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mesme Congregation dans les Annales de l'Ordre de saint pénoist , ont prouvé que saint Maur y avoit esté enyoïé par faint Benoist avec quatre de ses Disciples, l'an 43. & qu'ils y apporterent avec eux la Regle de ce faint Patriarche des Moincs d'Occident , escrite de sa main , avec un poids & un vase pour mieux observer ce qu'elle prescrit de la quantité du pain & du vin dans le repas ; il n'y a point de doute que faint Benoist ne l'eust publiée de son vivant , & que ce n'estoit pas pour le seul Monastere du Mont-Cassin qu'il l'avoit faite; quoique les preuves convaincantes de ces Sçavans Benedictins n'aïent pas satisfait ceux qui avoient combateu cette mission, & qu'ils n'aïent regardé ces preuves convaincantes

que comme des prejugés & des conjectures. Certe Regle fur trouvée si sainte , qu'elle fut universellement reçuë en Occident ; ce qui fit donner à ce faint Fondateur le nom de Patriarche des Mois nes d'Occident,

La France, ayant mesme l'establissement de la Monarchie , n'a pas esté privée de la gloire d'avoir produit plusieurs Communautés Religieuses. Dès le quatrieme fiécle saint Martin qui s'estoit retiré dans la petite Isle Gallinaire , à la coste de Ligurie près d'Albengue , aïant appris le retour de saint Hilaire Evesque de Poitiers dans la ville Episcopale après son exil, le vint trouver , & bastit auprès de cette ville le Monastere de Ligugé. Ce Saint aïant esté élevé dans la suite sur le liege Episcopal de Tours, bastit un autre Monastere à une lieuë de cette ville , qui, après la mort fut appellé Marmoutier , en Latin Majus Monafterium , à cause qu'il estoit plus grand & plus spacieux que celui qui fut construit dans la mesa me ville sur le Tombeau de ce Saint, & que tous les autres qu'il avoit aussi fondés dans la Province.

Saint Maxime l'un de ses Disciples , voulant vivre dans un lieu où il fust inconnu , se retira dans le Monastere de l'Ille-Barbe , proche de Lyon, Quelques-uns pretendent que c'est la premiere Communauté de Moines qui se soit formée dans les Gaules;& M. le Laboureur fait mesme remonter la Fondation Le Labona de cette Abbaïe vers le milieu du troisiéme siécle, en lui don- teur, Les nant pour Fondateur un Seigneur du pais, nommé Longin , l'Abbaie do

mapures qui l'an 240. ou environ, y assembla plusieurs Solitaires qui life-Barbe vivoient separément dans cette Ille, où ils s'estoient retirés. Mais tous les Historiens n’en demeurent“ pas d'accord ; & il

Tome Ig

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est difficile de sçavoir si cette Abbaïe estoit déja fondée avant que

saint Martin vint en France. Cassien s'estant retiré à Marseille vers l'an 429. fonda deux Monasteres, l'un d'Hommes,& l'autre de Filles. On dit qu'il eut sous lui jusqu'à cinq mille Moines,& on le reconnoist pour le Fondateur de la celebre Abbaïe de saint Victor de Marseille. L'Ile de Lerins , où se retira saint Honorat l'an 410. & où il eut un grand nombre de Disciples , s'est renduë celebre par la sainteté des Solitaires qui y demeuroient dans des Cellules

y separées , & qui par l'austerité de leur vie surpassoient ceux de la Thebaïde. Saint Honorat dont elle porte presentement le nom, en fut tirépour estre Evefque d’Arles. Il eut pour suc

, çesseur S. Hilaire son Disciple; & il en sortit un si grand nombrede Religieux pour gouverner les Eglises de France, que l'on regarda depuis cette Ille comme une pepiniere d'Evelques.

Nous ne parlons point des Communautés establies par S. Cefaire & par S. Aurelien ausli Evefques

d'Arles,par saint Fereol Evesque d'Usez, & par saint Donat Evefque de Besançon, dont les Regles se trouvent parmi celles qui ont esté recueillies par saint Benoist Abbé d'Anianę. Nous parlerons en son lieu de saint Colomban , qui estant sorti d'Irlande avec douze Compagnons dans le septiéme siécle , fonda la fameuse Abbaie de Luxeuil dans le Comté de Bourgogne , dont la Communauté fut si nombreuse , qu'on y chantoit jour & nuit sans interruption, les louanges de Dieu. Son Ordre se repandit par toute la France, le relachement y fut introduit en

peu mais l'Ordre de saint Benoist s'estendant de jour en jour, envoïa de ses meilleurs sujets dans plusieurs Monasteres de celui de saint Colomban pour y retablir la discipline reguliere;

y & dans quelques-uns de ces Monasteres, les Regles de ces deux Saints y furent observées conjointement,

