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Fleury,

que

que cette raifon n'eftoit pas confiderable. On pourroit donc dire avec raison la mefme chose à M. de Tillemont, & à tous ceux qui rejettent des ouvrages fur la difference du ftile. C'est ce M. l'Abbé Fleury appelle un excès de critique. C'est Pref. du 3. vouloir tout fçavoir, dit-il, & vouloir tout deviner. PourT.del' Hift. quoi ne veut-on pas que ce qui arrive tous les jours dans la plufpart des Efcrivains de ce tems, dont le ftile n'eft pas toujours égal, ne foit arrivé dans ceux des premiers fiécles ? & ne voïons-nous pas tous les jours, que les difcours des plus habiles Orateurs, foit de la Chaire ou du Barreau, ne font pas toujours également fleuris & élégans.

Ecel.

M. Du Pin eft celui qui a trouvé dans la vie de fainte Syncletique des comparaifons qui lui ont femblé pueriles, & qui conviennent mieux à un Moine qu'à faint Athanafe; c'est ce qu'on lifoit dans la premiere Edition du quatrieme fiécle de fa Bibliotheque des Auteurs Ecclefiaftiques qu'il donna en 1687. & on eftoit furpris de ce que dans la feconde Edition qui parut en 1689. il y avoit encore laiffé ce qu'il avoit dit dans la premiere, de ces comparaifons pueriles qui convenoient mieux à un Moine qu'à S.Athanafe. Il fembloit que cela deust eftre retranché pour rendre cette feconde Edition plus correcte; mais il l'a fait enfin dans la troifiéme qu'il a donnée en 1709. & il a bien veu que c'eftoit faire injure à tant d'illuftres Efcrivains,qui ont compofé dans la folitude du Cloiftre de fi beaux ouvrages qui ont merité à quelques-uns avec justice le titre de Pere & de Docteur de l'Eglife. Il y en a mefme qui ont prétendu que faint Athanafe a efté lui-mefme Afcere, c'est-àdire Moine, & mefme Difciple de faint Antoine. C'est le fenBaron. ad timent de Baronius & des Benedictins de la Congregation de 3. 311. 9. faint Maur,qui affurent:que dans toutes les anciennes Editions Athan. Ope- & les Manufcrits de la traduction d'Evagre, on lit ces paroles a. Edit. PP. de faint Athanafe dans la vie de S. Antoine Frequenter eum Bened. T.1. vifitavi, & que ab eo didici, qui ad præbendam ei aquam, non paululum temporis cum eo feci &c.

63.

part. 2. pag.

794.

Si M. Du Pin, pour prouver que la vie de faint Antoine est véritablement de faint Athanafe, dit qu'il a proportionné fon ftile dans cette vie, & à la matiere & à la capacité des Moines pour qui il l'efcrivoit; y a-t-il plus d'inconvenient de dire la mefme chofe à l'égard de la vie de fainte Syncletique ; puifqu'il l'efcrivoit pour des filles qui avoient moins de capacité

que des hommes ? & s'il avoue qu'il y a un Manufcrit qui porte le nom de faint Athanafe; Nicephore n'a-t-il pas pu avec raison lui áttribuer cette vie? & doit-on conclurre qu'elle n'eft pas de lui; parce que perfonne n'en a point parlé avant Nicephore, comme prétend encore M. Du Pin?

Baillet Vie

M. de Tillemont n'a pas voulu, felon les apparences, appuïer les preuves de M. Du Pin; puifqu'il ne le cite pas, contentant de marquer Oudin, les continuateurs de Bollandus, & les Benedictins, qui ont douté ou nié absolument que cette vie fuft de faint Athanafe ; & comme il y a beaucoup plus d'Auteurs pour l'affirmative, je croi qu'on peut d'autant plus embraffer leur fentiment, que felon M. Herman & M. de Tillemont, comme nous avons dit, ce font des perfonnes les plus habiles & les plus judicieufes de noftre fiécle ; & je ne croi pas que pas que M. Baillet ait voulu leur refufer la qualité de fçavans; quoique dans fes vies des Saints il ait dit que les Sçavans ne croïoient pas que celle de fainte Syncletique euft efté eferite par S. Athanafe. Il a mieux aimé cependant opiner pour ceux qui font ce Saint Auteur de cette vie, en difant: qu'elle eftoit née dans le fiécle où Dieu fit paroiftre S. Antoine, des SS. faafin que les deux fexes euffent chacun leur modelle à fuivre nuar. dans le renoncement que l'on doit faire au monde. Car quoiqu'il dife que c'eft fans aucune certitude qu'il a avancé que fainte Syncletique eftoit née dans ce tems-là, & que cette opinion n'est appuiée que fur le fentiment de ceux qui ont fait faint Athanafe Auteur de fa vie ; il eft certain qu'il a préferé cette opinion à celle des fçavans dont il a voulu parler; & il devoit nous dire ce qu'ils penfoient du tems où elle a vefcu. Mais que ce foit faint Athanafe, ou Polycarpe, ou Arfene, ou quelques autres qui aïent efcrit fa vie; M. Herman mettant fa mort à la fin du troifiéme fiécle, le Cardinal Baronius l'an 310. M. Bulteau l'an 358. M. de Tillemont difant qu'on doit pas la mettre beaucoup plus tard que l'an 365. & tous les Auteurs demeurans d'accord qu'elle a vefcu quatrevingtquatre ans ou environ, & qu'elle s'eft retirée fort jeune dans la folitude; il fera toûjours vrai de dire qu'elle vivoit au tems de faint Antoine, & qu'elle a pu fonder les premiers Monafteres de filles, comme faint Antoine a fondé les premiers Monafteres parfaits de Solitaires.

