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32.

S. Basile le Grand

Archevêque de Cesarée, Docteur de l'Eglise, et Pa

triarche des Moines d'Orient.

CHAPITRE XVII.

Vie de faint Bafile le Grand, Docteur de l'Eglife, Archevefque de Cefarée & Patriarche des Moines d'Orient.

UOIQU'IL y ait eu un nombre infini de Moines & de Solitaires en Orient avant faint Bafile, c'est neanmoins avec justice, que l'on a donné à ce Docteur de l'Eglife le titre de Patriarche des Moines d'Orient. Car fi faint Antoine a efté le restaurateur de la vie Cœnobitique, & fi faint Pachome lui a donné une meilleure forme, c'est faint Bafile qui a eu la gloire de lui donner fon entiere perfection, en obligeant par des vœux folemnels ceux qui fe font engagés à ce genre de vie.

Il femble que la fainteté ait esté hereditaire dans fa famille, puifque l'Eglife honore & revere comme Saints, fainte Maerine fa bifaïeule, & une autre fainte Macrine sa fœur, faint Gregoire de Nyffe & faint Pierre de Sebaste ses freres; que fon Pere Bafile a eu le don des Miracles, & qu'il y a eu fort peu de fes parens qui ne fe foient fignalés par des actions faintes & des vertus éclatantes. Le R. P. Apollinaire d'Agrefta General de l'Ordre de faint Bafile, dans la Vie de ce Saint qu'il donna en 1681. dit que cet Ordre cclebre le 30. Mai, par une Conceffion du faint Siege du 15. Novembre 1603. la Fefte de huit des Anceftres de faint Bafile, qui font du cofté paternel; faint Gregoire & fainte Theodore fes bifaïeuls, faint Bafile & fainte Macrine fes aïeuls, faint Bafile & fainte Eumelie fes pere & mere; & du cofté maternel, faint Gregoire & fainte Ifabelle auffi fes aïeuls. Dom Alfonfe Clavel Annaliste du mefme Ordre, leur donne auffi le titre de Saints. Mais ce qui eft certain, c'eft que l'on ignore le nom de quelques-uns des Ancestres de notre Saint; & que fi l'Eglife a permis que l'on en fift la Feste le 30. Mai dans l'Ordre de faint Bafile, elle aura fans doute revoqué cette permiffion; puifque dans le Kalendrier des Saints de cet Ordre que le P. D. Pierre Menniti, qui en a efté auffi General, fit imprimer à Velletri en 1695. on n'y trouve le 30 Mai que fainte Eumelie mere de faint Bafile, dont le nom n'eft pas mefme marqué d'un Afterifque, avec lequel le P. Menniti a defigné les Saints dont

VIZ DE SBASILE.

VIE DE S.

BASILE.

on fait l'Office avec la Meffe. Mais quand ses ancestres n'auroient feulement paffés que pour des perfonnes d'une vertu éminente, & d'une pieté finguliere; il en pouvoit tirer plus d'avantage & de gloire, que ceux qui defcendent des Empe

reurs & des Rois.

On ignore le nom de fon Aïeul paternel, & l'on fçait feulement qu'il cut pour femme Macrine, dont le nom fe lit dans le Martyrologe Romain le quatorze Janvier. Ils fe virent dépouillés avec joie de leurs biens par la haine des Empereurs Païens, & leur grand zele pour la foi leur avoit fait fupporter conftamment toutes les incommodités & les miferes qu'ils avoient fouffertes dans les Deferts de Pont, où ils s'eftoient retirés pour fuir la perfecution de ces mefmes Empereurs. Dieu fit voir en cette rencontre combien cette conduite lui eftoit agreable, par un celebre miracle qu'il accorda à leurs prieres en leur envoïant des Cerfs pour les nourrir, & pour leur donner un peu de foulagement dans les peines qu'ils enduroient. La perfecution eftant ceffée, ils retournerent dans leur maifon, & la Divine Providence leur rendit des biens plus confiderables que ceux qu'ils avoient perdus.

Leur pieté paffa à Bafile leur fils, qui efpoufa Eumelie; & foit qu'ils vinllent demeurer à Cefarée de Cappadoce, ou qu'ils y allaffent de tems en tems, ce fut dans cette ville que naquit le Grand faint Bafile vers l'an 329. Eftant encore enfant, il tomba dangereufement malade. Ses pere & mere, après avoir emploïé les remedes humains, eurent recours à la priere, qui, aïant efté accompagnée d'une foi vive & pareille à celle de ce Roi dont il eft parlé dans l'Evangile, qui demandoit aufli la guérifon de fon fils à Jefus-Chrift; ils méritérent d'en recevoir une réponse auth favorable, Noftre-Seigneur s'eftant apparu la nuit à ce pere affligé, & lui aïant promis la guérifon du petit Bafile. On l'envoïa enfuite à Néocefarée où demeuroit pour lors fon Aïeule fainte Macrine; quelques-uns croient que ce fut dans une maifon de campagne aux environs de cette ville, où cette fainte Femme lui fit fuccer dès fon enfance la pure doctrine de la foi dont elle avoit efté elle-mefme inftruite par S. Gregoire Thaumatur ge. A l'âge de fept ans il retourna chez fon pere, qui eftant un Avocat celebre, lui donna les premieres teintures des Lettres humaines. H alla enfuite eftudier à Céfarée de Palestine,

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où il commença à connoiftre S. Gregoire de Nazianze. De là VIE DE S. il paffa à Conftantinople à l'âge de douze ans, où après avoir eftudié quelque tems, il retourna à Cefarée de Cappadoce d'où il fut à Alexandrie pour y vifiter les efcoles de cette ville; mais n'y aïant pas trouvé ce qu'il fouhaitoit, il vint à Athenes.

