TES DE pour én des qui lui furent inutiles mais elle donna la guerison spirituelle CARMELYà un Prestre , qui depuis sept ans se trouvoit dans un com- CHAUSSEES merce criminel avec une femme de ce lieu'; elle lui procura . l'esprit de compon&ion & de penitence , & une mort Chreltienne qu'il fit un an après. Elle fut trois mois dans ce lieu , où les remedes,bien loin de lui avoir esté falutaires,l'avoient de nouveau reduite à l'extremité. Son pere la ramena chez lui en cet estat , & la fit voir . à beaucoup de Medecins, qui defesperant de la guerison;l'abandonnerent. Un jour de l'Assomption elle tomba dans une syncope si étrange, qu'on la tint morte pendant quatre jours; de forte qu'on prepara fa fosse dans fon Monastere, & que les Religieuses , qui,comme nous avons dit,ne gardoient point de clôture , envoierent quelques-unes d'entre elles lever le corps & le conduire à la sepulture ; mais fon pere ' s’appercevant qu'elle avoit encore un peu de poulx s'y opposa. En effet elle revint de ce grand évanouissement , & voulut ensuite retourner en son Couvent, où par les merites de S. Jofeph,sous la protection duquel elle se mit , clle commença à le mieux porter & à marcher. Cependant à peine fut-ellem . guérië , qu'elle oublia les graces qu'elle avoit reçuë de Dieu, & qui devoient servir de chaînes pour l'attacher à lui. Elle à . se laissa aller au relachement , elle se laissa vaincre par l'efprit du monde , elle permit à quelques seculiers de la voir & de l'entretenir , & elle quitta d'abord l'Oraison , n'osant pas s'approcher de Dieu durant qu'elle se sentoit si fort attachée aux creatures. Mais Notre Seigneur ne put long-tems fouffrir l'infidelité de son épouse , il lui apparut deux fois pendant ce tems-là ; la premiere avec un visage severe , & la seconde comme attaché à la colomne, & couvert de plaïes , un morceau de sa chair paroissant dechiré & comme pendant à un bras. Une faveur si grande la remplit de confusion , elle reprit les exercices de l'Oraison,aidée en cela par les bons avis. d'un Religieux de S. Dominique à qui elle s'estoit confessée, elle retomba dans l'heureuse pente de son cæur qui se porroit comme naturellement à Dieu, & Notre-Seigneur l'elevoit peiz à peu au plus haut degré de la contemplation ;' il prenoit plaifir à redoubler ses graces & ses caresses. Les faveurs qu'elle & en recevoic frequemment devinrent suspectes à ses Directeurs, Ils apprehendoient que ce ne fussent des illusions, ce qui TES DE pour Dieu. Commeno CARMELI. fit que Therese intimidée par ses Confesseurs, n'operoit son CHAUSSE ES salut qu'avec crainte,& faifoit de plus grands efforts pour acquerir la pureté de son ame : mais après quelques conferences qu'elle eut avec S. François de Borgia de la Compagnie de Jesus, qui lui fit connoistre que marchant toûjours dans l'humilité, elle n'avoit aucun sujet de craindre l'illusion ; elle se rassura , & se mit sous la conduite de quelques Peres de la mesme Conipagnie , qui la soûtinrent dans cette conduite extraordinaire & qui l'obligerent de joindre l'exercice de la mortification & de la penitence à ces degrés fi sublimes d'Oraison. Elle se defic des ainitiés particulieres qu'elle avoic,qui, quoiqu'innocentes , mettoient neanmoins un grand empêchement à la perfection:cela lui coûta beaucoup; par ce qu'eltant d'un naturel fort genereux, elle avoit toûjours cru qu’elle devoit aimer ceux qui lui témoignoient de l'affe&ion ; mais après que par l'ordre de son Confesseur elle eut dic pendant un tema quelques prieres, cette passion d'amitié s'éteignit , & il ne lui fut plus pollible d'aimer personne qu'en Dieu & C'estoit dans l'esprit d'acquerir de plus en plus cette percement de fećtion & de la procurer à d'autres , qu'elle entreprit la redes Reli- forme de son Ordre: ce qui la determina à executer ce del sein , furent les maux que les Lutheriens & les Calvinistes, causoient dans l'Allemagne & dans la France, ruinant les Eglises & profanant les Autels ; estant bien raisonnable , difoit-elle,que pendant que les ennemis de Jesus-Christ ruinoient les Temples que la pieté des Fidelles lui