ne

M. Bulteau prétend que c'eft fainte Bafiliffe qui a formé la Balteau.

Hift. Mo

rient.

a. 40-premiere Communauté de filles ; mais les circonstances de la e. pag. vie de cette Sainte paroiffent bien apocryphes, & on a de la Ibil. pag.28 peine à croire ce que dit M. Bulteau; que l'orage de la perfe

69.

apud Rofv.

cution de Diocletien s'eftant élevé dans l'Eglife, fainte Bafiliffe & faint Julien fon mari offrirent d'ardentes prieres à Dieu pour le falut de ceux qu'ils avoient convertis: que Dieu exauça fainte Bafiliffe en la retirant du monde, après avoir accorde la mefme grace à près de mille Religieufes qu'elle avoit formées à la vertu : que faint Julien lui furvefquit: qu'il repandit fon fang pour la foy dans la mefme perfecution; & qu'il eftoit Pere de dix mille Religieux. Il n'y a pas d'apparence qu'avant que la paix eut efté rendue à l'Eglife, il y ait eu un fi grand nombre de Religieux fous la conduite de faint Julien ; & ce qui regarde fainte Bafiliffe auroit efté plus croïable, fi les mille Vierges ou Religieufes, dont elle eftoit la Superieure, avoient pluftoft fouffert le martyre, que d'eftre mortes toutes avant fainte Bafiliffe, & cela prefque dans le mefine tems.

PARAGRAPHE IX.

Du grand progrès de l'Estat Monaftique, tant en Orient qu'en Occident.

C OMME la vie de faint Pofthume qui fe trouve parmi celles. des Peres du Defert, eft regardée par de fçavans Critiques comme fauffe & fuppofée, je ne m'arreste pas auffi à ce que dit l'Auteur de cette vie ; que faint Macaire avoit le foin & la conduite de cinquante mille Moines que S. Antoine lui avoit laiffés en mourant. Je veux mefme croire qu'il s'eft gliflé quelque erreur dans le texte de la Préface que faint Jerôme a mife à PP la tefte de la Regle de faint Pachome qu'il a traduite, où il dit, que les Difciples de ce Saint s'affembloient tous les ans à pareil nombre, pour celebrer la fefte de la Paffion & de la Refurrection de noftre Seigneur ; & il fe peut faire Pallade ne s'eft point trompé, lorfqu'il n'a mis que fept mille Moines de cet Ordre. Mais au moins faut-il avouer, qu'après la mort de faint Antoine & de faint Pachome, le nombre des Moines & Ruf. Vit, des Solitaires eftoit infini; puifque Rufin qui fit levoïage d'OPAIT. apud rient en 373. c'eft-à-dire environ dix-fept ans après la mort de Rofv. g faint Antoine, nous affure, comme témoin oculaire, qu'il y

pag. 235.

459.

que

avoit prefqu'autant de Moines dans les Deferts, que d'habitans dans les villes : que dans celle d'Oxirinque, il y avoit plus de Monafteres que de Maifons; qu'à toutes les heures du jour & de la nuit on y faifoit retentir les louanges de Dieu ; & qu'il avoit appris de l'Evefque de ce lieu, qu'il y avoit vingt mille Vierges confacrées à Dieu, & dix mille Religieux ; il affure avoir encore veu le Preftre Serapion, Pere de plufieurs Monafteres, & Superieur d'environ dix mille Religieux.