Mais comme les choses vont en décadence, les Benedictins abandonnerent aussi l'observance reguliere ; ce qui a donné lieu à tant de Congregations qui font lorties de cet Ordre , & qui en forment de differents par la diversité de leurs habits , & par la forme du gouvernement ; sans s'éloigner neanmoins de leur cige , aïant toûjours suivi la Regle de saint Benoist , que les fondateurs de ces Congregations ont fait observer plus exactement, en y ajoûtant des Coaftitutions particulieres qui ont esté approuvées par les Souverains Ponțifes.

.

Le

de tems;

porter des ha

Binedict. Tome

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Le Concile de Sarragoce en Espagne tenu l'an 380. qui condamne la conduite des Clercs qui affectoient de bits Monastiques ; est une preuve que dans le quatriéme fiécle, il y avoit des Religieux dans ce Rožaume. Ce qui est encore confirmé par la Lettre qu'Himmerius Evesque de Tar- Mabill. Anragone escrivit au Pape Sirice , où il lui demande son avis sur natu duene

, l'ordination des Moines ; ce qui fait croire au P. Mabillon ; 1. lib. 1. qu'il y en avoit déja en Espagne,avant que saint Donar y eust art. 1a.

y pallé d'Afrique avec soixante-dix Disciples, & qu'il euit fondé le Monastere de Sirbite.

Saint Augustin Archevesque de Cantorberi, aïant esté envoïé en Angleterre par le Pape saint Gregoire l'an 556.pour y prescher la foi , introduisit en mesme tems dans ce Rožaume l'Etat Monastique dont il faisoit profession , estant Religieux de l'Ordre de S. Benoist. Cet Estat Monastique y fit un sigrand progrès, & y estoit dans une si haute estime, qu'un Protestant de nos jours, dit avec admiration ; que dans l'espace de deux cens ans, il y a eu en ce Roïaume trente Rois & Reines , qui ont preferé l'habit Monachal à leurs Couronnes , & qui ont fondé de superbes Abbaïes, où ils ont fini leurs jours dans la retraite & dans la solitude. Il avouë que la vie Monastique y estoit aussi ancienne que le Christianisme & qu'ils y ont fait également de progrès

. Il reconnoist que pendant un très long-tems les Monasteres estoient des Seminaires de Saints & de personnes sçavantes ; & que ces lumieres de la Chrestienté, Bede , Alcuin , Willibrod , & plusieurs autres , en sont sortis

. Il deplore ce jour fatal où tant de beaux Monafteres furent démolis , dont il ne reste plus que les ruines , qui sont encore des monuments de la pieté de leurs Peres & de leurs Ancestres, & il ne regarde qu'avec horreur la profanation des temples qui estoient consacrez à Dieu , & qui sont maintenant changés en des escuries , où des chevaux sont attachés au mesme lieu , où l'on offroit autrefois le facrifice adodorable de nos autels. Enfin il regarde comme des extravagants & des gens paslionnés, ceux qui disent que les Ordres Religieux sont sortis du puits de l’abiline , qui est le langage ordinaire de plusieurs Heretiques. fam dudum ( dit-il) Diem fatalem obierunt Monafteria nostra , nec preter femirutos parietes

in propy li e deplorandsrudera , fuperfunt nobis avite pietatis indicia.. Monaftic. Videmus heu ! Videnous auguftifima temple , & ftupenda Eterno Anglico Tome I,

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Joann. Maisham.

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Deo dedicata monumenta ( quibus nihil hodie spoliatius) subspetiofo eruende superstitionis obtentu, fordidijimo conspurcari vituo perio, exremamque manere internecionem:

ad altaria Christi ftabulati equi , Martyrum effe reliquie ; funt quidam Zelatores adeo religiosè delirantes , ut Religiosos veterum ordines , ex abili puteo prognatos aiunt: Ita libenter fibi indulget preconcepta paffio. C'est neanmoins un Heretique qui parle ; & c'est ce qui doit

remplir de confusion les autres Heretiques , qui ne peuvent parler de la Religion Catholique & de la vie Monastique, qu'en invectivant, & faisant paroistre la passion dont ils font prevenus : Ita licenter fibi indulget præconcepta palie.