Il avoit alors dix-fept ans, & ce fut là qu'il lia avec faint Gregoire de Nazianze cette amitié fi forte qui dura jusqu'à la mort, & que rien ne put defunir. Gregoire lui rendit d'abord fervice; car aïant reprefenté à fes amis la fageffe & la gravité de Bafile,jointes à la reputation qu'il s'eftoit déja acquife, il le fit exemter d'une certaine formalité qui alloit mefme à l'infolence & dont les Eftudians de cette ville ufoient à l'égard des nouveaux venus.

pour

Il fut fi dégoufté de cette maniere d'agir peu ferieufe, qu'il auroit quitté Athenes,fi faint Gregoire ne l'euft retenu. Il devint très-fçavant en peu de tems, aïant eu pour Maiftres les plus habiles Profeffeurs de ce tems-là, Libanius, Ecebole, Himece, & Protherefe. Il fçavoit toute la Philofophie, l'Af tronomie, la Géometrie, l'Arithmetique ; & fes frequentes maladies l'engagerent à apprendre la Medecine. Mais toutes ces sciences profanes ne lui firent point abandonner les faintes Lettres qu'il avoit eftudiées dès le berceau. Il eut auffi compagnon de fes eftudes avec faint Gregoire, Julien l'Apoftat, avec qui ils firent quelque connoiffance, & ces deux Saints defcouvrirent le déréglement de fon efprit par fa phifionomie & fon exterieur. Enfin après un fejour de dix ans dans cette celebre ville, il retourna à Céfarée fa Patrie, où fa mere qui avoit perdu depuis peu fon mari, le fouhaitoit pour la confoler dans fon veuvage. Il plaida d'abord quelques causes; car c'eftoit par-là que commençoient ceux qui afpiroient aux Charges; mais fa foeur fainte Macrine craignant que l'orguëil, la vanité & l'ambition ne s'emparaffent de fon cœur, fui perfuada adroitement de quitter cette profeffion & toutes les autres occupations feculieres, pour s'adonner entierement à la retraite, à l'eftude de la veritable fageffe, & à la pratique des vertus Chreftiennes. Il y fit reflexion, & ce fut pour lors, comme il le dit lui-mefme, qu'il commença à s'éveiller comme d'un profond fommeil, à regarder la vraïe lumiere de l'Evangile, & à reconnoiftre l'inutilité des fciences vaines; &.

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VIE DE S. conçevant un degouft pour le monde & fes vanités, il prit la refolution de fe retirer & de chercher quelqu'un qui pust lui› fervir de guide dans la voie de la Perfection.

Ce fut dans le deffein d'en chercher un, qu'il entreprit de voïager dans les lieux où la renommée publioit que fe retiroient ceux qui vivoient dans la pratique des Confeils Evangeliques. Il alla en Egypte, en Palestine, en Syrie, en Me-fopotamie, où il eut la fatisfaction de trouver dans les diverfes folitudes de ces païs, plufieurs de ces Saints qu'il y cherchoit ; car la Vie Monaftique s'eftoit répandue dans toutes. ces Provinces. Il admira leur vie également auftere & laborieufe, leur ferveur & leur application à la priere. Il fut furpris de voir que ces hommes admirables, invincibles au fom-meil & aux autres neceffités de la nature, dans la faim & dans la foif, dans le froid & la nudité, tenoient toûjours leur efprit libre & élevé vers Dieu, fans fe mettre en peine de leur corps, vivant comme fi la chair qu'ils portoient ne leur eftoit de rien, & fe regardant comme des Eftrangers fur la terre & des Citoïens du Ciel. Ce fut dans la fuite de ce voïage que noftre Saint alla à Jerusalem & à Jericho, comme il femble le dire en un endroit ; & après fon retour à Cesarée, dont il avoit esté abfent pendant deux ans, fon Evefques Dianée, pour l'attacher à fon Eglife, le fit Lecteur.

Ce nouvel emploi ne put étouffer en lui le defir qu'il avoit de la Solitude, pour tafcher d'imiter les grands exemples qu'il avoit trouvés dans les Deferts de l'Egypte & de l'Orient. Il fe joignit d'abord à des gens qu'il trouva dans fon païs, qui fembloient pratiquer la mefme maniere de vivre. Leur exterieur auftere & mortifié, faifoit croire à Bafile que leur interieur eftoit faint. Il prenoit leur manteau rude & groffier, leurs fouliers faits de cuir non corroïé, des pour marques certaines de leur vertu. Il croïoit ne pouvoir pas eftre affez uni avec des perfonnes, qui preferoient une vie auftere & laborieufe à tous les plaifirs du monde; mais il reconnut dans la fuite qu'il s'eftoit trompé, & ces perfonnes eftoient les Difeiples d'Euftathe de Sebafte, qui fut dans la fuite le plus grand perfecuteur de noftre Saint.

C'eftoit environ l'an 357. qu'il fongea ferieufement à fe retirer dans la Solitude, où il ne dit point qu'il demeuraft avec Euftathe & fes Difciples ; mais feulement qu'il eftoit uni d'a-

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