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voulu que

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wes sans cela , & suivre quelques usages qui leur tenoient lieu de Regle : que ce qui a fait de la peine au P. de Montfaucony c'est que les Therapeutes admettoient des femmes dans leurs assemblées, ce qu'il regarde comme aïant toûjours esté ellentiellement defendu aux Moines : qu'il ne devoit point s'arrester à cette difficulté:que les premiers Chrestiens l'estoient de li bonne foi , qu'ils pouvoient frequenter les femmes sans aucun danger : que faint Pierre melme & les autres Apostres menoient des femmes avec eux , sans que personne en fust fcandalisé: qu'il en pouvoit bien estre de mesme des Moines, supposé, dit-il , qu'il y en eust: & que si les choses ont changé

depuis , ce peut estre à cause des abus qui se sont glissés dans les Monasteres ; mais que cette circonstance feule ne l'empelcheroit pas de croire que les Therapeutes ne fussent de veritables Moines.

Il s'agit donc de sçavoir s'ils estoient Chrestiens ; mais M. B***, qui eft ce sçavant Magistrat dont nous parlons , & que nous ne nommerons point ; puisqu'il n'a

pas son nom parust à cette Lettre lorsqu'elle a este imprimée en 1712. avec la response que lui fit le P. de Montfaucon , & sa replique à ce Pere ; quoique ses sçavantes remarques

sur la Religion des Therapeutes & l'origine de la vie Monastique ne puissent que lay faire honneur , & luy attirer beaucoup d'applaudissement ; M.B*** , dis-je, estant persuadé au contraire que les Therapeutes estoient Juifs, tâche à le prouver par plusieurs raisons. Il ne peut croire que Philon l'un des plus

. zelés Partisans de la Religion Juive ait fait un discours exprès à dessein de louer les Chrestiens , pour lesquels les Juifs ont eu de tout tems de l'aversion ; & que l'an 68. qui est le tems que le P. de Montfaucon suppose que Philon a elcrit , & où le Christianisme ne faisoit , pour ainsi dire,que de naistre, les Chrestiens fussent assez connus dans le monde pour engager un homme d'une autre Religion à dire d’eux, comme. fait Philon , qu'ils font répandus en plusieurs endroits du monde , & qu'il estoit juste que les Grecs & les Barbares

& fussent participans d'un si grand bien. Il examine ce quiconcerne les Monasteres des Therapeutes, leurs anciens escrivains , leurs chefs, leurs chants, leurs hymes, & toutes leurs observances , & il n'y trouve rien qui ne ressente le Judaisme, ou qui ne soit opposé à la Religion Chrestienne.

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A cela le P.de Montfaucon respond que lesChrestiens judarfans, tels que ceux dont parle Philon , estoient regardés comme Juifs : qu'ils pasluient pour tels : que non seulement ils se regardoient comme Juifs , mais qu'ils te glorifioient de ce nom : & que l'an

68. de Jesus-Christ , c'est-à-dire plus de vingt ans après que saint Marc eur escrit son Evangile, le Christianisme eitoit beaucoup répandu par tout le monde , & que ses progrès ne pouvoient pas estre inconnus à Philon. Après avoir examiné de nouveau toutes leurs observances , il n'y trouve rien d'opposé au Christianisme ; & enfin dans la mesme refponse il semble convenir que les Therapeutes estoient Moines; car il dit qu'il n'a pas pris ce mot de Moine dans sa signification generale, qui est colitaire : qu'en ce sens là, non leulement les Therapeutes qui demeuroient au Mont de Nitrie ; mais aussi toutes sortes de gens qui vivoient dans la retraite, devoient estre appellés Moines : que la question estoit , si le terme de Moines eltoit déja consacré du tems de Philon pour signifier des solitaires Chrestiens , & fi l'institut des Solitaires Therapeutes estoit de la mesme façon qu'il fut depuis establi lorsqu'on leur donna le nom de Moines : qu'il ne s'agit que de cela : que si l'on n'en veut pas convenir, ce ne lera plus qu'une question de nom.

