S. Basile le Grand Archevêque de Cesarée, Docteur de l'Eglise, et Pa triarche des Moines d'Orient. 32. BASILE. genre de vie. CH A P I TRE XVII. vesque de Cesarée & Patriarche des Moines d'Orient. Q UOI QU'I l y ait eu un nombre infini de Moines & de Solitaires en Orient avant saint Basile , c'est neanmoins avec justice., que l'on a donné à ce Docteur de l'Eglise le titre de Patriarche des Moines d'Orient. Car si faint Antoine a esté le restaurateur de la vie Cænobitique , & fi saint Pachome lui a donné une meilleure forme , c'est faint Basile qui a eu la gloire de lui donner son entiere perfection, en obligeant par des võux solemnels ceux qui le font engagés à ce Il semble que la sainteté ait esté hereditaire dans sa famille, pas marqué d'un Asterisque, avec lequel le P. Menniti a deligné les Saints dont Y en ز Tome 1. VIE DE S. BASILE. on fait l'Office avec la Mesle. Mais quand ses ancestres n’auroient seulement passés que pour des personnes d'une vertu éminente , & d'une piece singuliere ; il en pouvoit tirer plus d'avantage & de gloire , que ceux qui descendent des Empereurs & des Rois. On ignore le nom de Ton Aïeuil paternel , & l'on sçait seulement qu'il cut pour femme Macrine , dont le nom fe lit dans le Martyrologe Romain le quatorze Janvier. Ils se vi . rent dépoüillés avec joïe de leurs biens par la haine des Empereurs Païens, & leur grand zele pour la foi leur avoit fait supporter constamment toutes les incommodités & les miseres qu'ils avoient souffertes dans les Deserts de Pont, où ils s'estoient retirés pour fuir la persecution de ces mesmes EmpeFeurs. Dieu fit voir en cette rencontre combien cette conduite lui estoit agreable, par un celebre miracle qu'il accorda à leurs prieres en leur envoïant des Cerfs pour les nourrir , & , pour leur donner un peu de soulagement dans les peines qu'ils enduroient. La persecution estant cessée , ils retournerent dans leur maison , & la Divine Providence leur rendit des biens plus considerables que ceux qu'ils avoient perdus. Leur pieté passa à Bafile leur fils , qui espousa Eumelie ; & foit qu'ils vinllent demeurer à Celarée de Cappadoce , ou qu'ils y allassent de tems en tems, ce fut dans cette ville que naquit le Grand saint Basile vers l'an 329. Estant encore enfant, il comba dangereusement malade. Ses pere & mere, après avoir emploïé les remedes humains, eurent recours à la priere , qui , aiant efté accompagnée d'une foi vive & pareille à celle de ce Roi dont il est parlé dans l'Evangile, qui demandoit aussi la guérison de son fils à Jesus-Christ ; ils méricérent d'en recevoir une réponse aufli favorable , Nostre-Seigneur s'estant apparu la nuit à ce pere affligé, & lui aïant promis la guérison du perit Bafile. On l'envoïa ensuite à Néocesarée ou demeuroit pour lors fon Aïeule sainte Macrine; ; quelques-uns croient que ce fut dans une maison de campagne aux environs de cette ville, où certe fainte Femme lui fit fuccer dès son enfance la pure doctrine de la foi dont elle avoit esté elle-mesine instruire par S. Gregoire Thaumaturge. A l'âge de sept ans il retournz chez son pere , qui estane un Avocat celebre, lui donna les premieres teintures des Letces humaines, Halla ensuite efiudier à Césarée de Palestine, BASILE. > oà il commença à connoistre S. Gregoire de Nazianze. De là VIE DE S. il passa à Constantinople à l'âge de douze ans , où après avoir estudié quelque tems , il retourna à Cesarée de Cappadoce d'où il fur à Alexandrie pour y visiter les escoles de cette ville ; mais n'y aïant pas trouvé ce qu'il souhaitoit , il vinc. à Achenes. Il avoit alors dix-sept ans, & ce fut là qu'il lia avec faint Gregoire de Nazianze cette amitié fi forte qui dura jusqu'à la mort , & que rien ne puc desunir. Gregoire lui rendit d'abord fervice; car aïant representé à ses amis la sagesse & la gravité de Basile, joinres à la reputation qu'il s'estoit déja acquise , il le fit exemter d'une certaine formalité qui alloit mesme à l'insolence & donc les Estudians de cette ville ufoient à l'égard des nouveaux venus. Il fut