avoit dediés, on en bâtist de nouveaux pour reparer son honneur. Pour parvenir à ce dessein , elle confera avec quelques vertueuses Filles de fon Monastere de l'Incarnation, qui entrerent tellement dans ses sentiments, qu’une d'entr'elles qui estoit sa niece & encore pensionnaire, offrit mille ducats pour acheter une maifon. Une Dame de la ville,d'une grande pieré & intime amie de la Sainte , nommée Guiomar de Villoa , lui promit de contribuer à cette fainte æuvre;ce qu'elle executa si fidellement, qu'elle ne l'abandonna point malgré les difficultés qui se rencontrerent , & les travaux qu'il fallut souffrir dans l'établissement du premier Monastere ; & qu'elle surmonta genereusement plusieurs perfecutions que l'enfer suscita pour traverser de fibons desseins , & étouffer la reforme dans son berceau, Quoique gicux. TES DE ) CHAUS Quoique sainte Therese ne pust douter que ce ne fult CARNELSDieu qui lui eust revelé d'executer une si sainte entreprise & qu'elle demeuraft tres-assurée que le Monastere se feroit; se'es. prevoïant neanmoins toutes les difficultés qui arriverent , elle eut beaucoup de peine à s'y resoudre : mais elle fut encouragée par saint Pierre d'Alcantara , avec lequel elle avoit contracté une alliance de charité ; & après avoir pris encore l'avis du B. Louis Bertrand & de fon Confefleur, elle communiqua fon dessein à son Provincial , qui consentit & promit de donner dans le tems toutes les permissions necessaires. La Sainte voïant que son dessein avoit reussi si heureusement, il lui sembloit que toutes choses conspiroient à l'accom-. plissement de ses desirs ; la confiance lui faisoit croire que les mille Ducats de la Niece , & le peu de bien que cette Dame Guiomar lui offroit , estoient suffisans pour fournir aux frais & à l'entretien de cet ouvrage; de sorte que croïant qu'il n'y avoit qu'à conclurre le tout, elle commença à chercher une place, & à traiter , quoiqu'en secret , de l'achat d'une Maison située au mesme lieu où se voit aujourd'hui le Monastere. Mais la chose ne put demeurer si secrete qu'elle ne fust bien-tost sçuë dans la ville ; on n'y eut pas plustot appris que Therese & la Dame Guiomar la bonne amie , vouloient establir un Couvent de Carmelites Déchaussées, sans aucun fonds ni revenus , que la nouveauté de cette entreprise excita de grands orages contr’elle, & ceux qui s'opposoient le plus fortement à ce dessein, entroient plus avant dans l'esprit & les bonnes graces du peuple. Le trouble fut plus grand dans le Monastere de Therese ; la plus grande grace qu'on pouvoir lui faire, estoit, disoit-on , de la renfermer dans une prison, comme une personne qui vouloit causer le trouble & la divifion dans l'Ordre;& le Provincial qui avoit promis de donner son consentement à ce nouvel establissement, retira sa parole, sous pretexte que le fond qu’on presentoit pour cette entreprile , n'estoit pas suffisant. Sainte Therese animée d'une vertu toute extraordinaire, nonobstant ces oppositions , acheta la Maison sous le nom de Domn Jean d'Oyalle mari de sa fæur Jeanne d'Ahumale, sous pretexte qu'ils venoient s'habituer dans A vila. En effet ils y vinrent , & s'estant establis dans cette Maison, ils commencerent d'y faire travailler, selon le dessein de la Sainte , qui penTame I. Xx ز LITES DE CARME: dant ce tems-là, poursuivit un Bref à Rome pour l'execution de la Reforme. Il fut expedié l'an 1562. la troisiéme année du SE'Es. Pontificat de Pie IV.au nom de la Dame Guiomar d'Ulloa & de fa mere Aldonce de Guzman, ausquelles il permettoit de pouvoir bastir un Monastere de Religieuses en tel nombre & fous tel Titre qu'elles voudroient, à condition qu'il seroit de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il ne resta plus qu’une difficulté, qui estoit que le Bref soumettant le nouveau Monastere à la jurisdiction de l’Evefque d'Avila, ce Prelat avoit peine à donner son consentement à cet establissement, considerant que ce Monastere n'avoit aucun revenu assuré ; mais saint Pierre d'Alcantara le fit condescendre à recevoir le Bref , & à se rendre comme le Fondateur & le Protecteur de ce