M. B***, dans sa replique à ce sçavant Benedictin , perfiftant dans son sentiment que les Therapeutes estoient Juifs , ajouste pour en convaincre , de nouvelles raisons à celles qu'il avoit avancées dans sa Lettre ; & pour ce qui regarde leur profession Monastique , il dit au P. de Montfaucon qu'il ne s'agit pas d'une pure question de nom : qu'il n'a jamais enrendu disputer sur celui qu’on a donné aux premiers Fondateurs de la vie Monaftique : qu'il a seulement soustenu que cette profeilion n'estoit pas encore connuë du tems de Philon; & pour preuves il apporte des témoignages précis , à ce qu'il prétend, des Peres de l'Eglise, & ausquels il croit qu'on nę peut respondre.Il lui repete en plusieurs endroits ce qu'il avoit déja dit dans sa premiere Lettre; que si les Therapeutes ont esté Chrestiens,ils ont esté de vrays Moines.

Mais comme dans cette mesme Lettre il avoit dit , pag. 21. que ces femmes que les Therapeutes admettoient dans leurs allemblées , ne devoient

pas

estre une raison pour empelcher le P. de Montfaucon de les reconnoistre pour Moines :

à

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qu'il lui avoit mesme apporté l'exemple de faint Pierre & des Apostres qui menoient des femmes avec eux sans qu'on en fust scandalisé : qu'il en pouvoit estre de mesıne des Moines de ce tems là , supposé, dit-il, qu'il y en euft, & que cette circonfstance seule ne l'empescheroit pas de croire que les Thera- . peutes ne fussent de veritables Moines ; comment pouvoir accorder cela, & ce qu'il dir en plusieurs endroits , que si les Therapeutes ont esté Chretiens , ils ont esté de vrais Moines; avec ce que l'on lit à la pag. 274. de fa replique , que le com merce de ces Therapeutes avec les femmes, les danses dont ils entrelassoient leurs prieres , leur Jeusne le jour du Dimanche, sont des choses si contraires à la discipline Monastique, & mesa ie Chrestienne de tous les tems , qu'il admire comment cette precenduë ressemblance a pu tromper personne ?

Si M. B*** avoit prouvé que les observations Judaïques avoient toûjours estě incompatibles avec le Christianisme , & qu'elles n'avoient jamais esté tolerées dans l'Eglise d'Alexandrie , je pourrois me rendre à ses raisons , & en regardang coinme Juifs les Therapeutes, je ne rapporterois pas à ces Solitaires , l'origine & l'Institution de la vie Monastique ; mais lorsqu'Eusebe , faint Jerôme , un grand nombre d'autres Peres de l'Eglise, & d'illustres Escrivains , tant anciens que modernes , ont regardé les Therapeutes comme Chrestiens, quoique persuadez qu'ils avoient des observances Judaïques , & que la pluspart les ont reconnus pour les Instituteurs de la vie Monastique ; je n'ai garde de m'éloigner de leur sentiment, M. B*** ne peut pas nier que l'Eglise d'Alexandrie n'ait retenu beaucoup d'observances Judaïques qui pouvoient s’accorder avec le Christianisme. Celles que pratiquoient les Therapeutes , & dont Philon a fait la description", n'ont pas empesché faint Jerône de les reconnoistre pour Chrestiens, & de dire que cer Historien Juif , n'avoit fait l'éloge des premiers Chretiens de l'Eglise d'Alexandrie qui Judaïloit encore , que pour relever la gloire de la Nation. I bilo diferiij mus Judecrum, videns Alexandrie primam Ecclefiam adhuc Judaisantem, fcrip. Es quasi in laudem gentis fue, librum fuper eorum coversatione del fcrifit. M. de Tillemont avouë que cette Eglise estant composée principalement de Juifs , retenoit encore beaucoup d’ob- pour Hij fervations Judaïques , & qu'on peut allurer que Philon n’at- Esmerter tribuë rien aux Therapeutes , qui ne s'accordât avec le Judaïi- Page 103

Hicr. de

Mem.

E leiat.
Tome

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me ,'& par consequent avec le Christianisme ; ces deux Rei ligions estant alors presque les mesmes en ce qui regardoit l'exterieur.

Nous voïons encore aujourd'huy des vestiges de ces observations Judaïques parmi les Coptes ou Chrestiens d'Egypte qui composent l'Eglise d'Alexandrie, & qui ont retenu jufques à present la Čirconcision, de mesme que les Ethiopiens

, ou Abislins à qui ils ont communiqué leurs observances en les esclairant de la lumiere de la foi ; puisque c'est par le moien des Egyptiens que les Abissins ont este instruits des verités Chrestiennes , & que depuis ce tems-là le Patriarche d'Alexandrie est reconnu pour Chef de l'Eglise d'Ethiopie ; principalement depuis que ces deux Nations se sont soultraites de l'obeissance qu'elles devoient au Souverain Chef de l'Eglise Universelle. Mais les uns & les autres ne regardent pas

la Circoncision comme un précepte de Religion, ils ne la font pas le huitiéme jour comme les Juifs ; & mesme ils ne sont pas tous circoncis, ne pouvant recevoir la Circoncision après le Bapresme,

