Page images
PDF
EPUB

DE

DESERTS tente au Prieur, il lui fait lire quelques avis qui font efcrits fur une Tablette;& qui font, qu'on ne doit point parler en ce lieu de Nouvelles, qu'il y faut faire ce que font les autres, & apprendre à fe taire.

MES
CHAUS-
SE'S..

Lorfque le Superieur a examiné la Patente du nouveau Solitaire, il affemble la Communauté le mefme jour; & le Solitaire revestu de fa Chappe ou Manteau, eft conduit dans le Choeur devant le Crucifix, où on allume des Cierges tous les Religieux font Oraison avec lui; & après avoir recité l'Hymne Feni Creator Spiritus, on le mene dans un lieu defigné pour les Receptions, où le Superieur commande à quelques uns des Religieux de lui donner quelques bons avis pour profiter du fejour qu'il fera en ce Defert ; ce que le nouveau venu écoute avec beaucoup d'humilité, aïant les yeux baiffés, quand mefme il feroit des plus Anciens de la Congregation, & que celui qui lui donne les avis feroit un des plus jeu-. nes après qu'il a efté fuffifamment inftruit de fes obligations, les Peres & les Freres l'embraffent, & on le conduit en filence en fon logement.

Le nombre des Religieux qui demeurent dans ces Deferts, ne doit pas exceder celui de vingt deftinés pour le Choeur pour les Freres Laïcs, il doit y en avoir fuffifamment pour le fervice de la Maison. La demeure en eft interdite aux Novices, aux jeunes Profés, aux Malades, aux Debiles, aux Melancholiques, aux Valetudinaires, aux Valetudinaires, à ceux qui ont peu d'inclination aux Exercices Spirituels. Aucun Religieux n'y peut demeurer moins d'une année, fi ce n'eftoit que pour fe difpofer aux Predications du Carefme, ou à quelqu'autre occupation femblable, on trouvastà propos de l'y laiffer quelques mois mais tout le tems qu'il y demeure, il doit affifter à tous les Exercices fans aucune difpenfe, de mefme que les autres Religieux qui y font Conventuels, fans s'appliquer aucunement à l'eftude, mais feulement à l'Oraifon & aux lectures fpirituelles: car toutes fortes d'eftudes Scholaftiques, foit de Philofophie, de Theologie, ou telles autres que ce puiffent eftre, font defendues dans ces Deferts; & pour y maintenir l'Obfervance en fa vigueur, le Provincial doit veiller à ce qu'au moins il y ait ordinairement quatre Religieux qui y demeurent toûjours; toutefois de leur bon gré & à leurs inftances, afin que par leurs exemples ils puiffent inf

truire & former les nouveaux Solitaires, si ce n'eft qu'eux- DESERTS mefme: demandaffent enfin d'en fortir, ou que leur fanté ou DAS CAR d'autres raifons ne leur permiffent pas d'y demeurer plus long- CHAUSSE'S

tems.

La principale fin de l'institution de ces Deferts, eft que les Religieux qui y demeurent, fecourent toute l'Eglife, & profitent à tous les Fidelles, par leurs Oraifons continuelles, par leurs veilles, leurs mortifications, & d'autres œuvres pieufes; c'eft pourquoi les Conftitutions ordonnent que dans ces fortes de Monasteres, toutes les Meffes feront offertes à Dieu & appliquées pour le progrès de l'Eglife, pour l'avancement fpirituel de l'Ordre, pour les obligations & neceffités du Defert, & pour les Bienfacteurs de la Congregation, fans qu'on puiffe recevoir aucunes aumofnes pour les Meffes, & tout ce qui eft neceffaire pour l'entretien des Religieux & pour leur nourriture, doit eftre fondé & fuffifamment pourvu, fans qu'on foit obligé de recourir à l'affiftance des Seculiers.

