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que

mont de prouver ce qu'il a avancés car Callien lui pourroit refpondre que lorfqu'il fut en Egypte, l'an 394. il n'y avoit trente-huit ans que faint Antoine eftoit mort, & qu'il n'y en avoit pas plus de quarante-fix que faintPachome l'eftoit auli: qu'ainfi il n'y avoit pas un fi long-tems pour qu'il ne fe trouvalt pas de leurs Difciples encore vivans, de qui il auroit appris que leurs Maiftres n'avoient pas efté les Auteurs de la vie Monaftique & Coenobitique qui eftoit plus ancienne qu'eux; & que la tradition parmi ces anciens Solitaires eftoit, qu'il y avoit toujours eu des Moines & des Solitaires depuis les Therapeutes jufques à eux ; c'eft apparemment ce qui a donné lieu A Callien de dire que les Coenobites cftoient plus anciens que les Anachorctes, qu'ils avoient commencé avant faint Paul & faint Antoine, & qu'ils ont toujours efté dans l'Eglife depuis les Apoftres.

Au refte les noms de Therapeutes, d'Afcetes, de Moines, de Solitaires & d'Ermites, aïant efté donnés indifferemment à tous ceux qui ont fait profeflion de la vie Monaftique ; on doit reconnoiftre une fucceflion de Moines fans interruption depuis faint Marc jufques à faint Antoine; puifque prefque tous les Hiftoriens, & M. de Tillemont mefme, demeurent d'accord qu'il y a toûjours eu des Afcetes dans l'Eglife, & l'on doit reconnoiftre leursMonafteres pour de veritables Monafteres, quand bien mefme ils n'auroient efté que de huit ou de dix Religieux au plusspuifque l'effentiel de la vieCoenobitique n'est pas de demeurer quatre ou cinq cens enfemble, mais feulement plufieurs, & que le nombre de huit ou de dix,& mesine un moindre nombre, eft fuffifant pour cela. Car il n'y a perfonne qui dife que les Capucins foient des folitaires,& leur qualité de Mandians n'empefche pas qu'ils ne foient veritablement Conobites.Cependant felon les Conftitutions qui furent dreffées dans leur premier Chapitre General, tenu à Alvacina l'an 1529. ils ne devoient pas demeurer plus de fept ou de huit dans un Convent, excepté dans les grandes villes, où ils pouvoient demeurer dix ou douze: ftatuimus ut Conventuum familia, annal. Ca- feptimum vel octavum numerum fratrum non excedat, praann. 1529. terquam in magnis civitatibus, ubi decem vel duodecim circiter fratres commodè habitare poterunt. In reliquis urbibus aut Greg lib. oppidis, non amplius quàm feptem vel octo fratres commorentur: : & faint Benoift ne mit auffi que douze Religieux

Bouct.

puc. ad

2. dialog.

06830

Chreft.

dans chacun des douze premiers Monafteres qu'il fonda. Toute la difference que M. Fleury met entre les Moines & Fleury les Afcetes, c'eft que ceux-ci demeuroient dans des folitudes murs des auprès des villes, & que les autres fe retiroient dans les deferts: pag. 306. car en parlant dans un endroit de faint Aaroine, il dit qu'aïant mené la vie Afcetique près du lieu de fa nailfance, il fe retira dans le defert: qu'il fut le premier qui y affembla des Difciples, & les y fit vivre en commun; & qu'on ne les nomma plus Afcetes, quoiqu'ils menaffent la mefme vie; mais qu'on les appella Moines, c'est-à-dire Solitaires ou Ermites, & habitans des deferts. Cependant dans un autre endroit il donne. le nom de folitaires aux Afcetes avant la retraite de faint An- le mefme toine ; car du tems qu'il embraffa la folitude, & qu'il renonça hift. Eccles. au monde, il dit que l'Egypte n'avoit pas encore tant de mai- 418 419. fons de Solitaires, & qu'aucun d'eux ne connoiffoit encore le grand defert: que dans le voifinage d'Antoine, il y avoit un vieillard Solitaire, & que il fut touché d'une loüable emulation: qu'il commença premierement à demeurer auffi hors du bourg; mais que s'il entendoit parler de quelque vertueux Solitaire, il l'alloit chercher.