Il y a quelques Sçavans Escrivains qui croïene que les The rapeutes

formoient veritablement une Secte Juive qui embrassa le Christianisme après la predication de saint Marc dans l'Egypte. M. Baillet qui est de ce nombre, dit dans la vie de

ce Saint, qu'on peut supposer qu'ils eurent beaucoup moins Vies des ss. de chemin à faire que les autres pour parvenir à la veritable 25. Awil

. Religion, & qu'aïänt trouvé dans la doctrine de saint Marc,

& dans sa conduite, un modelle de perfection beaucoup plus achevé que celui qu'ils suivoient ; ils n'eurent aucune peine à l'embrasier. C'est, ajouste-t'il, tour ce qu'on a lieu de croire , de

gens quifuïoient la vanité & l'orgueil comme la source des vices, qui pratiquoient la continence, qui aimoient la retraite, le silence , la priere, la meditation, l'estude des Livres saints, qui jeusnoient austerement, qui estoient unis par le lien de la

charité, & qui avoient une grande conformité avec les preHit Ecokes. Tom.

miers Chrestiens de Jerusalem. M. l'Abbé Fleury est de mel1. pag. 174. me sentiment, & dit

que

saint Marc assembla à Alexandrie une nombreuse Eglise, dont il est à croire que les Juifs firent dabord la meilleure partie , principalement les Therapeutes. Ş'il est vray que Philon ait escrit son Livre de la Vie Con,

templative,

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temp'ative,aprés que saint Marc eut eitabli l'Eglise d'le Axandrie, & qu'il y avoit aupararant une Secte de Juifs sous le nom de Therapeutes , qui embraila le Christianisme, & fut du nombre de ceux qui compoferent l'Eglise d'Alexandrie, Philon auroit pu faire l'eloge de ces Therapeutes , quoique Chrestiens , les croiant toujours Juifs ; puisqu'ils n'abandonnerent point les observances Judaïques , & que celles qu'ils pratiquoient n'avoient rien d'incompatible avec le Christianisme : & ainsi il n'y auroit plus lieu de s'eftonner comment les Therapeutes pouvoient estre répandus en tant d'endroits , parmi les Grecs & les Barbares du tems de saint Marc ; puisqu'il y en pouvoit avoir en plusieurs endroits avant que ce Saint eust formé l'Eglise d'Alexandrie , & que ceux qui de meuroient aux environs de cette Ville eussent embrassé le Christianisme.

Mais c'est de quoi M. B*** ne demeurera pas non plus d'accord , puisqu'il ne peut croire qu'ils fussent Chrestiens & qu'ils pratiquassent des observations Judaïques. En ne les reconnoillant point Chrestiens, il prétend avoir de son costé le plus grand nombre de Sçavans du premier ordre qui ont este de mesme sentiment. Ces Sçavans sont, Joseph Scaliger, Blondel, Saumaise, Grotius, Henry de Valois, Eitienne le Moine, Cotelier, le P. Pagi, & M. Bainage, parmi lesquels il ne se trouve que trois Catholiques ; les autres estant Proteftans , qui apparemment n'ont pas voulu reconnoistre les Therapeutes pour Chrestiens , afin de ne pas accorder à l'Etat Monastique une aussi grande antiquité que celle qui lui est deuë. Mais à ce nombre de Sçavans , on peut en opposer d'autres aussi du premier ordre qui ont esté de sentiment contraire; & je ne crois pas que

MB*** refuse la qualité de Sçavans du premier ordre aux Cardinaux Bellarmin & Baronius , à M. Godeau Evesque de Vence, au P. Papebroch , à M. de Tillemont dont l'authorité seule , comme il dit à la pag. 295. de sa replique, en vaut plusieurs , & enfin au P. de Montfaucon. On peut leur opposer aussi un Sçavant du premier ordre parmi les Proteltans , c'est Isaac Vossius ; auquel on peut joindre d'autres Sçavans du möïen ordre qui ont esté aussi Protestans, comme Thomas Bruno , qui a fait un Traité particulier pour prouver que les Therapeutes estoient Chrestiens; Bevereggius, & M. MacKensie, qui dans sa deffense de l'ancienne Monarchie d'Ecosse,

Tome I.

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