Le filence y eft tres-étroitement gardé : il n'eft permis à aucun Religieux tant de jour que de nuit, de dire un mot aux Seculiers, ni aux Religieux; fi ce n'eft au Superieur que chaque Religieux peut aller trouver quand il le juge à propos ; &, quoiqu'ils puiffent fe fervir de fignes, & qu'ils portent tous une petite Ardoife ou des Tablettes qu'ils fe prefentent les uns aux autres pour exprimer leurs neceffités, quand il s'en offre quelqu'une; il ne leur eft pas neanmoins permis d'ufer beaucoup de ces fignes, pour ne point violer par cette voïe la rigueur du Silence. Cependant dans les grandes Solemnités ou aux Feftes de premiere Claffe, le Superieur permet aux Solitaires de parler après Vefpres pendant une heure & demie feulement, de chofes fpirituelles; mais fonne ne peut fe fervir de cette permiffion, s'il n'eft avec toute la Communauté: en forte que les Officiers qui font occupés à leurs fonctions, en eftant feparés, ne peuvent dire un feul mot, non plus que dans le tems du grand filence.

per

Quoique l'abstinence foit rigoureufe dans les autres Maifons, elle eft encore plus grande dans les Deserts; car les Religieux y ont aux jours de jeûne un plat moins que dans les autres Couvents; & tous les vendredis ils ne doivent vi-. de fruits & d'herbes cruës ou cuites, ne pouvant manger ni œufs, ni poiffon, ni potage. Pendant l'Advent & le

vre que

MES DE

DES

CAR

DESERTS Carefme, ils ne mangent point non plus de beure, de lait, DE- ni de fromage, ni autre chofe compofée de laitage,& la veille CHAUSSE'S. du Mercredi des Cendres, auffi-bien que le Vendredi-Saint,ils jeûnent au pain & à l'eau.

MES

Outre les tems deftinés à l'Oraifon Mentale dans les autres Maisons, les Solitaires des Deferts en font encore une demie-heure avant le difner, & une autre demie-heure après Matines, & ils y chantent l'Office avec plus de paufe. Tous les quinze jours il y a une Conference fpirituelle,l'efté dans le grand enclos du Defert, & l'hyver dans un lieu du Couvent destiné pour cet exercice. Chacun y dit fon sentiment fur la matiere qu'on a propofée, & tous doivent apporter par efcrit leur pensée pour la donner & la faire enregistrer dans le Livre des Collations fpirituelles,par le Religieux qui en a la charge.

Quoique la vie de ces Solitaires Coenobites,paroisse assez retirée;cependant l'amour de la folitude s'anime & s'augmente fi fortement parmi eux, qu'outre les Cellules du Cloifstre, qui font à la maniere de celles des Chartreux; ils ont encore dans leurs bois des Cellules feparées, & éloignées du Couvent d'environ trois ou quatre cens pas, où en certain tems de l'année on permet aux Religieux de fe retirer les uns après les autres pour y vivre dans une plus grande folitude & une plus grande abftinence, estant obligés de faire en leur particulier les mefmes exercices & aux mefmes heures que le ref te de la Communauté, & à chaque obfervance ils repondent par une petite cloche à celle de l'Eglife, pour avertir qu'ils vont s'unir avec leurs freres, dire aux mefmes heures qu'eux, les Offices,faire avec eux leurs meditations, & prendre part aux. autres exercices de la Communauté. Ils y demeurent ordinairement trois semaines, quelquefois plus ou moins, felon la volonté du Superieur, excepté ceux qui y vont au commencement de l'Advent ou du Carefme pour y paffer tout ce tems de penitence. Le depart de ceux-ci fe fait avec ceremonie à l'exemple des anciens Peres du Defert ; car le premier Dimanche de l'Avent & le premier Dimanche de Carefme, tous les Religieux affemblés, après avoir oui une exhortation, ceux qui ont obtenu du Superieur la permiffion de demeurer dans ces Ermitages, reçoivent publiquement fa benediction, & s'y retirent enfuite. Ils n'y voïent jamais per

MES DE

fonne,& ne vivent que de fruits & de quelques herbes crues DESERTS ou cuites mal affaifonnées. Les jours de Dimanche ces Ana- DES CARchorettes doivent fe rendre au Monaftere des Coenobites pour CHAUSSE'S Y affister à tous les exercices communs, & s'en retournent après Vefpres dans leurs Ermitages, excepté les jours de conference; car ces jours-là ils ne s'en vont qu'après qu'elle est achevée. Chaque femaine le Superieur les va vifiter voir de quelle maniere ils fe conduisent dans leurs folitudes.

pour

Lorfque le tems de la demeure d'un Religieux dans le Defert prescrit par l'obéiffance eft expiré , on affemble derechef la Communauté comme à fon entrée. Les Religieux font un peu d'Oraison au Chœur, & après avoir recité un Itineraire compofé de quelques devotes prieres, on mene le Solitaire dans le mefme lieu où on lui avoit donné des instructions en entrant. Le Superieur commande encore à quelqu'un des affiftans de lui donner quelques avis falutaires, pour profiter du fejour qu'il a fait dans ce faint lieu,& ne pas oublier les exemples de vertu qu'il y a veu pratiquer, ce qui eft executé fimplement & avec charité.