Païant veu,

Voila donc le nom de Solitaire donné par M. Fleury aux Afcetes avant la retraite de faint Antoine, quoiqu'il ait dit dans un autre endroit que ce ne fut qu'après; que croirons-nous donc ? Mais fuppofons qu'ils n'aïent efté appellés Moines ou Solitaires qu'après la retraite de faint Antoine, nous trouveront toûjours cette fucceffion de Moines & de Monafteres depuis faint Marc jufques à ce tems-là ; puifqu'avec le nom de Moines les Afcetes ne changerent rien dans leur maniere de vivre, felon M. l'Abbé Fleury, & que M. de Tillemont reconnoift qu'il y en a toûjours eu de tout tems dans l'Eglife. Le changement de nom n'a point interrompu cette fucceffion; de mefme qu'il eft toujours vrai de dire que l'Ordre des Chevaliers de Malte a toujours fubfifté depuis environ l'an 1099. jufques à prefent ; quoique d'abord on leur ait donné le nom de Chevaliers de faint Jean de Jerufalem, qu'on les ait appellés enfuite Chevaliers de Rhodes, & enfin Chevaliers de Malte, après que cette Ifle leur euft efté donnée par l'Empereur Charles V. l'an 1530.

PARAGRAPHE III.

Que les perfecutions n'ont point empefché qu'il n'y ait tou jours eu des Moines & des Monafteres depuis faint Marc jufques à faint Antoine.

UN

y

NE des plus fortes raifons qu'on allegue pour ne point reconnoiftre une fucceffion de Moines & de Monafteres depuis faint Marc jufques à faint Antoine, c'eft que les perse cutions ne l'auroient pas permis. Mais je trouve cette raison frivole: pourquoi ne veut-on pas que ce que nous voïons tous les jours arriver en Irlande, ne foit pas arrivé dans les folitudes de l'Egypte & de la Thebaïde à l'égard des Afcetes, des Moines,ou Solitaires, qui font noms Synonimes, & qui n'y ont jamais cfte fi perfecutés dans ce tems-là, que les Religieux le font prefentement dans ce Roïaume? les Preftres feculiers font tolerés, & les Religieux fi fort haïs, que par un acte du Parlement de l'an 1697. il est defendu à qui que ce foit, foit Catholique ou Proteftant, d'en recevoir aucun, ni de leur donner aucun secours, mefme hors du Roïaume, fous peine de cent livres sterlin d'amende pour la premiere fois, de deux cens livres fterlin pour la feconde, & de punition corpo relle pour la troifiéme fois, avec confifcation de leurs biens; & aux Religieux d'y demeurer, fous peine d'un an de prifon & de banniffement hors du Roïaume ; excepté ceux qui y ef❤ tant lors de la publication de cet acte, en feroient fortis, & y feroient revenus ; car pour ceux-ci, ils font declarés criminels de Leze-Maïefté & coupables de mort ; ce qui s'execute avec tant de rigeur qu'il n'y a point d'années qu'un grand nombre de Religieux ne finiffe fa vie par un glorieux martyre, ou ne foit comdamné à un banniffement. Cependant cela n'empefche pas qu'il n'y en ait toûjours en Irlande un grand nombre de differens Ordres, qui,malgré ces violentes perfecutions, ne laiffent pas d'y tenir des affemblées, & mefme confiderables ; puifque ces Religieux y tiennent toujours des Chapitres Provinciaux,compofes quelquefois de près de cent perfonnes,quoiqu'il n'y ait que les feuls Superieurs qui aïent droit de s'y trouver. Dira-t-on qu'il n'y a point eu de fucceffion de Moines &

que

de Monafteres depuis que l'ordre Monaftique a efté establi dans ce Roïaume jufques à ce jourd'hui, quoique les Religieux ne portent pas publiquement l'habit de leur Ordre ? Peut-on dire les maifons où demeurent ces Religieux, quelque fois au nombre de dix ou de douze, ne foient pas de veritables Monafteres; quoiqu'elles n'aïent pas cette apparence exterieure qui les diftinguoit autrefois des maisons laiques & feculieres, avant le malheureux fchifme qui a caufé la ruine & la deftruction de tant de fameux édifices, dont il ne refte plus que des veftiges, & qui ont esté changés en maison profanes ?

ner Apoft.