fi dégoufté de cette maniere d'agir peu serieuse, qu'il auroit quitté Athenes,fi saint Gregoire ne l'eust retenu. Il devint très-fçavant en peu de tems , aïant eu pour Maistres les plus habiles Professeurs de ce tems-là, Libanius , Ecebole, Himece, & Protherese. Il fçavoit toute la Philosophie, l'Aftronomie , la Géometrie , l'Arithmetique ; & ses frequentes ; maladies l'engagerent à apprendre la Medecine. Mais toutes à ces sciences profanes ne lui firent point abandonner les saintes Lettres qu'ilavoit estudiées dès le berceau. Il eut aussi pour compagnon de ses estudes avec faint Gregoire, Julien l’Apoftat , avec qui ils firent quelque connoissance , & ces deux Saints descouvrirent le déréglement de son esprit par fa phifionomie & son exterieur. Enfin après un fejour de dix ans dans cette celebre ville, il retourna à Césarée sa Patrie, où sa mere qui avoit perdu depuis peu son mari, le souhaitoit pour la consoler dans son veuvage. Il plaida d'abord quelques causes; car c'estoit par-là que commençoient ceux qui aspiroiene aux Charges ; mais fa læur sainte Macrine craignant que l'orguëil , la vanité & l'ambition ne s'emparassent de son cour , fui persuada adroitement de quitter cette profession & toutes les autres occupations seculieres, pour s'adonner entierement à la retraite , à l'estude de la veritable sagesse, & à la pratique des vertus Chrestiennes. Il y fit reflexion , & ce fut pour lors, , comme il le dit lui-mesme , qu'il commença à s'éveiller comme d'un profond sommeil, à regarder la vraïe lumiere de l’Evangile , & à reconnoistre l'inutilité des sciences vaines ; & . BASILE. VIE DE S. conçevant un degoust pour le monde & ses vanités , il pric la: resolution de se retirer & de chercher quelqu'un qui pust lui: servir de guide dans la voie de la Perfection. Ce fut dans le dessein d'en chercher un , qu'il entreprit de voïager dans les lieux où la renommée publioit que se retia roient ceux qui vivoient dans la pratique des Conseils Evangeliques. Il alla en Egypte , en Palestine , en Syrie , en Me-Lopotamie , où il eut la satisfaction de trouver dans les diver-ses solitudes de ces païs, plusieurs de ces Saints qu'il y. cher y choit ; car la Vie Monastique s'estoit répanduë dans toutes ces Provinces. Il admira leur vie également austere & laborieuse , leur ferveur & leur application à la priere. Il fut surpris de voir que ces hommes admirables, invincibles au somineil & aux autres neceflités de la nature, dans la faim & dans la soif, dans le froid & la nudité, tenoient toûjours leur esprit libre & élevé vers Dieu , sans se mettre en peine de leur corps , vivant comme si la chair qu'ils portoient ne leur estoit de rien, & se regardant comme des Estrangers sur laterre &: des Citoïens du Ciel. Ce fut dans la suite de ce voiage que nostre Saint alla à Jerusalem & à Jericho , comme il lemble le dire en un endroit ; & après son retour à Cesaréex dont il avoit esté absent pendant deux ans , fon Evefque Dianée , pour l'attacher à fon Eglise, le fit Lecteur. Ce nouvel emploi ne put étouffer en lui le desir qu'il avoit de la Solitude, pour tascher d'imiter les grands exemples qu'il avoit trouvés dans les Deserts de l'Egypte & de l'Orient. Il le joignit d'abord à des gens qu'il trouva dans son païs, qui sembloient pratiquer la mesme maniere de vivre. Leur exterieur austere & mortifié, faisoit croire à Basile que leur interieur estoit saint. Il prenoit leur mantcau rude & grossier , leurs souliers faits de cuir non corroïé, pour des marques cerraines de leur vertu. Il croïoit ne pouvoir pas estre allez uni avec des personnes , qui preferoient une vie austere & laborieuse à tous les plaisirs du monde; mais il reconnut dans la fuite qu'il s'estoit trompé, & ces personnes estoient les Difciples d'Eustathe de Sebaste , qui fut dans la suite le plus grand persecuteur de noftre Saint: C'estoit environ l'an 357: qu'il fongea serieufement' à se retirer dans la Solitude, où il ire dit point qu'il demeurast avec Eustache & ses Disciplės ; mais seulement qu'il estoit uni d'a- |