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Bolland.

As

vis S.Ant.

17. Jan

Arfinoïtes, dont S. Denys d'Alexandrie parle avec éloge, peuvent avoir efté auffi des Solitaires, comme quelques-uns ont cru; puifque les noms de Therapeutes, d'Afcetes, d'Anachoretes, de Moines, de Solitaires, de Religieux & d'Ermites, ont efté donnés indifferemment à ceux qui ont fait profeffion de la vie Monastique.

Que fi faint Paul a merité d'eftre appellé le premier des Ermites, c'est un nom qui lui a efté donné par excellence, pour avoir efté le plus celebre dans cette profeffion. C'est pourquoi ceux qui choifirent le mefme genre de vie, le regarderent comme leur chef; eftant bien jufte qu'ils priffent pour modele un homme, qui avoit mené fur la terre une vie toute angeli que pendant quatre-vingt-dix ans, fans avoir eu communication avec aucun homme; finon avec faint Antoine, à qui Dieu le fit connoiftre, pour apprendre par lui-mesme sa vie admirable, & donner la fepulture à fon corps.

PARAGRAPHE V.

Differentes efpeces de Moines; ce que c'eft que les Cœnobites, les avantages qu'ils ont pardeffus les autres.

D

E ce grand nombre de Solitaires qui ont peuplé lesDeferts, il s'en eft formé deux efpeces de Moines, dont ceux qui ont vêcu en commun ont efté appellés Coenobites ; & ceux qui fe font retirés dans une folitude plus eftroite, après avoir vêcu long-tems en Communauté, & y avoir appris à vaincre leurs paffions, retinrent le nom d'Anachoretes.

Mais pendant qu'ils édifioient toute l'Eglife par la ferveur avec laquelle ils marchoient dans la voie de perfection, il se forma auffi une troifiéme efpece de Moines, qui portoient injuftement ce nom qu'ils avoient ufurpé, faifant profession en apparence de la vie Religieufe. Ils demeuroient deux ou trois ensemble, vivant à leur fantaifie, allant de ville en ville & par les bourgades. Ils affectoient de porter des manches fort amples, des fouliers larges, & un habit groffier. Ils avoient fouvent differend ensemble fur l'obfervance de leurs jeufnes. Ils médifoient des Ecclefiaftiques, & les jours de Festes ils faifoient bonne chere, jufques à rejetter les viandes & le vin qu'ils avoient pris avec excés. C'est la defcription qu'en

fait faint Jerôme, qui les appelle des Rhemobotes ; & Caffien Hieron. leur donne le nom de Sarabaïtes.

Epift. ad
Euft.

Caffian.

Coll. 18.

cap. 17.

Saint Benoist parle encore d'une autre forte de Moines, qui femblables à ces Rhemobotes, couroient auffi de païs en païs, fans s'arrefter en aucun lieu, fous pretexte que cher- S.Ben.Cap. chant un eftat de vie plus parfait, ils n'en trouvoient nul Regul part. Ainfi abusant de l'hofpitalité des vrais Moines, ils se faifoient bien traiter, ils entroient en tous lieux, & fe mefloient avec toutes fortes de perfonnes, dans le deffein, en apparence, de les convertir, ou de leur faire mener une vie plus parfaite. Une conduite fi dereglée ne leur pouvoit attirer que du mépris, & on ne regardoit pour veritables Moines que les Cœnobites & les Anachoretes.

Caffien parlant de ces derniers, les prefere aux Coenobites, comme eftant plus avancés dans la perfection, & fouhaitoit embraffer cette profeffion. Saint Jerôme, en plufieurs endroits, dit auffi qu'elle eftoit le comble de la perfection Monaftique; mais qu'il falloit y arriver par les degrés de la vie Coenobitique, & par les exercices de toutes les vertus austeres qui fe pratiquoient dans les Communautés. Mais ce Pere chan-gea de fentiment dans la fuite; & l'experience a fait voir que La vie Coenobitique eftoit celle qu'on devoit fuivre plus furement, comme la moins expofée aux tentations.