premier Monastere. La Sainte ne perdit pas un moment pour profiter des bonnes volontés de son Prelat ; elle n'avoit qu'une fort petite Maison pour composer ce premier Monastere, elle y choisit le lieu qui lui parut le plus décent pour faire une Chapelle; une chambre joignante servit comme de Chour aux Religieuses; tout y estoit si pauvre, que la Cloche dont elle se feryoit pour appeller les Religieules à l'Office, ne pefoit pas plus de trois livres. Ce Monastere fur dedié sous le nom de saint Joseph. Il ne restoit plus que de le peupler de faintes Filles. Therese fit choix de quatre Orphelines dont la Niece estoit du nombre. Le jour qu'on celebra la premiere Messe dans ce Monastere , elles se presenterent à la Grille vestuës d'une grosse serge couleur minime, la teste couverte d'un gros linge, & les pieds nuds. Un Prestre qui en avoit reçụ commission de l'Eveique les reçut en l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel,& elles s'offrirent aussi de leur part,de garder inviolablement jusqu'à la mort, la Regle primitive de saint Albert Patriarche de Jerusalem, selon la declaration d'Innocent IV. Cette nouveauté causa un grand trouble dans le Monastere de l'Incarnation. La Superieure envoïa sur le champ un commandement à la Sainte d'y retourner , elle obeit à l'heure mesme., & partit après avoir pris congé de ses quatre Novices. . Elle rendit compte de son procedé avec tant de discretion, d'humilité, de foumillion & de dépendance, que la Superieure en fut satisfaite. Mais le peuple de la ville s'émut de telle forte contre cette nouvelle Fondation, qu'il courroit en fou TES DE . le pour renverser le nouveau Monastere , lorsqu'il en fur em CARMELI: peiché par les Magistrats ; & dans une Assemblée de la ville qui se fit à cette occasion , où le Gouverneur estoit d'avis qu'on so’es. rasast le Monastere , on se mettoit déja en execution de le faire , lorsque le discours qu'un Religieux de l'Ordre de saint Dominique fit pour la défense de cette Reforme naissante , arresta la fureur du peuple & calma les esprits. Il y eut ensuite quelques autres conferences à ce sujet, où on proposa des voïes d'accommodement : celles qui estoient proposées par le Gouverneur de la ville , estoient que le Monastere fult renté. . Mais Therese, bien loin de consentir à cet accord, obtint au contraire dans le mesme tems un autre Bref de Rome , qui lui permettoit & à ses Religieuses de ne posseder aucuns biens ni en commun ni en particulier, & de pouvoir vivre des aumosnes & des charités des Fidelles ; & elle obtint ensuite de son Provincial la permission, non seulement de retourner au Couvent de faint Joseph ; mais encore d'y mener avec elles quatre Religieuses du Monastere de l'Incarnation. A son arrivée elle establir le gouvernement de la Maison , elle ne voulut point estre Superieure , & distribua les Chara ges & les Offices aux quatre Religieuses qu'elle avoit amenées. Quelques filles se presenterent ensuite pour eftre reçuës dans ce Monastere , & le peuple delivré de la passion qui le preoccupoit , n'eut plus que de l'estime pour la Sainte & pour ses Religieuses , & leur envoïoit des aumosnes fans qu'elles les demandassent. Sainte Therese avec les quatre Compagnes qui estoient sorties du Monastere de l'Incarnation, prit l'habit de la nouvelle Reforme, avec le Nom de Jesus , au lieu de celui d'Ahumade qu'elle avoit porté jusqu'alors. Elle reçut ensuite un commandement de l’Evesque pour accepter la Superiorité, & se voïant en paix dans son Monastere , elle fit des Constitutions qui furent approuvées par le Pape Pie IV. le 11. Juillet 1562. Sa Communauté fut composée de treize Filles seulement, l'aïant fixée à ce nombre , & elle ne voulut point recevoir de Sæurs Converses , afin que toutes les Religieuses se servissene reciproquement. Mais cela a esté changé dans la suite, le nombre de vingt Filles aïant esté fixé pour les Communautés qui sont soumises à l'Ordre; & celles qui sont sous les Ordinaires des lieux ne sont point fixées, y en aïant quelques-unes où il y a près de cent Filles & quelquefois davantage , l'on y reçoit |