Il en eft de mesme en Angleterre, où nous trouvons encore des exemples de cette continuation fans interruption, non feulement dans les Religieux qui y font auffi en grand nombre, quoique deguifés; mais en particulier dans la Congregation des Benedictins Anglois, qui comprenoit autrefois plufieurs celebres Abbaïes & Prieurés, remplis d'un grand nombre de Religieux, dont plus de vingt Abbés & Prieurs avoient voix & féance dans les Parlemens en qualité de Pairs du Roïaume, & qui, aïant la pluspart fini leur vie par un glorieux martyre, & les autres par une mort naturelle, la Congregation fe trouva reduite en un tel point en 1585. qu'après la mort de Dom Jean Fekenan,dernier Abbé de Weftmunf- Clem. Ret ter, qui mourut dans les fers fous le regne de la Reine Eliza- Bened in beth, il ne fe trouva qu'un feul Religieux de cette florif- Angl.rait. fante Congregation, & cela pendant l'efpace de vingt-deux ans, jufqu'en l'an 1607. que ce Religieux affocia à fa Congregation prefque efteinte quelques autres Religieux des Congregations du Mont-Caffin & de Valladolid; & ainsi remit fur pied cette ancienne Congregation, qui s'eft augmentée en l'eftat où nous la voïons prefentement. Cependant on ne peut pas nier que les Benedictins n'aïent toûjours fubfifté en Angletere depuis l'an 596. qu'ils y entrerent & qu'ils y jetterent les femences du chriftianifme; & l'on trouvera une fucceffion fans interruption de cette Congregation de Benedictins Anglois depuis cette année 596. jufques à ce jourd'hui, quoique pendant vingt-deux ans elle ait efté reduite à un feul Reli gieux.

Ainfi,fuppofé qu'il n'y euft que ce feul Religieux ou Solitaire, que faint Antoine alla trouver lorfqu'il voulut fe retirer dans

1. pag. 234.

la folitude, il ne faudroit pas conclurre de là que l'eftat Monaftique fut pour lors éteint; au contraire je trouve qu'il y avoit en ce tems-là un grand nombre de Solitaires; puisqu'au rapport de faint Athanafe, faint Antoine alloit chercher ceux qu'il croïoit les plus avancés dans la perfection, afin de recevoir d'eux des inftructions, & que ce viellard,à qui il s'adressa dabord, s'eftoit exercé dès fa jeuneffe à la vie folitaire.

Saint Palémon avec qui S. Pachome fe retira vers l'an 314. eftoit un Anachorete fort àgé, & avoit efté neanmoins inftruit par d'autres dans les pratiques de la vie solitaire. Nous trouvons au troifiéme fiécle S. Denys Pape, qui d'Anachorete qu'il eftoit, aïant efté fait Preftre de l'Eglife Romaine, fut elu l'an 259. pour la gouverner. Si

nous remontons au fecond fiécle, nous trouvons S. The

lefphore, qui, aïant efté aufli Anachorete fut elevé au fouverain Pontificat l'an 128. L'heretique Marcion, felon ce que nous apprend S. Epiphane, fe fépara de l'Eglife vers le milieu de ce fiécle, après avoir fait profeffion de la vie Monaftique. Enfin dans le premier fiécle nous y trouvons les Therapeutes que le Pere Papebroch ne veut pas neanmoins reconnoiftre pour Moines; mais il ne fait pas difficulté de reconnoiftre pour tels, les autres Difciples des Apoftres dont parle Philon, qui felon cet Auteur Juif eftoient répandus chez les Grecs & les Barbares: Alios vePapebr. yo (dit ce fçavant Jefuite) quos in aliis regionibus inter 1 em Sebaft. Gracos & Barbaros indicat Philo, aliorum quoque Apoftoleà S. paulo rum vel Apoftolicorum virorum fuiffe difcipulos, nequaquam ambigo, & veros omnino Monachos ( licet hoc nomen necdum ufurparetur) id eft Solitarios agnofio. Et l'on peut croire aifément que pendant les perfecutions il y a eu des Communautez,qui à la vérité n'eftoient pas fi nombreuses qu'elles l'ont efté lorfque l'Eglife fut en paix ; puifque, comme nous venons de dire, il ne laiffe pas d'y avoir des Monasteres en Angleterre & en Irlande, nonobftant la perfecution, & qu'il s'y tient mefme des Affemblées confiderables.

resp. ad Pa

avi. 16. n.

69.

J'avoue que, quoique ces Monafteres des trois premiers fiécles fuffent de veritables Monafteres, ils n'eftoient pas néanmoins fi parfaits qu'ils l'ont efté au tems de S. Antoine, & encore davantage au tems de S. Bafile, qui a donné la derniere perfection à l'Eftat Monaftique: C'eft pourquoi on peut

les

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