin, & qui furent imprimées à Paris en 1641. Il y a aussi une Regle sous le nom de saint Antoine adreffée aux Moines de Nacalon qui la lui avoient demandée. Mais quoique M. de Tillemont dise qu'elle a sans doute efté suivie par les Moines d'Orient qui prennent encore aujourd'hui le titre de Moines de saint Antoine, comme font ceux du Mont Liban; il est néanmoins certain que les Maronites qui demeurent au Mont Liban ne suivent point cette Regle, non plus que quelques Armeniens, les Jacobites, les Coptes & les Abyssins, quoiqu'ils se qualifient tous Moines de l'Ordre de S. Antoine; ils ne gardent mesme aucune Regle particuliere, n'aïant que quelques Obfervances tirées des Afcetiques de S. Bafile qui font communes pour les Monasteres de chaque Secte.

Bulteau,

849.

L'on ne parloit point encore d'Ordre de faint Antoine au comH.A. M.- mencement du septiéme siécle. Ce Saint ni ses Disciples n'anast. d'o- voient pas formé d'Ordre particulier. Ils estoient censés ce Page qu'on appelloit en general l'Ordre Monastique; mais dans la suite des tems la Regle de faint Basile s'estant fort estenduë parmi les Grecs, & ceux qui en faifoient profession s'estant alors diftingués des autres Religieux, en se qualifiant Moines de l'Ordre de faint Bafile; plusieurs autres Solitaires de diverses Nations, qui avoient toujours conservé beaucoup de veneration pour saint Antoine qu'ils reconnoiffoient pour leur Pere & leur Patriarche, se diftinguerent aussi, en prenant la qualité de Moines de l'Ordre de S. Antoine; quoique leurs obfervances eussent pour fondement les Ascetiques de S. Bafile qu'ils avoient reçuës auffi-bien que les Grecs. C'est pourquoi M. l'Abbé Renaudot, si celebre parmi les Sçavans, pour la de la foie grande connoiffance qu'il a de l'Histoire & des Langues Tom.5 Ch. Orientales, principalement pour ce qui regarde la Religion 6. Pa3-297. des Orientaux, fait observer: qu'on ne doit point mettre de

Foi.

distinction entre les Religieux de saint Antoine, & de faint Bafile, ou de quelques autres Ordres: puisque tous pratiquent la mefme Regle, & qu'ils ont les mesmes abstinences & les mesmes exercices spirituels: que les Regles de faint Bafile, comprises dans ses Afcetiques, aïant este reçuës par tous les Religieux d'Orient, il y a en cela une entiere conformité entre les Grecs, les Armeniens, les Egyptiens, les Ethiopiens, & toutes les Nations; sans que la difference des Sectes

ait

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