Mais il eft bon de faire connoistre qui eftoient les illuftres Capitaines qui conduifirent dans le Defert & dans les villes, tant de faintesColonies, après que la paix eut efté renduë à l’Eglife. Nous avons déja dit que S. Antoine eftablit les premiers Monafteres reglés & parfaits dans la baffe Thébaide, S. Amon fur le Mont de Nitrie, & faint Pachome dans la haute Thébaïde. Le Defert de Scetis fut auffi fort celebre par la multitude Caff. col. des Saints qui y ont demeuré, & qui fuivirent faint Macaire 15.1.3 l'Egyptien comme leur Chef. Saint Hilarion qui avoit efté de Hieron in mefme que faint Macaire, Difciple de faint Antoine, fe retira apud Ro/v. dans la Palestine, où fes miracles continuels & l'éclat de ses ver- pag. 75. tus firent qu'en peu de tems un grand nombre de perfonnes

vit. Patrum

fe rangea fous fa conduite.La Syrie a eu l'avantage d'eftre ha- Sozom.1.6. bitée par de faints Religieux fous la conduite d'Aonés, qui “ 32. & 3 donnerent aux Habitans qui eftoient Idolatres, la connoiffan ce du vrai Dieu. Elle a encore produit un illuftre Efcrivain, qui nous a appris les vies admirables de ces faints Solitaires, & leurs principaux exercices qu'il avoit lui-mefme pratiqués dans un Monaftere dont il fut tiré malgré lui, pour monter fur le Siege Epifcopal de Cyr; c'eft le fçavant Theodoret, qui, quoiqu'élevé à cette dignité, ne diminua rien de ces faintes pratiques. La montagne de Sinaï fi célébre de Sinaï fi célébre par la demeure de faint Jean Clymaque & de faint Nil, fut aufli habitée par de faints Moines dés le quatriéme fiécle; de mefme que la Perfe, où plufieurs Solitaires, fuivant les traces dur fang des autres Chref tiens qui le répandoient généreusement pour la foy de JesusChrift, couroient avec la mefme generofité au martyre. Saint Gregoire Apoftre d'Arménie,introduifit auffi la vie Monaftique dans ce Pais-la. Enfin il n'y eut prefque point de Province en Orient où elle ne fust establie.

Mais fon plus grand acroiffement fut, lorfque faint Bafile Peut introduite dans le Pont & la Capadoce vers l'an 363.

qu'il l'eut reduite à un eftat certain & uniforme: qu'il eut reüni les Solitaires & les Coenobites ensemble : qu'il lui eut donné fa derniere perfection, en obligeant fes Religieux à s'y engager par des voeux folemnels: & qu'il leur eut efcrit des Regles, qui furent trouvées fi faintes & fi falutaires, comme n'eftant qu'un abbregé de la Morale de l'Evangile; que dans la fuite la plus grande partie des Difciples de faint Antoine, de faint Pachome, de faint Macaire, & des autres anciens Peres des Deserts, s'y font foûmis ; ce qui lui a fait donner le nom de Patriarche des Moines d'Orient ; car il y a plufieurs fiécles que fa Regle a prevalu fur toutes les autres en Orient ; & quoique les Maronites, les Armeniens en partie, les Jacobites, les Coptes, & les Neftoriens, fe difent de l'Ordre de faint Antoine; ils ne fuivent néanmoins, ni la Regle que nous avons dans le Code des Regles fous le nom de faint Antoine, ni aucune des anciennes Regles des Peres d'Orient, & ils n'ont feulement que certaines pratiques pour les Monafteres de chaque Secte. Mais generalement tous les Grecs, les Neftoriens, les Melchites, les Georgiens, les Mingreliens, & la plus grande partie des Armeniens, fuivent la Regle de faint Bafile.

que

La profeffion Monaftique ne fit pas de moindre progrés en Occident, où les troubles excités dans l'Eglife par la fureur des Ariens, la firent paffer d'Orient; car faint Athanafe Evesd'Alexandrie s'eftant retiré à Rome vers l'an 339. avec plufieurs Preftres & deux Moines d'Egypte, il fit connoistre aux perfonnes de pieté la vie de faint Antoine, qui demeuroit alors dans fon Defert de la Thebaïde, & il y eut plufieurs perfonnes qui voulurent embraffer une profeffion fi fainte. L'on bastit à cet effet des Monasteres à Rome, ce qui fervit comme de modelle pour tout le refte d'Italie.

Saint Benoift y parut à la fin du cinquiéme fiécle. Quelquesuns ont pretendu qu'il n'efcrivit point la Regle dans le Defert de Sublac ; & il y en a d'autres qui ont cru qu'elle ne fut publiée par l'Abbé Simplicius que l'an 586. & que faint Benoift ne l'avoit faite que pour les Moines du Mont-Caffin. Mais à prefent que Dom Thierry Ruinart Religieux Benedictin de la Congregation de faint Maur dans fa fçavante Differtation fur la miffion de faint Maur en France, imprimée à Paris en 1702. & que le docte P. Dom Jean Mabillon de la

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