CHAUS le pour renverser le nouveau Monaftere, lorsqu'il en fut em- CARMELI pesché par les Magistrats ; & dans une Assemblée de la ville DE qui se fit à cette occasion, où le Gouverneur estoit d'avis qu'on SE'ES. rafast le Monaftere, on semettoit déja en execution de le faire, lorsque le discours qu'un Religieux de l'Ordre de saint Dominique fit pour la défense de cette Reforme naissante, arresta la fureur du peuple & calma les esprits. Il y eut ensuite quelques autres conferences à ce sujet, où on proposa des voïes d'accommodement: celles qui estoient proposées par le Gouverneur de la ville, estoient que le Monaftere fust renté. Mais Therese, bien loin de consentir à cet accord, obtint au contraire dans le mesme tems un autre Bref de Rome, qui lui permettoit & à ses Religieuses de ne poffeder aucuns biens ni en commun ni en particulier, & de pouvoir vivre des aumofnes & des charités des Fidelles ; & elle obtint ensuite de son Provincial la permission, non seulement de retourner au Couvent de faint Joseph; mais encore d'y mener avec elles quatre Religieuses du Monastere de l'Incarnation. A fon arrivée elle establit le gouvernement de la Maison, elle ne voulut point estre Superieure, & diftribua les Charges & les Offices aux quatre Religieuses qu'elle avoit amenées. Quelques filles se presenterent ensuite pour estre reçuës dans ce Monaftere, & le peuple delivré de la passion qui le preoccupoit, n'eut plus que de l'estime pour la Sainte & pour ses Religieuses, & leur envoïoit des aumosnes sans qu'elles les demandassent. Sainte Therese avec les quatre Compagnes qui estoient forties du Monaftere de l'Incarnation, prit l'habit de la nouvelle Reforme, avec le Nom de Jesus, au lieu de celui d' Ahumade qu'elle avoit porté jusqu'alors. Elle reçut ensuite un commandement de l'Evesque pour accepter la Superiorité, & se voïant en paix dans son Monaftere, elle fit des Constitutions qui furent approuvées par le Pape Pie IV. le 11. Juillet 1562. Sa Communauté fut composée de treize Filles seulement, l'aïant fixée à ce nombre, & elle ne voulut point recevoir de Sœurs Converses, afin que toutes les Religieuses se servissent reciproquement. Mais cela a esté changé dans la fuite, le nombre de vingt Filles aïant esté fixé pourles Communautés qui sont soumises à l'Ordre; & celles qui sont sous les Ordinaires des lieux ne font point fixées, y en aïant quelques-unes où il y a près de cent Filles & quelquefois davantage, l'on y reçoit CARMELI- auffi des Sœurs Converses. Tels furent les commencemens TFS DY CHAUSSE'S. de la Reforme de fainte Therese, dont nous allons voir le progrès dans le Chapitre suivant. Continuation de l'Origine des Carmelites Dechauffées, où il est parlé de la Reforme des Garmes Dechauffés, avec la Vie du B. Jean de la Croix, premier Carme Dechauffé, Coadjuteur de sainte Therese dans cette Reforme. S AINTE Therese qui avoit reçu de grandes contradictions de la part des hommes dans l'establissement du premier Monaftere de Filles de fa nouvelle Reforme, ne se rebuta point pour cela. Elle poursuivit son entreprise, & ce cœur genereux qui venoit de remporter une fi glorieuse victoire, ne s'effraïa pas de toutes les difficultés qu'elle prevoïoit bien devoir s'opposer au dessein qu'elle conçut aussi d'establir la mesme Reforme parmi les Religieux. Il n'y avoit que fon humilité qui la retenoit en quelque façon, & qui lui representoit qu'une entreprise si relevée ne devoit pas eftre confiée à la foiblesse d'une femme. L'arrivée du Pere Jean-Baptifte Rubeo General de l'Ordre, qui vint en Espagne pour faire fes visites, avança l'execution de cette entreprise; car elle prit occafion de lui communiquer fon dessein dans une conference qu'elle eut avec lui. A la verité il s'y oppofa d'abord à cause des Religieux mitigés, qui ne vouloient point entendre parler de Reforme; mais il ne put refufer aux prieres de l'Evesque d'Avila, Dom Alvarez de Mendoza, la permission que fainte Therese demandoir il en ajouta mefme une autre à laquelle elle ne s'attendoit point, & qu'elle ne lui avoit point demandée, qui estoit de pouvoir fonder un plus grandnombre de Monafteres de Filles, à condition que ces Monafteres feroient foumis à l'obéïssance des Superieurs de l'Ordre. Cette derniere lui fut accordée par escrit, avant la premiere, & elle ne reçut les Patentes de l'autre que quatre mois après, le General les lui aïant envoïées de Valence. Si-tost qu'elle les euft reçuës, elle chercha les moïens pour faire l'establissement du premier Monaftere de Carmes Dechauffés. Elle fut , CARMELI encouragée par le General mesime, qui lui escrivit plusieurs CARMES ET fois pour poursuivre une si bonne cœuvre ; & ne se contentant LITES DEpas de simples lettres & d'exhortations, il crut estre obligé CHAUSSE'S. d'emploïer toute fon autorité pour faire reussir un fi bon dessein, & de faire un commandement exprès à la Sainte de le poursuivre. Elle prit donc les mesures necessaires pour cela, & pendant qu'elle y travailloit fortement, l'occasion se presenta de faire une nouvelle Fondation pour ses Filles à Medina-del-Campo. Elle fortit d'Avila pour ce sujet, & la Fondation estant achevée, elle chercha des sujets propres pour commencer la Reforme des Religieux. Elle en parla au Pere Antoine d'Heredie Prieur des Carmes de Medina: elle fut fort surprise, lorsque ce Pere qui estoit âgé de plus de foixante ans, s'offrit à elle pour embrasser le premier la Reforme ajoutant que Dieu l'appellant à un genre de vie plus austere que celui qu'il avoit embrassé, il estoit refolu d'entrer chez les Chartreux, dont il avoit déja obtenu le confentement. Mais la Sainte ne trouvant pas dans sa personne ni l'efprit ni les forces neceffaires pour donner commencement à un Ordre auftere, elle lui conseilla de surseoir l'execution de fon deffein, & de s'exercer cependant dans la pratique des chofes qu'il esperoit voüer. Elle trouva le P. Jean de faint Mathias plus propre pour fon dessein. C'est celui qui a esté dans la fuite fi connu sous le nom de Jean de la Croix, depuis qu'il embrassa cette Reforme dont il a esté un des principaux inftrumens avec fainte Therese. Il estoit fils de Gonçalo d'Yepés & de Catherine Alvarez, & nâquit l'an 1542. à Ontiveros, Bourg de la vieille Castille au Diocese d'Avila. Ses parens qui estoient de mediocre fortune, & obligés de vivre du travail de leurs mains, ne se trouverent pas en estat d'envoïer leur fils aux estudes; mais il trouva des Patrons qui voulurent bien se charger de son éducation. Il répondit fi bien aux intentions de fes Bienfaicteurs, qu'il se rendit en peu de tems habile. dans les sciences, & conferva fon innocence & la pureté des mœurs parmi tous les dangers de la jeunesse. A l'âge de vingtun an, voulant embraffer un genre de vie, il crut qu'il ne pouvoit pas mieux faire, pour se garentir des pieges que le monde lui tendoit, que d'y renoncer entierement, & de fcretirer dans une Maison Religieufe, comme dans un azile & un port afsuré. Il choifit pour cet effet celui de fainte Anne dans |