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expof. inBirroge

Saint Bafile qui en a fait l'éloge, en a fait connoistre les Bafil. Reavantages. Il dit " que Dieu aïant voulu que nous euffions «8. fuf. befoin les uns des autres, nous devons par cette confidera- «-7 tion nous unir tous les uns aux autres: que les avantages que nous poffedons font inutiles dans une vie abfolument Soli- « taire qu'elle ne fe propofe qu'un feul but, qui eft la com- « modité de celui qui l'embraffe ; ce qui eft vifiblement con- « traire à la charité que l'Apoftre a fi parfaitement accomplie & qui confifte à ne chercher point ce qui nous eft avantageux en particulier, mais ce qui eft avantageux à plufieurs pour eftre fauvés que les Solitaires ne reconnoiffent pas facilement leurs defauts, n'aïant perfonne qui les reprenne & « les corrige; & qu'on leur peut attribuer ces paroles du « Sage: malheur à celui qui eft feul, parce que s'il tombe, il n'a « perfonne pour le relever: qu'un grand peril qui eft à craindre dans la vie Solitaire, eft celui de la complaifance, dont il eft « très difficile de fe garentir dans cet eftat; car un Solitaire

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Ecclef

4. 10,

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n'aïant perfonne qui puiffe juger de fes actions, s'imaginera eftre arrivé au comble de la perfection; mais qu'au contraire la vie Coenobitique a cet avantage; que la correction » y eftant faite, mefme par un ennemi, eft fouvent une occafion à ceux qui jugent fainement des chofes, de defirer », le remede de leurs maux qu'elle eft une carriere, où l'on » s'applique aux combats fpirituels, un chemin facile pour » s'avancer dans la pieté, un continuel exercice, une perpe"-tuelle meditation des commandemens de Dieu; & enfin que ce genre de vie eft conforme à celui des premiers Chreftiens, qui eftoient tous unis ensemble,& qui n'avoient » rien qui ne fuft commun entr'eux.

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Il eft rare de voir prefentement des Anachoretes, c'est-àdire des perfonnes, qui, après avoir vêcu dans la Communauté, fe retirent dans la folitude. Charlemagne les renvoïa dans leurs Monafteres, difant qu'il valloit mieux qu'ils demeuraffent dans une Congregation, que de les abandonner au mouvement de leur efprit qui leur pouvoit fuggerer de courir le païs. On en trouve encore quelques-uns en Orient; mais il n'y a gueres que le defert de Vallombreufe qui puiffe produire un de ces exemples en Occident; l'endroit où faint Jean Gualbert fe retira auparavant que de fonder fon Ordre, eftant toûjours occupé par un Religieux qui garde un silence perpetuel, ne fortant jamais de ce lieu, & ne communiquant avec aucun Religieux; fi ce n'eft avec un feul frere convers, qui lui apporte fes befoins de l'Abbate, chef de cet Ordre, qui en est efloignée d'un demi mille.

Il y avoit autrefois des Reclus qui eftoient enfermés très étroitement. LeConcile in Trullo leur deffendit d'embraffer ce can. 4 1. genre de vie, qu'après avoir commencé dans le Monastere à vivre feparés comme des Anachoretes, & après avoir perfeveré dans cet eftat pendant trois ans, outre une année d'épreuve qu'ils devoient faire encore hors du Monaftere, après quoi ils pouvoient eftre enfermés; mais il ne leur eftoit pas permis de fortir du lieu de leur Reclufion, à moins que ce ne fuft pour quelque caufe qui regardaft le bien public, ou qu'il n'y euft peril de mort pour eux pour lors ils en pouvoient fortir avec la benediction de l'Evefque ; & fi quelquesuns de ces Reclus en fortoient autrement, le mefme Concile ordonna qu'ils feroient enfermés malgré eux, dans le mesme

lieu

Il

que

437.787.

CAN. 12.
Mabill.