Les Constitutions defendent l'entrée de ces Deserts aux perfonnes feculieres,de quelque condition qu'elles foient,pour prendre leur divertiffement dans l'enclos, foit pour y chaffer, ou pour y pefcher, ou pour quelqu'autre recreation de crainte qu'un Sanctuaire d'oraison & une retraite de penitence ne devienne un lieu de plaifir & de fenfualité. Ils ne peuvent y loger ou y eftre admis, à moins qu'ils n'aïent fondé ou bâti à leurs depens quelque Cellule ou Ermitage, ou que la Congregation ne leur foit beaucoup redevable. L'entrée en eft auffi interdite aux Religieux mefme de la Congregation, foit pour y eftre reçus en paffant par droit d'hofpitalité, foit pour voir la Maison, ou pour y faire leurs devotions, excepté aux Definiteurs Generaux,à moins qu'ils n'aïent permiffion par efcrit du General ou du Provincial. Le Superieur du Defert peut néanmoins y recevoir par droit d'hofpitalité les Religieux des autres Ordres fans autre permiffion, & mefme leur donner le couvert pour une nuit feulement dans l'enceinte du Defert.

Enfin ces fortes de Couvents ne doivent pas eftre eloignées des Villes où les Carmes Dechauffés ont des Couvents, pour

TES DE

CHAUSSE'ES

par

CARMELI- y pouvoir facilement tranfporter les malades, de peur que le foin & la follicitude des remedes, & le trouble caufé INFRANCE. les exercices d'une infirmerie, n'alterent en quelque chofe la rigueur de l'observance Reguliere; & fi les Solitaires qui fortent de l'enceinte du Defert, pour recouvrer leur fanté en quelqu'autre lieu, fe prefentoient dans cet intervalle pour y entrer, on leur refuferoit la porte; ils n'y peuvent estre admis que lorfqu'eftant parfaitement retablis, ils y retournent pour y demeurer & y faire les exercices comme les au

tres.

Le Pere Cyprien de la Nativité de la Vierge, Defcription des Deferts des Carmes Dechaußés. De Villefore, Vies dès SS. Peres des Deferts d'Occident, Tom. 2.

CHAPITRE L.

Des Religieufes Carmelites Dechauffées en France.

[ocr errors]

'ETABLISSEMENT des Religieufes Carmelites de la Reforme de fainte Therese en France est deu à la pieté & au zele de Mademoiselle Acarie, fille de Nicolas Aurillot, Seigneur de Champlatreux près de Luzarche, Maistre des Comptes à Paris, & femme de M. Acarie auffi Maistre des Comptes. Plufieurs perfonnes en avoient déja eu la penfée ; mais le malheur des tems en avoit empefché l'execution. Monfieur de Santeüil avoit efté chargé le premier d'aller en Espagne pour amener quelques-unes de ces Religieufes en France,mais il n'en put obtenir aucune;Monfieur de Bretigny ne reüffit pas mieux dans un fecond voïage qu'il fit auffi en Efpagne pour le mefme fujet. Ces difficultés ne rebuterent point Mlle. Acarie. Comme elle eftoit pour lors le premier mobile de tout ce qui fe faifoit de grand pour le bien de l'Eglife,elle engagea Monfieur de Berule,qui fonda peu de tems après la Congregation des Preftres de l'Oratoire, & fut enfuite Cardinal, d'aller pour une troifiéme fois en Espagne chercher de ces Religieufes. Il y alla, & malgré les oppofitions que le Demon forma à fes deffeins, les embuches qu'il lui dreffa fur les che mins, & les dangers de mort où il le jetta, il revint en fanté à Paris, & y amena de Madrid fix Religieufes Carme

« PreviousContinue »