La profession Monastique fut aufli incroduite dans l'Irlande par

le ministere de laint Patrice, qui est reconnu pour l'Apostre de ce Roïaume ; & elle s'y multiplia si prodigieusement, que cette Ille fuft appellée l'Ile des Saints , à cause du grand nombre & de l’eminente fainteré des Religieux dont elle fut remplie. Enfin il n'y eut presque point de Roïaume & de Province, qui ne receut le melme avantage ; & l'on peut juger par-là, du grand progrés de l'Ordre Monastique.

Fleury MXurs des Chrestiens Aug. 320.

M

gie de

PA RA G R A P H E X.
Que les Religieux n'ont rien changé des maurs Og des

coutumes des Anciens.
ONSIEUR l’Abbé Fleury fait une excellente Apolo-

la vie Monastique , lorsqu'il dit : qu'elle elt une preuve sensible de la providence de Dieu , & du soin qu'il à eu de conserver dans son Eglise jusques à la fin des siécles non seulement la pureté de la Doctrine , mais encore la pratique des vertus ; & que fi l'on considere la vie des premiers Chrestiens ; & qu'on la compare, avec les usages presents des Monasteres bien reglés , on verra qu'il y a peu de diffe

En effet si l'on considere le zele des premiers Chrestiens leur detachement pour toutes les choses de la terre , leur

application à la priere , soit en commun ou en particulier , qu'ils fe relevoient mesme la nuit à cet effet , que le silence leur

à estoit recommandé, qu'ils estoient unis ensemble, qu'ils exer

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rence.

,

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vit, S. .

:

i avant

çoient charitablement l'hospitalité envers leurs freres, que les noms de Peres & de freres leur estoient donnés selon l'âge & la dignité; on trouvera que c'est aujourdhui la prasique des Monasteres.

Les Religieux n'ont point pareillement introduit de nouveauté, & n'ont point cherché de fingularité dans leurs habits. Les Fondateurs d'Ordres qui ont d'abord habité les Deferts & les Solitudes, n'ont donné à leurs Religieux que les Athan. 17. habits communs aux païlans : car fi nous remontons au tems

apud. Rol de saint Antoine; saint Athanase parlant des habits de ce Pere veid. pag. des Cænobites , dit qu'ils consistoient dans un Cilice, deux S9: Hier

. peaux de brebis & an manteau. Saint Jerôme dit: que faint Pag. 75. Hilarion n'avoit qu’un Cilice , une faïe de païsan, & un manteau de peaux. Il en est de mesme de ceux qui les ont suivis jusqu'au tems de saint Benoist , qui reçur des mains de saint Romain un habit de peaux, dont il se revestit dans r. dialog

Greg lib.

. le Desert de Sublac. Il paroist mesme qu'il donna un pareil cap. 17. habit aux Disciples qu'il assembla dans ce Desert que d'avoir escrit sa Regle ; puisque saint Placide,après avoir esté retiré de l'eau par saint Maur, dit qu'il avoit veu dessus fa teste la pelisse de l'Abbé ; ce qui marque , dit le P. Delle, Delle Anque faint Placide prenoit faint Maur pour saint Benoist; parce sig. Men al qu'il estoit veltu comme lui. Ainsi il y a bien de l'apparence chap. 4 que les peaux de brebis estoient déja,tant en Orient qu'en Occident , l'habit commun des Bergers & des païsans", qui demeuroient dans les montagnes ; comme il est encore en usage parmi ces fortes de gens en Italie , qui appellent pelisses ces lortes d'habillements.

Mais quand ces saints Fondateurs eurent escrit des Regles; prevožant bien que leurs Religieux ne demeureroient

pas

toùjours dans les Deserts,& qu'ils viendroient demeurer dans les villes ; ils leur prescrivirent des habillements qui estoient communs aux petites gens & aux pauvres, tels que la Cucule dont il est parlé dans les Regles de saint Artoine & de saint Benoist, qui estoit une espece de capot où de chappe,qui eftant commode tout le monde de le froid , est devenu ausli commode à

siécles suivants, & est parmi.les mariniers & la pluspart des voïageurs , quui en portent de meline , & qu'on nomme cappes de Bearn. On les appelloit aussi Coules ou Goules, d'où vient que les Religieux de

tig Tome 2.

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