Annal. Be

Bulteau,

noist, to. 1. l

Greg. Tur. lib.4.c.39

Bulteau

comme ci

lieu, & qu'on leur impoferoit des jeufnes & des mortifications. Le Concile de Francfort n'en voulut point fouffrir, à moins les Evefques & les Abbés ne les renfermaffent eux mefmes. La Coustume eftoit autrefois à Vienne en Dauphiné de choifir un Religieux que l'on croïoit eftre le plus avancé dans la perfection, & le plus digne d'eftre exaucé de Dieu ; & on le med. 1. 4. renfermoit dans une Cellule, afin qu'il y paffaft le refte de pag. 107. fes jours dans la contemplation, & qu'il y priaft fans ceffe Hift.de l'or pour le peuple. C'eftoit auffi la pratique de la plufpart des de des. Be Monafteres, non feulement d'hommes, mais encore de filles. . . 21. y en avoit, entr'autres, dans le Monaftere de Sainte-croix de Poitiers; & Gregoire de Tours a defcrit les ceremonies qu'on obfervoit dans la reclufion de ces faintes filles. Vers la fin du neuviéme fiécle, Grimlaic Preftre, que l'on croit avoir efté le mefme que celui que le PapeFormofe jugeoit digne de l'Epifcopat,& qu'il recommanda pour cet effet à Foul- dessus. 80.2. ques Archevesque de Reims, afin qu'à la premiere occafion 4.5.30. 6. il emploïaft fon credit pour lui procurer cette dignité; compofa une Regle pour ces fortes de Reclus. Leurs Cellules devoient eftre proche de l'Eglife de quelque Monaftere, & elles pouvoient eftre accompagnées d'un petit jardin. Ces Reclus demeuroient feuls, ou plufieurs ensemble; dans un mesme lieu, mais chacun dans une Cellule feparée, communiquant feulement entr'eux par une feneftre. Ils vivoient du travail de leurs mains, ou des oblations des fidelles ; foit des aumofnes du Monaftere voifin, foit de celles que le peuple leur faifoit. Parmi ces Solitaires, il y en avoit qui eftoient Clercs, & mefme Preftres, & que les feculiers alloient voir, pour les confulter fur ce qui regardoit leur confcience & leur falut. Les Preftres celebroient la Meffe dans une petite Chapelle qui eftoit dans l'enceinte de leur Reclufion ; & ils avoient encore une feneftre qui s'ouvroit fur l'Eglife, & par laquelle ils voient affister à l'Office, parler à ceux qui les venoient voir & entendre les confeffions des feculiers, mefme celles des femmes, qui vouloient recevoir leurs avis fur la conduite de leur vie.

pou

Ceux d'entre les Reclus qui eftoient Moines de profeffion, portoient le froc; & ceux qui ne l'estoient pas, se couvroient d'une chappe, qui eftoit un habit communaux Ecclefiaftiques & aux Religieux. Quelques-uns avoient des Difciples qui de

Bulteau,

282.

Vit. S. Euth. apud Bolland.

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meuroient hors l'enceinte de leur Reclufion; nul ne devoit
eftre admis à l'eftat de Reclus, qu'avec la permiffion de l'E-
vefque du Diocefe,ou de l'Abbé du Monaftere qu'il choififfoit
pour le lieu de fa Reclufion, & s'il n'avoit paffé auparavant
par l'épreuve du Noviciat. On imprimoit fur la porte de la
Cellule le fceau de l'Evefque; & file Reclus tomboit malade,
on oftoit ce fceau pour l'aller fecourir; mais il ne lui eftoit pas
permis de quitter fa Reclufion. Ainfi ils eftoient obligés par
cette Regle, à quelque chofe de plus qu'à ce que le quaran
te-uniéme canon du Concile in Trullo ne les avoit obligés.

Il femble que faint Romuald Fondateur de l'Ordre des
Camaldules, ait renouvellé dans l'onziéme fiécle les ancien-
nes Laures des Moines de la Palestine, en faisant vivre fes
Ermites dans des cellules feparées les unes des autres, avec
une Eglife au milieu, où ils s'affemblent tous pour les divins
Offices. Le premier qui fonda ces fortes de Laures, fut faint
Hi Mo Chariton qui mourut vers l'an 340.La premiere eftoit prés de
naft. do- la Mer-morte, à fix mille pas de Jerufalem, & fut depuis ap-
rient-page pellée la Laure de Pharan. Il en bâtit une feconde vers Jericho,
& une troifiéme dans le defert de Thecua, qui fut enfuite
connuë fous le nom de Laure de Seuca. La-Laure que bâtit
faint Euthyme le Grand dans le cinquiéme fiécle, fut fort re-
At Ss. 20. nommée ; elle eftoit efloignée de quatre ou cinq lieuës de la
ville de Jerufalem; mais le faint Abbé n'y vouloit point rece-
voir de jeunes gens qui n'avoient point encore de barbe ;
c'eft pourquoi faint Sabas & faint Quiriace s'eftant presen-
tés pour eftre au nombre de fes Difciples, il envoïa faint Sa-
bas au Monaftere de faint Theoctifte, & faint Quiriace à ce-
lui de faint Gerafime, parce qu'ils n'avoient point encore de
barbe & à fon imitation faint Sabas aïant bâti la celebre
Laure qui a porté fon nom, il n'y recevoit pas non plus de
jeunes gens,
& les envoïoit d'abord dans d'autres Monafteres.
Ce Saint eut plufieurs Difciples qui bâtirent auffi des Laures
aux environs du Jourdain. Toutes ces Laures eftoient cele-
bres par l'exacte discipline, & par la grande aufterité qu'on
y pratiquoit.

Theodoret

6. 26.

Cette vie auftere ne contenta pas d'autres Solitaires qui Hift. Relig. vivoient dans le mefme tems; & l'on regarda comme un proVit. S. Si dige le Grand Simeon Stylite qui fe confacra le premier, & meon. apud fans en avoir d'exemple, à une penitence extraordinaire, ef

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